le pronom "on"

morphée

Message par morphée »

morphée a écrit :
Claude a écrit : "Je possède un vieux livre de 1768 intitulé "Principes généraux et raisonnés de la grammaire "françoise" (le "oi" se prononçait quand-même "è"). "
La prononciation que je citais était celle de certains musiciens (je ne sais plus exactement si c'est le cas du Poème Harmonique en particulier, il faudrait vérifier). Et comme je le précisais, certains points de ces "reconstitutions" sont discutés par les spécialistes.
Mais roi s'est longtemps prononcé roè (je ne sais pas comment insérer les signes phonétiques). Et le débat précis porte sur la question de savoir s'il se prononçait encore ainsi au temps de Lully. Il est probable que la réponse est bâtarde, qu'elle dépendait du milieu et de la région. Le théâtre de l'époque, en particulier celui de Molière, jouait beaucoup sur les accents et les façons spécifiques de parler, ce qu'il faut savoir rajouter à la lecture au premier degré ("au raz du texte").

Pour la prononciation de l'ancien Français : http://homepage2.nifty.com/okadamac/old ... u+Perc.pdf, où roi est transcrit roè, et où l'on trouve des précisions sur les élisions.

Tout cela est très difficile en l'absence de documents assez précis. Nous perdons beaucoup en finesse de compréhension par manque de références auditives. Dans le théâtre moderne, les acteurs parlent de façon élégante, snob, populaire, triviale, campagnarde, régionale... Tout cela est perçu de façon parfaitement naturelle, spontanée, par les spectateur/auditeurs. Nous n'avons plus ces perceptions naturelles pour les siècles précédents, sauf au travers de prismes déformants.

Comme en musique pure : un musicien d'autrefois (même amateur) était parfaitement au fait des différences de style et d'interprétation selon les pays. Il est évident que, pour lui, une pièce "à la fançoise" n'avait pas du tout le même goût qu'une pièce à l'italienne ou à la tudesque.
Et une pièce dite "de goûts réunis" pouvait être soit une synthèse parfaite (un "zabaione"), soit perçue comme un mélange amusant, ou une caricature. Peu d'artistes actuels parviennent à nous faire percevoir de réelles différences entre des pièces qui, interprétées au premier degré ("au raz de la partition") nous semblent très proches.
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Claude
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Message par Claude »

Voilà également ce que j'écrivais, toujours à la page 14 et dans la même rubrique :
Comme promis, j'apporte des précisions quant à la prononciation de OI.
Il semble que OI prononcé "OUA" n'existait pas.
OI était :
- soit une voyelle composée (son simple et permanent) comme dans "j'aimois" (prononcé j'aimès),
- soit une diphtongue simple (son double) comme dans "roi" (prononcé rouè).
Le Y tenant lieu de deux I est évoqué.
Le mot "voyage" se prononce vouè-iage.
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Jacques
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Message par Jacques »

J'ai lu quelque chose qui correspond à cela.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Extrait de Histoire de la langue française, de Jacqueline Picoche et Christiane Marchello-Nizia, Édition Nathan Université) :
... Dans la majorité des cas, [we] se maintient, hésitant dès le XIIIème siècle entre [we] et [wε]. Le timbre ouvert l'emporte au XVIème siècle. Une prononciation populaire, plus ouverte encore, [wa], apparaîtra à Paris dès le début du XIVème siècle. Tenue pour vulgaire (...), elle est combattue par les grammairiens du XVIème et du début du XVIIème s. Mais Hindret (1687) constate qu'il y a beaucoup d'honnêtes gens, à la cour et à Paris, « qui disent du bouas, des nouas, trouas, mouas, des pouas, vouar ».
Cette citation vient contredire ce qu'affirme morphée :
morphée a écrit :Tout cela est très difficile en l'absence de documents assez précis
morphée

Message par morphée »

Je parlais d'absence de documents auditifs... !
Des documents écrits, ils y en a. Parfois contradictoires, d'ailleurs. Mais ils ne nous donnent qu'une image imprécise. Et il est parfois difficile de savoir si ce qu'ils décrivent est bien la réalité, ou est marqué de distorsions idéologiques (au sens large).

Je ne crois pas qu'une description écrite, si brillante fût-elle, puisse donner ne serait-ce qu'une vague idée de ce qu'est une musique (un son, une parole) à quelqu'un qui ne l'a jamais entendue. J'ai lu des description de musiques traditionnelles, qui ne m'ont pas empêché d'être sidéré en entendant la réalité. J'ai souvent du mal à trouver le lien entre les transcriptions de mots ou de sons étrangers, et ce que j'entends à l'enregistrement. Et c'est vrai pour toute évocation écrite, qu'elle concerne l'auditif, le visuel, le tactile...

Pour les prononciations, nous nous en tirons grâce aux comparaisons avec les accents régionaux, avec les formes exilées du Français, et maintenant les archives de l'audiovisuel. Mais si Claude confirme bien qu'on prononçait rouè, je ne sais pas exactement comment "sonnait" ce rouè (claironné, étouffé, articulé ou fusionné...; plus de ou ou plus de è ?). Relisez ce qu'ont écrit les divers intervenants sur des choses très actuelles, comme prochain arrêt, prononcé prochinaré ou prochènaré [fil sur les élisions]); ajoutez le fait que certains le disent plus ou moins nasal, plus ou moins "mâchonné", plus ou moins articulé, plus ou moins égal... S'il y a de tels écarts entre les prononciations actuelles, on doit bien imaginer que les écarts étaient plus grands avant (les médias ayant tendance à uniformiser). Comparez le Français des actualités, des films, des "interviews", des débats, ou même les captations "naturelles"..., avec le Français d'aujourd'hui. Un siècle d'archives seulement, et la langue a déjà bien changé !

Nous devons avoir la modestie de penser que tout ce que nous croyons savoir sur ces époques reste marqué du sceau de l'à-peu-près. Et que les renseignements des grammairiens ou savants de l'époque ne sont qu'un pâle reflet d'une réalité infiniment plus riche. La caractéristique des débats sur ce genre de sujets est d'ailleurs que chacun brandit sa référence bibliographique, soit qu'elle aille dans le sens d'une opinion a priori, soit qu'il s'en est entiché (j'ai longtemps souffert d'entendre un célèbre présentateur de France-Musique qui, à chaque fois qu'il avait lu un ouvrage sur la musique ancienne, en abreuvait les auditeurs comme s'il avait découvert l'ouvrage ultime, la référence absolue !). Alors que la confrontation du plus grand nombre possible de références ne donnerait jamais qu'un image encore floue.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

morphée a écrit :S'il y a de tels écarts entre les prononciations actuelles, on doit bien imaginer que les écarts étaient plus grands avant
, bien sûr, et incluant, pourquoi pas, la prononciation oua attestée par Hindret et dans les témoignages des nobles revenus d'exil sous Louis XVIII, et qui, eux, cultivaient la prononciation ouè à la cour d'avant 1789.
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