négation avec "rarement"

Philippe S
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négation avec "rarement"

Message par Philippe S »

Je ne voudrais pas avoir l'air d'insister et André (G., R.) est un rude compétiteur.
Mais la phrase du Monde évoquée par Leclerc92 me semble parfaitement balancée :

"Rarement un couple exécutif ne s'est aussi bien porté dans l'opinion six mois après un scrutin présidentiel; rarement ce zénith aura été aussi peu productif"
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Vous êtes très aimable !
Mais veuillez me croire : je ne me sens jamais en compétition avec quiconque lorsqu'il s'agit de la langue française, dont je n'ai que l'intérêt à l'esprit.
Vous dites que la phrase du Monde vous « semble parfaitement balancée ». Or il ne vous aura pas échappé qu'elle comporte deux fois l'adverbe rarement, l'un accompagné de « ne », l'autre non ! Je ne crois pas pouvoir trouver meilleur argument pour illustrer l'incohérence de « rarement... ne... » !
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Claude
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Message par Claude »

Employé avec rarement, n'est-ce pas ce qu'on appelle un ne explétif ?
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Ce serait nouveau !
Voici une page, que je trouve sérieuse*, où sont examinés les différents emplois de « ne » explétif : nulle part n'est mentionnée son utilisation avec « rarement ».

* Il me semble toutefois constater une erreur, sans doute de frappe, à la dernière ligne :
Ne craignez-vous pas que le pouvoir d'achat diminue ? (et non que le pouvoir ne d'achat diminue).
Il y faut sans doute lire :
Ne craignez-vous pas que le pouvoir d'achat diminue ? (et non que le pouvoir d'achat ne diminue).
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Islwyn
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Message par Islwyn »

Selon Grevisse, §875, N.B.3 (édition de 1975), « un certain voisinage de sens entre jamais et rarement amène parfois, dans une construction semblable, rarement... ne...... Mais le ne est alors abusif. Tour régulier : rarement la beauté et le je ne sais quoi se trouvent ensemble (Marivaux)... ».
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Monsieur Pogo
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Message par Monsieur Pogo »

André (G., R.) a écrit :Ce serait nouveau !
Voici une page, que je trouve sérieuse*, où sont examinés les différents emplois de « ne » explétif : nulle part n'est mentionnée son utilisation avec « rarement ».
« Rarement... ne » n'est pas fautif. Ce «ne» n'est pas une négation ; il est explétif (i.e. il est facultatif, il n'a aucune fonction grammaticale, si vous l'élaguez le sens de la proposition n'est pas changé, cependant dans une écriture soignée il est euphonique.

* «Contrairement à ''jamais'' qui a un sens négatif, ''rarement'' a un sens positif. Il s'emploie donc sans le ''ne'' de négation.»

Registre familier

« Rarement la température n'aura été aussi douce à Noël » = Rarement la température aura été aussi douce à Noël

« Rarement la ville n'aura été aussi peu polluée » = Rarement la ville aura été aussi peu polluée

Registre soutenu

Sous un registre soutenu avec «rarement» en relief au début de la phrase, on inverse le sujet (Dans cette formulation, le futur antérieur a la valeur d'un passé qui atténue l'expression de la supposition):

Rarement la température n'aura-t-elle été aussi douce à Noël

Rarement la ville n'aura-t-elle été aussi peu polluée

--

Dans les phrases complexes, on ne répète pas le «ne» explétif de la première proposition :

«Rarement un couple exécutif ne s'est aussi bien porté dans l'opinion six mois après un scrutin présidentiel; rarement ce zénith aura été aussi peu productif»
--

« (…) Nulle part n'est mentionnée l'utilisation (du « ne » explétif) avec '' rarement'' »

Vous retrouverez cette rubrique sur l'Encyclopédie Universelle :

* http://encyclopedie_universelle.fracademic.com/64542/rarement
.
Dernière modification par Monsieur Pogo le dim. 17 déc. 2017, 2:56, modifié 4 fois.
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Monsieur Pogo
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Message par Monsieur Pogo »

Leclerc92 a écrit :[…]

Colin est plus prolixe :
Une faute fréquente consiste à employer avec cet adverbe la négation ne :

Rarement l'esprit le plus traditionnel et le plus facile du Boulevard n'a passé ainsi à l'écran avec cette élégance (Mauriac) (…)

Rarement, il est vrai, la vue d'un écritoire quelconque ne m'a réjoui le cœur (Perret).

Cette « contamination » se présente souvent quand la phrase contient une liaison par [n] :

Rarement on n'avait vu une telle affluence (…)
Il y a, dans une des citations de Colin, une autre faute que je vous laisse le soin de repérer.
Bien ! La faute que je relève loge dans la citation de Colin, lorsqu'il écrit avant de citer Mauriac «(qu'une) faute fréquente consiste à employer avec cet adverbe (i.e. rarement) la négation ne» :

Rarement l'esprit le plus traditionnel et le plus facile du Boulevard n'a passé ainsi à l'écran avec cette élégance (Mauriac).

Or, ce « ne » de Mauriac est explétif ; ce n'est pas l'adverbe de négation. Ce « ne » est euphonique en évitant l'hiatus, i.e. le redoublement du son [a] (cf. Boulev[a]rd [a] p[a]ssé)

De même, il n'y a pas d'adverbe de négation d'introduit dans la phrase de son exemple suivant, mais tout simplement une banale faute de potache: «Rarement on n'avait vu une telle affluence.» → Rarement on avait vu une telle affluence.

Par ailleurs, c'est en renversant le sujet, que la sonorité de cette phrase devient harmonieuse :

Rarement avait-on vu une telle affluence

--

« Rarement, il est vrai, la vue d'une écritoire quelconque ne m'a réjoui le cœur » (Perret)

Une écritoire (au masculin pour Rabelais)*, est le coffre où l'on range le matériel d'écriture, mais c'est aussi, abusivement, un encrier.

« Il laissait trop sécher l'encre dans l'écritoire. » (NERVAL)

*« Et portait ordinairement un gros escriptoire pesant plus de sept mille quintaux, duquel le gualimart était aussi gros et grand que les gros piliers de Enay et le cornet y pendait à grosses chaînes de fer (…) » -Rabelais, Gargantua, XIV.

.
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Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

La faute portait bien sur le genre de "écritoire".
En revanche, pas d'accord sur le "ne" explétif. Votre justification ne tient pas : vous alléguez un hiatus après "boulevard", or il n'y en a pas, les sons "a" sont séparés par une consonne sans qu'il soit besoin d'introduire un "n".
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Perkele
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Message par Perkele »

Monsieur Pogo a écrit : Contrairement à ''jamais'' qui a un sens négatif...
Sait-on jamais ?
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Ce fil a pour titre Négation avec “rarement”. Vous l’avez relancé, Philippe S, pour nous expliquer que vous perceviez une différence de sens entre des phrases comme « Rarement nous avons eu des nouvelles aussi rassurantes » et « Rarement nous n'avons eu des nouvelles aussi rassurantes ». Si cette différence existait, « n’ » ne serait pas explétif. Je crois que nous serons utiles au lecteur si nous affirmons haut et fort qu’une négation n’est pas correcte dans cette sorte de phrase.

Ce point acquis, on peut revenir sur l’hypothèse selon laquelle « ne » pourrait être considéré comme explétif à proximité de « rarement ».
Vous proposez, Monsieur Pogo, la phrase Rarement la ville n'aura-t-elle été aussi peu polluée. Et vous écrivez un peu plus loin : Vous retrouverez cette rubrique sur l'Encyclopédie Universelle :
* http://encyclopedie_universelle.fracademic.com/64542/rarement
De quelle « rubrique » s’agit-il ? Voulez-vous dire que l’Encyclopédie Universelle mentionnerait des emplois explétifs de « ne » avec « rarement » ? Je ne vois cela nulle part. Et j’ai cité hier le portail Reverso, où l’on ne trouve aucune mention de cette sorte d’emploi non plus.

Vous écrivez : Dans les phrases complexes, on ne répète pas le «ne» explétif de la première proposition : «Rarement un couple exécutif ne s'est aussi bien porté dans l'opinion six mois après un scrutin présidentiel ; rarement ce zénith aura été aussi peu productif». Je ne sais pas si la première partie de ce passage est de vous ou s’il s’agit d’une citation. Quoi qu'il en soit, si, pour démontrer que « ne » est explétif dans la phrase du Monde, on affirme d’emblée qu’il l’est, je cherche la démonstration.

Le Robert en six volumes, troisième source sérieuse, consacre une très longue entrée à « ne », dont il relève et explicite, sur une demi-page d’écriture très serrée, cinq domaines d’emploi explétif (je ne cite que ce qui me paraît essentiel) :
(Après certains verbes ou expressions verbales, en phrase affirmative).
a — (Verbes à expression marquant la crainte : appréhender, craindre… « Je crains presque, je crains qu’un songe ne m’abuse. » RAC., Phèdre, II, 2.
b — (Verbes comme empêcher…, éviter…) ; — mais cela n’empêche pas qu’il ne soit fort malade (MOL., Mal. imag., II, 2)
(Après certains verbes et expressions verbales marquant le doute ou la négation, en phrase négative)… « Je ne nie pas que ces interprétations ne soient ingénieuses. » FRANCE, Livre de mon ami, Livre de Suzanne ,III, II
(Après un comparatif d’inégalité…)...
(Après les expressions Il s’en faut de,… peu s’en faut,… il ne tient qu’à… que ne…)…
Après certaines locutions conjonctives : À moins (…) que, avant (…) que…
— Après sans que

Aucun « ne » explétif associé à « rarement » n’est relevé. Rien de tel non plus à l’entrée RAREMENT.

Je suis à peu près certain que des auteurs ont cherché, après avoir constaté leur faute, à la justifier en évoquant à tort un « ne » explétif. Si « rarement... ne... » en comportait un, cela justifierait qu'on insère sans raison ce petit mot dans à peu près n'importe quelle phrase française !
Dernière modification par André (G., R.) le dim. 17 déc. 2017, 9:36, modifié 3 fois.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Perkele a écrit :
Monsieur Pogo a écrit : Contrairement à ''jamais'' qui a un sens négatif...
Sait-on jamais ?
Vous avez raison, Perkele, « jamais » n'a pas de sens négatif, sauf en langage relâché. Il signifie « un jour », « à un moment donné »...
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

On a également le sens de au cas où dans l'expression si jamais.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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Perkele
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Message par Perkele »

Et même le sens de "toujours" dans "à jamais".
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Leclerc92 a écrit : Votre justification ne tient pas : vous alléguez un hiatus après "boulevard", or il n'y en a pas, les sons "a" sont séparés par une consonne sans qu'il soit besoin d'introduire un "n".
C'est tout à fait exact.
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Monsieur Pogo
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Message par Monsieur Pogo »

Bonjour,

Je vous ai posté mes trois répliques à la queue leu leu sur la même page (voir infra).

Au plaisir!
Dernière modification par Monsieur Pogo le lun. 18 déc. 2017, 6:38, modifié 2 fois.
La liberté de se soumettre est une perversion
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