Accord du pp de "vivre"

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angeloï
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Accord du pp de "vivre"

Message par angeloï »

Mais les années qu'elle avait vécues lui avaient apporté, un à un, des souvenirs qui venaient à son aide, éclairaient sa prudence...

Allons bon, je croyais qu'ici les années était un complément de temps, mais Maurice Genevoix fait l'accord dans cette phrase tirée de "La Dernière Harde". J'en perds mon latin. Pardon, mon celte.
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Marco
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Message par Marco »

Grevisse (Le bon usage, 9ème édition, § 786) explique :

Vivre, construit avec un nom de temps ou de durée, a, dans beaucoup de cas, un sens intransitif, et le mot qui semble être un objet direct est un complément circonstanciel :

Les années qu’il a VÉCU (Littré) [c.-à-d. pendant lesquelle il a vécu]. […]

Mais il a, dans de nombreux cas aussi, un sens transitif, celui de « passer » ou de « mener » (§ 599, Rem. 23) : son participe passé est alors variable :

Des siècles de pénitence, quand vous les auriez VÉCUS… (Massillon, Confér. Jubilé. […]


Dans la phrase que vous proposez, nous sommes dans le second cas.
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Jacques
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Message par Jacques »

La règle est que vécu doit rester invariable quand il est au sens propre :
– les épreuves qu'elle a vécues (subies) = COD
– les années qu'elle a vécu (pendant lesquelles elle a vécu) = complément circonstanciel de temps.
On peut supposer que l'auteur a voulu donner à vivre le sens figuré de subir comme avec épreuves : les années qu'elle a supportées, qu'elle a endurées, ou dans un sens positif dont elle a joui, qu'elle a aimées, qu'elle a appréciées.
Je me suis toujours interrogé à ce sujet, et j'ai toujours pensé que cette interprétation était plausible ; imaginons d'ajouter un complément au nom années, nous aurions les années de bonheur ou d'épreuve qu'elle a vécues.
Qu'en pensez-vous ?
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Jacques
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Message par Jacques »

Marco, nos messages se sont croisés. Je vois que vous confirmez mon impression sur la possibilité de donner à vivre un sens figuré avec un COD, donc autorisant l'accord.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Perkele
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Message par Perkele »

Ne pourrait-ce être considéré, certaines fois, comme un complément de quantité ?

La somme des années qu'elle avait vécu lui avait apporté de l'expérience.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Jacques
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Message par Jacques »

Perkele a écrit :Ne pourrait-ce être considéré, certaines fois, comme un complément de quantité ?

La somme des années qu'elle avait vécu lui avait apporté de l'expérience.
Dans cet exemple, vous redonnez à vécu le sens propre, et nous retrouvons, je crois, le complément circonstanciel.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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angeloï
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Message par angeloï »

Il me semble que dans la phrase de Genevoix "les années" représente plutôt une quantité, comme le fait remarquer notre perspicace Perkele.

Les longues années qu'elle avait vécu= elle avait vécu pendant longtemps, ce qui lui apporte un supplément d'expérience.

Mais on peut aussi admettre le sens d'"épreuves subies". Voici le contexte :

Si vieille qu'elle fût, elle ne savait guère plus de choses que le jeune hère au poil rouge : les bêtes des bois savent, dès leur naissance, l'essentiel de ce qu'elles doivent savoir. Mais les années qu'elle avait vécues lui avaient apporté, un à un, des souvenirs qui venaient à son aide, éclairaient sa prudence et conduisaient plus sûrement ses pas, parfois aussi, comme ce matin, faisaient battre trop fort son coeur de bête souvent pourchassée.
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Jacques
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Message par Jacques »

Justement, puisque vous donnez un exemple avec un adjectif, si c'est long il n'y a pas de doute, on a bien une notion de durée de vie, donc c'est invariable : complément circonstanciel. Mais changez l'adjectif, et vous retrouvez le sens figuré : les belles années qu'elle a vécues ; les années difficiles qu'elle a vécues.
Il se semble que l'invariabilité ne peut se concevoir, dans le sens de durée de vie, que si on donne un chiffre ou un adjectif de durée : les quatre-vingt-deux ans qu'elle a vécu.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

angeloï a écrit :Mais les années qu'elle avait vécues lui avaient apporté, un à un, des souvenirs qui venaient à son aide, éclairaient sa prudence...

Allons bon, je croyais qu'ici les années était un complément de temps, mais Maurice Genevoix fait l'accord dans cette phrase tirée de "La Dernière Harde". J'en perds mon latin. Pardon, mon celte.
Je lis dans mon journal (mots mis en gras par moi) :
Après avoir vu le pédophile qui l'avait agressé libéré de prison, une adolescente fugue...
et
Pendant les six mois qu'il a passé dans la station spatiale internationale, Thomas Pesquet a filmé sa vie au quotidien...
Je crois que les fautes d'accord des participes ne nécessitent pas de commentaires.

Mais la seconde phrase me permet de revenir sur un point cher à Jacques et sur votre intervention ci-dessus, angeloï : dans le passage que vous citiez, le nom « les années » est, en toute hypothèse, le sujet du verbe « avaient apporté » et non un complément de quelque sorte que ce soit.

La phrase que j'ai relevée pourrait devenir : Pendant les six mois qu'il a vécus dans la station spatiale internationale, Thomas Pesquet a filmé...
Mais lorsque le seul complément de « vivre », son COD « qu ' » est placé devant, comme chez GENEVOIS, angeloï, je vois mal comment on pourrait ne pas accorder le participe. Si l'on renonce à cet accord, on donne au verbe le sens de rester en vie, être vivant.

Il est bon, dans ce genre de situation, de se demander si l'on peut remplacer « que » par « pendant lequel (laquelle, lesquels, lesquelles) » : à propos du bilan d'une vie, ainsi que Jacques le faisait remarquer, on peut écrire, par exemple : Les soixante-seize ans qu'a vécu Louis XIV étaient assez rares à l'époque. (Les soixante-seize ans pendant lesquels...)
Cela devient encore plus clair si « vivre » a un COD placé après lui : Au bout des trois mois que j'ai vécu cet enfer, j'avais perdu dix kilos. (Au bout des trois mois pendant lesquels...)

On ne peut sans doute pas s'interdire d'écrire « Pendant les six mois qu'il a vécu dans la station spatiale internationale... », dans le sens de « Pendant les six mois où il a séjourné dans la station spatiale internationale... », mais on s'éloigne alors un peu du sens de la phrase d'origine.

• Dans « Pendant les six mois qu'il a vécus dans la station spatiale internationale, Thomas Pesquet a filmé sa vie », « qu' » est un pronom relatif COD d' « a vécus », ayant « les six mois » comme antécédent.
• Dans « Pendant les six mois qu'il a vécu dans la station spatiale internationale, Thomas Pesquet a filmé sa vie », il s'agit d'une conjonction de subordination qui n'a d'autre fonction que celle de lier le complément de temps « Pendant les six mois » de la principale à la subordonnée.
• Dans l'une et l'autre phrases, on reconnaît la principale « Pendant les six mois Thomas Pesquet a filmé sa vie » et la subordonnée « qu'il a vécu/s dans la station spatiale internationale ».
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

J'ai « édité » deux fois le texte ci-dessus. J'édite la plupart du temps pour des points de détail, voire pour modifier une ponctuation, et n'éprouve pas alors le besoin de m'en expliquer. Ci-dessus la raison était plus importante : dans la première version de mon intervention j'avais parlé de monovalence à propos du verbe vivre, alors qu'il possédait un COD et était donc bivalent : grosse erreur. À l'instant j'ai supprimé « lui » dans la phrase le nom « les années » est, en toute hypothèse, le sujet du verbe « lui avaient apporté » : ce pronom ne fait pas partie du verbe.
Veuillez m'excuser.
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Perkele
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Message par Perkele »

Mais vous n'avez pas à vous excuser, André.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

C'est gentil. Mais je suis bien conscient de l'obligation d'intelligibilité où nous sommes dans nos interventions, en particulier quand il s'agit de grammaire. La valence des verbes est une notion simple dans son principe, mais certains n'en sont pas familiers et l'erreur que j'avais commise initialement avait de quoi perturber un lecteur.
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