Concordance des temps

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André (G., R.)
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Concordance des temps

Message par André (G., R.) »

Oui, encore elle !
On entend et lit souvent (de plus en plus ?), y compris sous la plume d'écrivains scrupuleux par ailleurs, des phrases du genre « Elle travailla jusqu'à sa mort comme si elle manquait d'argent » ou « Mon père riait rarement, comme si la gaieté lui était interdite ».
Lorsqu'il s'agit de subordonnées au subjonctif, on accepte facilement que la concordance des temps ne soit pas respectée, beaucoup la considèrent même comme ridicule (« Elle priait pour qu'il pleuve » remplace la plupart du temps « Elle priait pour qu'il plût »).
Sans que je puisse bien m'en expliquer, je suis davantage gêné par le défaut de concordance dans les phrases à l'indicatif. Je ne peux écrire et dire que « Elle travailla jusqu'à sa mort comme si elle avait manqué d'argent » ou « Mon père riait rarement, comme si la gaieté lui avait été interdite ».
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Jacques
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Message par Jacques »

Je ne suis pas un expert en grammaire, mais je ne vois rien de choquant dans vos exemples elle travailla comme si elle manquait... mon père riait rarement, comme si la gaieté lui était...
L'imparfait, dans les deux cas, marque une situation constante, qui se prolonge dans le passé.
Dernière modification par Jacques le lun. 23 juin 2014, 10:30, modifié 1 fois.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Je ne vois pas non plus de faute dans les phrases que vous citez, André.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Il me semble que vous ne tenez pas compte de l'élément hypothétique que contiennent ces exemples. Dans les faits « elle » ne manquait pas d'argent, en réalité la gaieté n'était pas interdite à mon père. On a bel et bien à faire à des subordonnées de condition. Et si je les intègre à des phrases conditionnelles complexes habituelles, avec verbe principal au passé (il s'agit bien du passé), on se rend compte du problème que pose l'imparfait :
« Elle aurait travaillé si elle manquait d'argent » et « Mon père n'aurait pas ri si la gaieté lui était interdite » ne sont pas correctes, on ne peut dire que « Elle aurait travaillé si elle avait manqué d'argent » et « Mon père n'aurait pas ri si la gaieté lui avait été interdite » (On voudra bien ne pas me tenir rigueur de la bizarrerie de cette phrase, dont je ne considère que la grammaire).
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Jacques
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Message par Jacques »

Je n'ai pas d'arguments techniques, vous connaissez la grammaire beaucoup mieux que moi, mais je ne vois pas de désaccord dans les formulations. Il semble qu'elles ne soient pas académiques, je pense que c'est ce que vous voulez dire ; Girodet précise : « Comme si est normalement suivi de l'imparfait ou du plus-que-parfait de l'indicatif : Il agit comme s'il se méfiait de nous ; il est parti très tôt, comme s'il avait été mécontent. Le plus-que-parfait du subjonctif est plus rare : Elle agissait avec méfiance, comme si elle eût craint quelque danger. »
Il n'évoque donc pas un possible mariage du passé simple ou de l'imparfait avec un imparfait, comme dans vos phrases exemples. Il se peut donc que ces formulations s'écartent de l'orthodoxie grammaticale, cependant je continue à ne pas m'en offusquer.
Il convient peut-être de distinguer des différences de registres, les formes qui vous gênent appartenant à une langue familière moins exigeante.
Dans la phrase de Girodet, nous avons un imparfait qui fait suite à un indicatif présent ou un passé composé, imparfait un peu insolite puisqu'il évoque un conditionnel. Ce n'est pas la situation à laquelle vous pensez.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Jacques a écrit : Girodet précise : « Comme si est normalement suivi de l'imparfait ou du plus-que-parfait de l'indicatif : Il agit comme s'il se méfiait de nous ; il est parti très tôt, comme s'il avait été mécontent. »
L'imparfait après comme si quand le verbe principal est au présent, le plus-que-parfait quand il est au passé : c'est précisément ce que je voulais dire. Je vois dans les exemples de Girodet la confirmation de la nécessité de formuler ainsi : « Elle travailla jusqu'à sa mort comme si elle avait manqué d'argent ».
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Jacques
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Message par Jacques »

Présenté ainsi, on ne peut qu'être entièrement d'accord, et c'est bien ce que j'avais conclu des explications de Girodet. L'autre façon d'énoncer relève donc bien d'un registre familier. On ne devrait pas la trouver dans des œuvres littéraires où le niveau de langue doit être surveillé.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Comme ci-dessus, le non respect de la concordance des temps peut venir de ce que l'on ressent le plus-que-parfait comme trop difficile. Ci-dessous c'est un peu l'inverse, on se complique la vie en renonçant au présent, habitué qu'on est à une tournure au passé simple.
Dans mon journal : La propriétaire se rend au commissariat. La voyant arriver, éméchée, les policiers lui conseillent de revenir. Quelle ne fut pas leur surprise de la voir rejoindre la voiture de ses amis, à la place... du conducteur. Les policiers vont à sa rencontre, éthylotest en main... (les caractères gras me sont dus).
Seule la force de l'habitude, je l'ai dit, me paraît véritablement pouvoir expliquer le renoncement à « Quelle n'est pas leur surprise... ».
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

À la lecture de l'article dont je parlais avant-hier, je me suis dit que la formulation suivante aurait été préférable : Quelle n'est pas leur surprise de la voir gagner la voiture où sont ses amis et... se mettre au volant ! Les policiers la rejoignent, éthylotest en main.

En tout cas « la voir rejoindre la voiture de ses amis, à la place... du conducteur » ne m'a pas semblé signifier que la jeune femme voulait remplacer un autre conducteur, mais qu'elle s'installait à nouveau sur le siège avant gauche (on n'est pas en Grande-Bretagne !) de sa propre voiture. Ambiguïté d'« à la place ».

Le journaliste, qui venait d'utiliser « rejoindre » (« la voir rejoindre la voiture »), a sans doute voulu surtout éviter sa répétition en écrivant « Les policiers vont à sa rencontre... ». « Gagner » permet peut-être d'éviter cette petite difficulté. L'employez-vous dans le sens « atteindre », « aller jusqu'à » ? Je ne le fais pas spontanément.
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