Puissé-je ?

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valiente
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Puissé-je ?

Message par valiente »

Voici une sujet à propos des questionnements utilisant certains verbes à la première personne du singulier du présent de l'indicatif.

D'après vous, est-ce que les formulations suivantes sont encore considérées comme correctes de nos jours :
- Puissé-je vous demander...?
- Pensé-je réellement...?

Dans le permier exemple, si l'expression est bonne, on pourrait préférer une version plus récente comme : "Puis-je...?"

Mais dans le deuxième exemple, qu'en est-il ? Je ne connais pas d'équivalence, souhaitant éviter le trop lourd "Est-ce que...?"
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Klausinski
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Message par Klausinski »

« Puissé-je ? » est une forme qui existe mais ce n'est pas de l'indicatif : c'est du subjonctif (que je puisse), on parle même de subjonctif optatif ; on utilise cette forme pour traduire le souhait latin, Utinam. Chez Baudelaire, par exemple : « Puissé-je user du glaive et périr par le glaive ! ». « Puis-je » n'est donc pas une version plus récente, c'est la façon usuelle de demander si l'on peut ou non faire quelque chose. « Puis-je savoir si vous m'aimez ? »

Quant à « Pensé-je ? », c'est une forme admise. Vous pouvez également dire : « Suis-je réellement en train de penser ? » ou, comme vous le suggérez : « Est-ce que je pense réellement ? ».
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
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Jacques
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Message par Jacques »

Rappelons-nous les imprécations de Camille dans Horace :

Rome, l'unique objet de mon ressentiment
......................................
Que le courroux du Ciel allumé par mes vœux
Fasse pleuvoir sur elle un déluge de feu !
Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre,
Voir ses maisons en cendres et tes lauriers en poudre

....................................

C'est le subjonctif présent : puissé-je, puisses-tu, puisse-t-il / elle, puissions-nous, puissiez-vous, puissent-ils / elles, (que je puisse, que tu puisses...) avec une sorte de valeur d'impératif. On dit assez couramment : « Puissiez-vous dire vrai ! ». C'est le même type de construction que : « fasse le Ciel que vous ayez raison ! ».
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valiente
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Message par valiente »

Je doutais un peu du temps de mon premier exemple. J'avais supposé un instant que c'était du subjonctif, mais j'ai cru finalement qu'il s'agissait d'une particularité du verbe pouvoir. J'ai pensé que "puissé-je" pouvait venir du présent "je puis", mais dans ce cas là, vous avez raison, cela donne le fameux "puis-je".
Pensez-vous que l'on peut abuser à l'infini du "é" terminal pour les verbes "similaires" ?
- Osé-je vous dire...?
- Supposé-je bien...?
Il doit exister des exceptions pour lesquelles il est impossible d'utiliser une forme aussi directe dans le questionnement, me trompé-je?
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valiente
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Message par valiente »

Jacques a écrit :Rome, l'unique objet de mon ressentiment
Et en plus, on me répond en très beaux vers... J'y gagne doublement !
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valiente
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Message par valiente »

Jacques a écrit :Voir ses maisons en cendres et tes lauriers en poudre
Je me permets une rectification. En relisant ces vers, quelque chose me gênait dans la rythmique... Après vérification, cendre doit s'écrire au singulier, sinon on se retrouve avec un treizième pied embarrassant :wink:
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Klausinski
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Message par Klausinski »

valiente a écrit :Pensez-vous que l'on peut abuser à l'infini du "é" terminal pour les verbes "similaires" ?
- Osé-je vous dire...?
- Supposé-je bien...?
Il doit exister des exceptions pour lesquelles il est impossible d'utiliser une forme aussi directe dans le questionnement, me trompé-je?
Je ne crois pas qu'il y ait d'interdiction, mais il est recommandé d'éviter les formes par trop originales ou cacophoniques : veux-je, exigé-je, surpris-je, cours-je (« où cours-je, dans quel état j'erre ? »), etc. On trouve toujours une chacalerie, pour reprendre le mot de Claude, c'est-à-dire un moyen de contourner la difficulter : Est-ce que je veux vraiment ?... Où suis-je en train de courir ?, etc.
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Claude
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Message par Claude »

Ce sujet me fait penser à « Qu'ois-je ? Qu'entends-je ? Qu'acoustiqué-je ? »
Dernière modification par Claude le mer. 12 déc. 2007, 7:51, modifié 1 fois.
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Jacques
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Message par Jacques »

valiente a écrit :
Jacques a écrit :Voir ses maisons en cendres et tes lauriers en poudre
Je me permets une rectification. En relisant ces vers, quelque chose me gênait dans la rythmique... Après vérification, cendre doit s'écrire au singulier, sinon on se retrouve avec un treizième pied embarrassant :wink:
L'expression habituelle est : réduire en cendres, avec un S. Bien que la césure, selon moi, puisse permettre le hiatus, l'absence de liaison, Corneille a effectivement pris une licence avec la formule, en écrivant cendre. J'ai appris la tirade en 1951, j'ai eu le temps d'en oublier l'orthographe.
http://pagesperso-orange.fr/jmpetit/cours/the09.htm
Permettez-moi de remarquer à mon tour que les vers n'ont pas de pieds, contrairement à la croyance répandue, mais qu'ils se décomposent en syllabes : les alexandrins sont définis comme vers dodécasyllabiques, et non dodécapodes.
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valiente
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Message par valiente »

Oui, cela dit, voici la première définition que je viens de trouver sur internet :
Pied = "Syllabe prononcée d'un vers: vers de 12 pieds."
Malgré ce genre de définition, je sais que certains tiennent à défendre votre point de vue, sans doute plus scrupuleux.
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valiente
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Message par valiente »

Klausinski a écrit : Je ne crois pas qu'il y ait d'interdiction, mais il est recommandé d'éviter les formes par trop originales ou cacophoniques
Je ne suis pas trop friand des tournures trop empruntées, mais je cherchais une correspondance courte pour l'écriture d'un vers de 7 syllabes :wink:
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Klausinski
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Message par Klausinski »

valiente a écrit :Je ne suis pas trop friand des tournures trop empruntées, mais je cherchais une correspondance courte pour l'écriture d'un vers de 7 syllabes :wink:
Les poètes ont, au possible, évité de pareilles formulations. Vos verbes doivent-ils impérativement être au présent ? Autrement, vous pourriez mettre : « Oserais-je », qui sonne mieux et qui est plus habituel ; et au lieu de « Supposé-je bien », vous pourriez écrire quelque chose comme « Ai-je tort ou non ? », mais bien sûr, tout cela dépend du contexte. Du reste, je ne doute pas de votre habileté à trouver la périphrase la plus agréable à l'oreille et à l'esprit.
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valiente
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Message par valiente »

J'avais essayé un autre temps mais le présent me semblait le mieux adapté.

Le deux vers précédent de mon poème sont au futur et au présent : (il faut croire que je me complique la tâche) :

"Je ne t'offrirai rien si ce n'est des pensées,
C'est que même en ami mon coeur est maladroit."

Si bien que je doute de la justesse du vers suivant, s'il utilisait un troisième temps, par exemple :
"Mais à quelle amitié oserais-je prétendre?"

Maintenant, le second vers me paraissant un peu lourd et perfectible, peut-être aurais-je intérêt à corriger celui-ci en fonction du troisième et non l'inverse...
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Jacques
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Message par Jacques »

valiente a écrit :Oui, cela dit, voici la première définition que je viens de trouver sur internet :
Pied = "Syllabe prononcée d'un vers: vers de 12 pieds."
Malgré ce genre de définition, je sais que certains tiennent à défendre votre point de vue, sans doute plus scrupuleux.
Méfiez-vous de ce qu'on trouve sur Internet, il y a plus de mauvais que de bon. Robert précise : « Unité rythmique constituée par un groupement de syllabes d'une valeur déterminée (en français on ne doit pas parler de pieds mais des syllabes d'un vers).
Je fais plus confiance à Robert qu'à Internet.
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Le conditionnel du troisième vers ne me choque en rien. En revanche, vous avez raison, chaque vers doit s'inscrire de la manière la plus adéquate dans l'ensemble du poème, ce qui implique qu'on revienne souvent sur ses pas pour changer un mot, une rime, pour insérer un distique, en supprimer un autre, etc. L'écriture d'un poème n'est jamais vraiment linéaire, les vers doivent se répondre.
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