Prolepse et anacoluthe
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Parce que nous sommes habitués à pinailler un peu sur ces questions, voilà que je m'imagine le bonhomme Temps en train de porter des gants.
Mais nous avons tort, je crois. Ce genre de phrases fait partie de notre langue, comme le genre proche :
L'appétit vient en mangeant ou La fortune vient en dormant.
http://www.achyra.org/francais/viewtopi ... 504#p54504
Il ne faut pas nécessairement voir dans "porter des gants" une phrase verbale donc le sujet serait "le temps", mais plutôt un infinitif à sujet général indéterminé, équivalent à "le porter de gants" ou même "le port de gants".
Du reste, aussi bien Littré que le dictionnaire de l'Académie (6e édition) donnaient cet exemple (à "promenade") :
La promenade est belle aujourd'hui, le temps est favorable pour se promener aujourd'hui.
Rousseau, de son côté, écrivait sans crainte :
Le temps est bien froid pour se mettre en route.
Mais nous avons tort, je crois. Ce genre de phrases fait partie de notre langue, comme le genre proche :
L'appétit vient en mangeant ou La fortune vient en dormant.
http://www.achyra.org/francais/viewtopi ... 504#p54504
Il ne faut pas nécessairement voir dans "porter des gants" une phrase verbale donc le sujet serait "le temps", mais plutôt un infinitif à sujet général indéterminé, équivalent à "le porter de gants" ou même "le port de gants".
Du reste, aussi bien Littré que le dictionnaire de l'Académie (6e édition) donnaient cet exemple (à "promenade") :
La promenade est belle aujourd'hui, le temps est favorable pour se promener aujourd'hui.
Rousseau, de son côté, écrivait sans crainte :
Le temps est bien froid pour se mettre en route.
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J'ai voulu chercher ci-dessus la limite entre ce que l'on accepte et ce que l'on refuse en la matière. Comme vous, je suis bien habitué aux phrases que vous citez, mais je me rends compte avec une certaine gêne que je n'ai peut-être plus le choix qu'entre une attitude rigide qui me ferait les rejeter et une attitude tolérante qui ne satisfait pas mon besoin de clarté grammaticale.
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D'Erik ORSENNA, de l'Académie française, je lis en ce moment La vie, la mort, la vie, une biographie de Louis PASTEUR comportant cette phrase à la page 28 :
Déclaré peu après admissible à l'École normale, son rang est jugé par lui trop médiocre (15e sur 22) pour avoir une chance d'obtenir une bourse.
Il me semble, Islwyn, avoir lu sous votre plume que des anacoluthes se trouvent en anglais. J'en viens à me demander si la gêne que me procure souvent l'anacoluthe française ne vient pas de ce que je pense, à la lire, à la phrase allemande correspondante, dont le mot-à-mot ressemblerait à : Bien qu'il soit admis à l'examen oral de l'École normale, il considère son rang (15e de 22 candidats) comme trop médiocre pour pouvoir obtenir une bourse. C'est PASTEUR qui est admis, c'est lui qui considère son rang comme médiocre, c'est encore lui qui a peu de chances d'obtenir une bourse.
Or, dans la phrase de notre académicien, c'est le rang qui est déclaré admissible et c'est ce même rang qui a peu de chances d'obtenir la bourse. Double anacoluthe. Tant pis si l'on me juge ergoteur !
Déclaré peu après admissible à l'École normale, son rang est jugé par lui trop médiocre (15e sur 22) pour avoir une chance d'obtenir une bourse.
Il me semble, Islwyn, avoir lu sous votre plume que des anacoluthes se trouvent en anglais. J'en viens à me demander si la gêne que me procure souvent l'anacoluthe française ne vient pas de ce que je pense, à la lire, à la phrase allemande correspondante, dont le mot-à-mot ressemblerait à : Bien qu'il soit admis à l'examen oral de l'École normale, il considère son rang (15e de 22 candidats) comme trop médiocre pour pouvoir obtenir une bourse. C'est PASTEUR qui est admis, c'est lui qui considère son rang comme médiocre, c'est encore lui qui a peu de chances d'obtenir une bourse.
Or, dans la phrase de notre académicien, c'est le rang qui est déclaré admissible et c'est ce même rang qui a peu de chances d'obtenir la bourse. Double anacoluthe. Tant pis si l'on me juge ergoteur !
Jugeriez-vous mal cette phrase :
Je le déclare aux parents qui demeurent dans les provinces, et qui trouvent ces salaires considérables : deux francs par jour sont insuffisants pour vivre à Paris.
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Sauf erreur de ma part, on est loin de l'anacoluthe. Je ne vois aucune rupture de construction dans ce passage dont on n'éprouve aucune difficulté à faire l'analyse logique, me semble-t-il :
Je le déclare aux parents : proposition principale
qui demeurent dans les provinces : proposition subordonnée relative complément (expansion) de l'antécédent parents
et qui trouvent ces salaires considérables : proposition subordonnée relative complément (expansion) de l'antécédent parents, coordonnée à la précédente par et
deux francs par jour sont insuffisants pour vivre à Paris : proposition indépendante
Une petite difficulté vient éventuellement de la présence du pronom personnel COD le dans la principale. Si l'on y voit l'annonce de l'indépendante, à la manière de ceci (et c'est bien de cela qu'il s'agit), rien ne me gêne.
Je le déclare aux parents : proposition principale
qui demeurent dans les provinces : proposition subordonnée relative complément (expansion) de l'antécédent parents
et qui trouvent ces salaires considérables : proposition subordonnée relative complément (expansion) de l'antécédent parents, coordonnée à la précédente par et
deux francs par jour sont insuffisants pour vivre à Paris : proposition indépendante
Une petite difficulté vient éventuellement de la présence du pronom personnel COD le dans la principale. Si l'on y voit l'annonce de l'indépendante, à la manière de ceci (et c'est bien de cela qu'il s'agit), rien ne me gêne.
Dans la phrase d'Orsenna, vous avez détecté deux anacoluthes, la seconde étant que dans
son rang est jugé par lui trop médiocre (15e sur 22) pour avoir une chance d'obtenir une bourse.
c'est le rang qui a peu de chances d'obtenir la bourse.
C'est ce type d'anacoluthe que contient la partie marquée en gras dans la phrase que j'ai citée :
deux francs par jour sont insuffisants pour vivre à Paris.
Cependant, elle ne vous heurte point puisqu'elle est passée inaperçue cette fois-ci.
Elle ressemble pourtant à :
« Le temps est trop doux pour porter des gants »
dont nous avions discuté en décembre.
son rang est jugé par lui trop médiocre (15e sur 22) pour avoir une chance d'obtenir une bourse.
c'est le rang qui a peu de chances d'obtenir la bourse.
C'est ce type d'anacoluthe que contient la partie marquée en gras dans la phrase que j'ai citée :
deux francs par jour sont insuffisants pour vivre à Paris.
Cependant, elle ne vous heurte point puisqu'elle est passée inaperçue cette fois-ci.
Elle ressemble pourtant à :
« Le temps est trop doux pour porter des gants »
dont nous avions discuté en décembre.
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Autant doivent être assez rares les personnes gênées par Le temps est trop doux pour porter des gants, autant j'imagine que la phrase d'Erik ORSENNA devrait attirer l'attention. Je me demande en tout cas quelle mouche a piqué l'écrivain d'utiliser le passif pour le verbe principal. « Juger » employé à l'actif supprime les anacoluthes et allège l'ensemble : Déclaré peu après admissible à l'École normale, il juge son rang trop médiocre (15e sur 22) pour avoir une chance d'obtenir une bourse.
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Tiens, deux mois plus tard, je découvre une redondance dans la phrase que je citai le 24 avril :
Assis sur ses toilettes, un rat surgit de la cuvette du WC et lui mord les fesses.
Dans mon journal, sous le titre Neuf siècles plus tard, les moines quittent l'abbaye, une formulation maladroite est proche de l'anacoluthe (à moins d'une longévité exceptionnelle des protagonistes !) :
Arrivés à Notre-Dame-de-Melleray au XIIe siècle, les neuf moines cisterciens lèguent leur patrimoine à la Communauté du Chemin Neuf.
Assis sur ses toilettes, un rat surgit de la cuvette du WC et lui mord les fesses.
Dans mon journal, sous le titre Neuf siècles plus tard, les moines quittent l'abbaye, une formulation maladroite est proche de l'anacoluthe (à moins d'une longévité exceptionnelle des protagonistes !) :
Arrivés à Notre-Dame-de-Melleray au XIIe siècle, les neuf moines cisterciens lèguent leur patrimoine à la Communauté du Chemin Neuf.