L'écriture inclusive

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Perkele
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Message par Perkele »

Manni-Gédéon a écrit :J'ai été choquée par le passage que j'ai mis en gras en lisant ceci sur le site de l'Académie française :
l'Académie française a écrit :Il convient tout d’abord de rappeler que les seuls féminins français en -eure (prieure, supérieure...) sont ceux qui proviennent de comparatifs latins en -or. Aussi faut-il éviter absolument des néologismes tels que professeure, ingénieure, auteure, docteure, proviseure, procureure, rapporteure, réviseure, etc. Certaines formes, parfois rencontrées, sont d’autant plus absurdes que les féminins réguliers correspondants sont parfaitement attestés. Ainsi chercheure à la place de chercheuse, instituteure à la place d’institutrice. On se gardera de même d’user de néologismes comme agente, cheffe, maîtresse de conférences, écrivaine, autrice... L’oreille autant que l’intelligence grammaticale devraient prévenir contre de telles aberrations lexicales.
Premièrement, le féminin autrice n'est pas un néologisme, puisqu'il existait déjà il y a plusieurs siècles, et deuxièmement, il est de formation régulière, donc il n'a rien d'une aberration lexicale.
Ce refus de l'Académie française d'admettre le féminin autrice favorise la forme concurrente auteure, ce qui n'est pas bon pour la langue française.
L'Académie française n'a aucun argument valable pour refuser le féminin autrice et je trouve qu'elle manque d'honnêteté intellectuelle en le mettant dans le même sac que le féminin cheffe, qui est vraiment une aberration lexicale.
Avec cette attitude, elle nuit à sa propre crédibilité.
Cette recommandation date ; elle sera sans aucun doute réexaminée.

N'oublions pas que le rôle de l'Académie est précisément d'attendre que des formes soient bien installées (et correctes) avant de les recommander.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Le plus étonnant dans cette prise de position de l'Académie est pour moi son argument strictement subjectif de la sonorité des mots (« L'oreille... ») : en quoi « maîtresse de conférences », dont les trois composants sont très anciens, serait-il moins agréable à l'oreille que « maître de conférences » ? « Agente », « autrice » et « écrivaine » provoqueraient-ils des otites chez leurs utilisateurs, à la différence de « la jante », « motrice » et « montpelliéraine » ?
Dernière modification par André (G., R.) le sam. 11 nov. 2017, 9:17, modifié 1 fois.
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Yeva Agetuya
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Message par Yeva Agetuya »

Il me semble que -ain a un féminin régulier en -agne comme dans "le gain / la gagne".
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Je crois que le néologisme récent « la gagne » a été formé à partir du verbe gagner, indépendamment du déverbal très ancien (v. 1145 selon le Robert DHLF) « gain ».
Un déverbal est, pour le Grand Robert, qui ne l'atteste que dans son Supplément, le dérivé régressif d'un verbe, comme pleur de pleurer. Le Larousse insiste sur le fait que la formation des déverbaux se fait « sans suffixe » et cite coût, de coûter. Voir dans « gagne » le féminin de « gain » me paraît un peu audacieux.
Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

Yeva Agetuya a écrit :Il me semble que -ain a un féminin régulier en -agne comme dans "le gain / la gagne".
Peut-être la fausse alternance copain/compagne vous donne-t-elle aussi cette impression ?
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

André (G., R.) a écrit :Je crois que le néologisme récent « la gagne » a été formé à partir du verbe gagner, indépendamment du déverbal très ancien (v. 1145 selon le Robert DHLF) « gain ».
Un déverbal est, pour le Grand Robert, qui ne l'atteste que dans son Supplément, le dérivé régressif d'un verbe, comme pleur de pleurer. Le Larousse insiste sur le fait que la formation des déverbaux se fait « sans suffixe » et cite coût, de coûter. Voir dans « gagne » le féminin de « gain » me paraît un peu audacieux.
Je ne pense pas que « gagne » soit seulement un néologisme, le mot existe depuis longtemps dans les toponymes. Près d'un domaine viticole où j'ai travaillé, nommé Gagnebert, existent les parcelles de la Gagnerie et Bonnegagne. Malgagne existe à Perrusson (37), Crouzilles (37), Thizy-les-Bourgs (69), Arçais (79. Donc le mot « gagne » me semble implanté anciennement en français.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

Dans ces toponymes, "gagne" a probablement le sens ancien de "terre labourable" que donne Godefroy.
http://micmap.org/dicfro/next/dictionna ... /4/gaaigne
http://www.cnrtl.fr/definition/dmf/gagne
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Le premier sens est « gain, profit en général ». Si on peut admettre le sens de terre labourable pour Bonne gagne et Malgagne, c'est plus difficilement compréhensible dans Gagnerie.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Passionnant. Merci, Jacques-André-Albert et Leclerc92 : je découvre que gagner et gain sont apparentés à l'allemand weiden, paître, pâturer, lui-même en provenance d'une racine indo-européenne qui a donné vitis, la vigne, en latin, et viticulteur en français.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Pour moi, vous fermez de façon amusante une boucle, puisque j'ai découvert ces toponymes au milieu des vignes. J'ajoute, en passant, que la principale qualité d'une parcelle de vigne, ce n'est pas qu'elle soit labourable, mais plutôt productive.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
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jarnicoton
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Message par jarnicoton »

Jacques-André-Albert a écrit :Le premier sens est « gain, profit en général ». Si on peut admettre le sens de terre labourable
Voici qui me fait songer au dicton anglais : "no pain, no gain" (pas de résultat sans effort) qui peut s'inverser judicieusement pour donner en français chez le boulanger qui ne fait pas crédit : "pas de gain, pas de pain".
21st century boy
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Message par 21st century boy »

Jacques-André-Albert a écrit :Ce n'est pas parce que ça existe depuis des années que ce n'est pas absurde.
Pour sûr qu’entre les pluriels en "x" obligatoires, les "madame le ministre" venant d’un autre temps, etc…. il y a de quoi faire.
Je ne vois pas ce qu'il y a de sexiste à écrire « chers abonnés » en s'adressant à des femmes et à des hommes.
Cette formulation est surtout moins polie ! Si se sont les abréviations en "abonné(e)s" ou "abonné.e.s" qui vous dérange vous n’êtes pas obligé de les faire et écrire "chers abonnés et chères abonnées".
Je continuerai à dénoncer ce jusqu'au-boutisme idéologique de gauche.
(…)
Nous y voilà : l'influence de l'anglo-américain.
(0_0) ?!...

Certes, "droits humain" n’est pas forcement bien dit ("droits de l’humain" serait sans doute meilleur), mais "humain" reste bien plus approprié que "homme".
Au passage, lors de se rédaction à l’ONU, Eleanor Roosvelt s’est battu pour soit utilisé "Human Rights" au lieu de "Man Rights".
André (G., R.) a écrit :On s'en doute, j'approuve madame BONA sur ces deux points.
Mais tout l'entretien mérite d'être lu.
Au-delà des quelques erreurs, dommage que ses remarques soient plutôt hors sujet…
On sent qu’il y a un manque d’information et de réflexion (pour ne pas dire de compétence).

Cher Garçon du XXIe siècle, nous vous avons accueilli en oubliant sans doute de vous préciser que nous nous retrouvons ici, entre amoureux de la langue française, pour échanger nos points de vue, ce qui sous-entend que nous les exposons et les argumentons, mais aucunement que nous dénigrons ceux qui ne nous conviennent pas, non plus que ceux qui les ont émis. Nous vous serions reconnaissants de faire de même. Le langage n'est pas un parti politique.
La modération.

Perkele a écrit :Cette recommandation date ; elle sera sans aucun doute réexaminée.
N'oublions pas que le rôle de l'Académie est précisément d'attendre que des formes soient bien installées (et correctes) avant de les recommander.
Même si cela date (de 1984), cette position a été réaffirmée en 2002 et en 2014. L’académie n’a pas attendu que "courriel" entre dans l’usage pour le recommander.
Si la position de 1984 peut, par mansuétude, être excusable, elle l’est beaucoup moins en ce début de siècle.
(Et l'analyse n'a rien "d’irréfutable" !)
Yeva Agetuya a écrit :Il me semble que -ain a un féminin régulier en -agne comme dans "le gain / la gagne".
Je ne sais pas s’il y a ou s’il y eu vraiment un doublet –ain/-agne, mais le suffixe –agne est enregistré dans le TLFi :
Suff. mort apparaissant dans qq. subst., gén. du fém.; le sens qu'il ajoute au rad. est difficile à préciser; le dér. peut à la rigueur être regardé comme un doublet expressif du mot de base.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

21st century boy a écrit :les pluriels en "x" obligatoires
Que viennent-ils faire ici ?
21st century boy a écrit :
Je ne vois pas ce qu'il y a de sexiste à écrire « chers abonnés » en s'adressant à des femmes et à des hommes.
Cette formulation est surtout moins polie ! Si se sont les abréviations en "abonné(e)s" ou "abonné.e.s" qui vous dérange vous n’êtes pas obligé de les faire et écrire "chers abonnés et chères abonnées".
Vous vouliez sans doute dire « Si ce sont les abréviations comme "abonné(e)s" ou "abonné.e.s" qui vous dérangent, vous n’êtes pas obligé de les faire, vous pouvez écrire "chers abonnés et chères abonnées".

Je crois que nous devons tous, sur FNBL, être soucieux d'intelligibilité et de respect de la langue dans nos interventions.
Vous serait-il possible d’expliquer en quoi consiste le manque de politesse ?
L'intérêt qu'il y aurait à écrire « chers abonnés et chères abonnées » me paraît bien faible, puisque la distinction n'est pas faite en langage parlé. « Chers abonnés hommes et femmes », « chers abonnés femmes et hommes » ou le simple « chers abonnés » me semblent préférables.
21st century boy a écrit :(0_0) ?!...
N'y a-t-il rien en français pour dire cela, que je ne comprends malheureusement pas ?
21st century boy a écrit :
André (G., R.) a écrit :t;]On s'en doute, j'approuve madame BONA sur ces deux points.
Mais tout l'entretien mérite d'être lu.
Au-delà des quelques erreurs, dommage que ses remarques soient plutôt hors sujet…
On sent qu’il y a un manque d’information et de réflexion (pour ne pas dire de compétence).
(mot mis en gras par moi)

Les modérateurs, dont je ne fais pas partie, vous l'ont signalé, en d'autres mots : « sentir » est intéressant, argumenter est essentiel. Pourriez-vous expliquer en quoi consistent les « quelques erreurs », le hors-sujet et le « manque d'information et de réflexion (pour ne pas dire de compétence) » que vous déplorez ?
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

21st century boy a écrit :Certes, "droits humain" n’est pas forcement bien dit ("droits de l’humain" serait sans doute meilleur), mais "humain" reste bien plus approprié que "homme".
Au passage, lors de se rédaction à l’ONU, Eleanor Roosvelt s’est battu pour soit utilisé "Human Rights" au lieu de "Man Rights".
Vous vouliez probablement expliquer qu'Eleanor ROOSEVELT s'est battue pour que soit utilisé « human rights » ? Mais « se rédaction » est bien mystérieux ; « sa rédaction » probablement. Celle d'Eleanor ROOSEVELT ? Je suppose fort qu'il s'agit plutôt du moment où a été rédigé l'article correspondant de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, en 1948.
Libre à vous de refuser le premier sens d'« homme », Être humain considéré par rapport à son espèce ou aux autres espèces animales (Larousse), mais n'oublieriez-vous pas, à l'instar de la femme du président des États-Unis, que l'anglais human vient d'« humain », lui-même apparenté à « homme » ?
Difficile, à mon avis, de trouver mieux en matière d'instrumentalisation de la langue !
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Bernard_M a écrit :Au passage, voilà qui mériterait, à mon avis, de figurer dans l'album de la comtesse :
"et pourquoi, Messieurs, ces femmes ne pourraient-elles pas se montrer officières ?"
En effet : cela vaudrait mieux que des hommes ossifiés !
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