«Propriétaire spolié», «bien spolié» ou les deux?

Leclerc92
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Re: «Propriétaire spolié», «bien spolié» ou les deux?

Message par Leclerc92 »

André (G., R.) a écrit :
Leclerc92 a écrit :
André (G., R.) a écrit :Si mon courrier est abondant, je dirai que je reçois un courrier important.
Non seulement le sens de "courrier" a beaucoup évolué, mais le sens de "important" aussi. Dans ma boîte au lettres, il y a souvent un courrier abondant, mais rarement important !
Il semblerait que vous oubliiez un sens... important de l'adjectif : 2. Considérable par ses proportions, sa quantité (Larousse de 2016) (mot mis en gras par moi).
Je n'oublie pas du tout ce sens, que je connais bien ! Je fais simplement observer que ce sens, aujourd'hui enregistré dans le Larousse, résulte d'une évolution qu'on blâmait il n'y a pas si longtemps. Il suffit de comparer les définitions de "important" dans les 8e et 9e éditions du Dictionnaire de l'Académie pour mesurer l'évolution. Cette évolution n'est d'ailleurs pas acceptée par tous :
Pure paresse : le mot important est aujourd'hui employé par ceux qui ne font pas l'effort d'un minimum de précision. Important veut dire "qui a du poids, de l'importance". Mais on l'utilise à toutes les sauces au lieu de grand, long, élevé, fort, considérable. Soyons clairs et précis !

Ne dites pas un bâtiment de taille importante, mais : un bâtiment de taille imposante, ou simplement de grande taille.
Ne dites pas les travaux auront une durée importante, mais : les travaux dureront longtemps.
Ne dites pas la montgolfière atteignit une altitude importante, mais : une altitude élevée.
Ne dites pas l'homme a aujourd'hui un âge important, mais : un âge avancé.
Ne dites pas la tempête se calme, nous aurons demain des vents moins importants, mais : des vents moins forts.
Ne dites pas c'est une somme importante, mais : une grosse somme, ou une somme considérable.
http://dardel.info/Sprache.html

Important était jadis aussi critiqué que conséquent, utilisé pour désigner quelque chose de considérable par les proportions ou la quantité. Aujourd'hui, cet usage étendu de important est accepté par certains dictionnaires, celui de conséquent n'est toujours pas bien accepté.

Tout cela pour rappeler une évidence : le sens des mots varie dans le temps, mais nous sommes généralement désagréablement surpris quand cette évolution semble se faire de notre vivant et que les mots prennent un sens qu'ils n'avaient pas quand nous étions plus jeunes. Nous avons naturellement tendance à rejeter ces évolutions, alors que nous ne prenons pas garde que nombre de mots que nous employons avaient déjà eux-mêmes vu leur sens évoluer du temps de nos parents ou nos grands-parents.
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LMMRM
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Message par LMMRM »

En effet, «important» dans le sens d'«abondant» est une paresse d'expression. Il est équivoque, et pour ma part je l'évite à l'écrit.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

LMMRM a écrit :Il y a des limites à la métonymie (d'où mon expression «procédé métonymique acceptable»), et on peut aller loin dans le bon sens comme dans le mauvais.
Poussons ces limites. Exemple: ne dites pas «Je roulais à 100», car ce n'est pas vous qui rouliez, mais la voiture; dites «Ma voiture roulait à 100».
Ce que vous dites là me plaît bien.
André (G., R.)
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Re: «Propriétaire spolié», «bien spolié» ou les deux?

Message par André (G., R.) »

Leclerc92 a écrit :Je fais simplement observer que ce sens, aujourd'hui enregistré dans le Larousse, résulte d'une évolution qu'on blâmait il n'y a pas si longtemps. Il suffit de comparer les définitions de "important" dans les 8e et 9e éditions du Dictionnaire de l'Académie pour mesurer l'évolution. Cette évolution n'est d'ailleurs pas acceptée par tous :
Pure paresse : le mot important est aujourd'hui employé par ceux qui ne font pas l'effort d'un minimum de précision. Important veut dire "qui a du poids, de l'importance". Mais on l'utilise à toutes les sauces au lieu de grand, long, élevé, fort, considérable. Soyons clairs et précis !

Ne dites pas un bâtiment de taille importante, mais : un bâtiment de taille imposante, ou simplement de grande taille.
Ne dites pas les travaux auront une durée importante, mais : les travaux dureront longtemps.
Ne dites pas la montgolfière atteignit une altitude importante, mais : une altitude élevée.
Ne dites pas l'homme a aujourd'hui un âge important, mais : un âge avancé.
Ne dites pas la tempête se calme, nous aurons demain des vents moins importants, mais : des vents moins forts.
Ne dites pas c'est une somme importante, mais : une grosse somme, ou une somme considérable.
http://dardel.info/Sprache.html

Important était jadis aussi critiqué que conséquent, utilisé pour désigner quelque chose de considérable par les proportions ou la quantité. Aujourd'hui, cet usage étendu de important est accepté par certains dictionnaires, celui de conséquent n'est toujours pas bien accepté.

Tout cela pour rappeler une évidence : le sens des mots varie dans le temps, mais nous sommes généralement désagréablement surpris quand cette évolution semble se faire de notre vivant et que les mots prennent un sens qu'ils n'avaient pas quand nous étions plus jeunes. Nous avons naturellement tendance à rejeter ces évolutions, alors que nous ne prenons pas garde que nombre de mots que nous employons avaient déjà eux-mêmes vu leur sens évoluer du temps de nos parents ou nos grands-parents.
Loin de moi l'idée de contester toute évolution des mots. Et je vous suis assez bien dans votre démonstration. Ne faut-il pas cependant se poser, à propos des glissements de sens d'important (que j'accepte) et de conséquent (que je conteste énergiquement), la question de savoir si le rapport entre « qui a du poids » et « considérable par ses proportions, sa quantité » est identique à celui entre « qui agit avec esprit de suite, avec cohérence » et « considérable ». Vous avez deviné ma réponse : l'acception originelle d'important se voit nettement moins trahie que celle de conséquent.
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Re: «Propriétaire spolié», «bien spolié» ou les deux?

Message par Leclerc92 »

André (G., R.) a écrit :Ne faut-il pas cependant se poser, à propos des glissements de sens d'important (que j'accepte) et de conséquent (que je conteste énergiquement), la question de savoir si le rapport entre « qui a du poids » et « considérable par ses proportions, sa quantité » est identique à celui entre « qui agit avec esprit de suite, avec cohérence » et « considérable ». Vous avez deviné ma réponse : l'acception originelle d'important se voit nettement moins trahie que celle de conséquent.
Voire. La définition de "important" dans la 8e édition du Dictionnaire est "Qui importe, qui est de conséquence, qui est considérable, d'un grand intérêt." On voit qu'il y a un lien évident entre important et conséquent.
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Perkele
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Message par Perkele »

Leclerc92 a écrit :Perkele, je n'ai pas entendu le verbe "spolier" dans le sens que vous citez, mais le verbe "spoiler", effectivement imité de l'anglais.
http://www.academie-francaise.fr/spoiler
Oui, vous avez raison.
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Perkele
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Re: «Propriétaire spolié», «bien spolié» ou les deux?

Message par Perkele »

Leclerc92 a écrit :
André (G., R.) a écrit :Ne faut-il pas cependant se poser, à propos des glissements de sens d'important (que j'accepte) et de conséquent (que je conteste énergiquement), la question de savoir si le rapport entre « qui a du poids » et « considérable par ses proportions, sa quantité » est identique à celui entre « qui agit avec esprit de suite, avec cohérence » et « considérable ». Vous avez deviné ma réponse : l'acception originelle d'important se voit nettement moins trahie que celle de conséquent.
Voire. La définition de "important" dans la 8e édition du Dictionnaire est "Qui importe, qui est de conséquence, qui est considérable, d'un grand intérêt." On voit qu'il y a un lien évident entre important et conséquent.
Le lien que j'y vois réside dans la présence ou l'absence de retombées de l'existence ou des agissements d'une chose ou d'une personne. Qu'il ou elle soit là n'a aucune conséquence : c'est une personne sans conséquence. Inversement c'est une personne de conséquence.

Je ne pense pas que ce rapprochement nous autorise à employer conséquent dans le sens d'important, volumineux, copieux, etc.
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Monsieur Pogo
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Re: «Propriétaire spolié», «bien spolié» ou les deux?

Message par Monsieur Pogo »

André (G., R.) a écrit :[quote="[url=http://www.achyra.org/francais/viewtopi ... 408#p96408]



• Faudra-t-il se résoudre à « Il a subi bien des avatars dans sa vie » ? Le sens particulier d'avatar en sanskrit est descente. Le français en a fait (Wikipédia) le changement ou la transformation d’un objet ou d’une personne qui en a déjà subi plusieurs. Il ne signifie pas « malheur » et ne doit pas être confondu avec avanie.

À cet égard, il me faut vous contredire : Le Robert donne bien «les avatars de la vie» pour les mésaventures, les malheurs de l'existence.
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Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

Merci de préciser quelle édition du Robert vous citez. Ça ne figure pas dans la première édition du Grand Robert et dans le Petit Robert 1993, le sens de mésaventure, malheur est mentionné en 3e, avec l'indication "Par contresens".
Quoi qu'il en soit, c'est un mot qui fait toujours débat. Il est refusé dans ce sens par l'Académie française :
http://www.academie-francaise.fr/avatar ... -daventure
et on trouvera dans le lien qui suit un bon résumé de la situation lexicographique :
http://www.langue-fr.net/spip.php?article110
André (G., R.)
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Re: «Propriétaire spolié», «bien spolié» ou les deux?

Message par André (G., R.) »

Leclerc92 a écrit :
André (G., R.) a écrit :Ne faut-il pas cependant se poser, à propos des glissements de sens d'important (que j'accepte) et de conséquent (que je conteste énergiquement), la question de savoir si le rapport entre « qui a du poids » et « considérable par ses proportions, sa quantité » est identique à celui entre « qui agit avec esprit de suite, avec cohérence » et « considérable ». Vous avez deviné ma réponse : l'acception originelle d'important se voit nettement moins trahie que celle de conséquent.
Voire. La définition de "important" dans la 8e édition du Dictionnaire est "Qui importe, qui est de conséquence, qui est considérable, d'un grand intérêt." On voit qu'il y a un lien évident entre important et conséquent.
• « Conséquent » n'a jamais signifié « de conséquence ». Le Robert le définit ainsi : Qui raisonne avec suite, avec esprit de suite ou Qui fait suite logiquement à quelque chose. Je continue de ne voir aucun rapport entre les notions d'esprit de suite, de logique d'une part et le fait que quelque chose ou quelqu'un soit considérable ou puissant d'autre part. Où est le lien évident ? Au lecteur de se faire une opinion sur ce point. Il peut d'ailleurs jeter un coup d'œil à la première intervention de ce fil.
• Quoi qu'il en soit, ceux que l'évolution de conséquent gêne ont peut-être encore quelques possibilités de s'y opposer.
• En aparté, nous avons parlé de l'adverbe voire que vous utilisez ci-dessus et pour lequel j'avais imaginé, à tort, que vous pensiez à « Voir ! », abréviation de « À voir ! », « C'est à voir ! ». Vous m'avez alors proposé cette citation, dont je m'en voudrais de ne pas faire bénéficier tous les télépapoteurs :
Leclerc92 a écrit :
B. − Vieilli, littér. ou p. plaisant. [Empl. p. antiphr. pour nier qqc. ou exprimer un doute] Nous avions beau alléger notre défaite en y mettant de l'ironie, nous nous sentions cocus, certes, et pas contents. Pas contents? Voire. À l'occasion, nous y allions encore d'un beau discours (Abellio, Pacifiques, 1946, p. 277).Mara: (...) voilà que tout est pour elle et rien pour moi. La Mère: Tu auras ta part. Mara: Voire! (Claudel, Annonce, 1948, I, 2, p. 154).
Au moment de publier, je constate que vous dites à Monsieur Pogo à peu près ce que je m'apprêtais à lui transmettre.
Dernière modification par André (G., R.) le mar. 13 févr. 2018, 10:48, modifié 3 fois.
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Monsieur Pogo
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Message par Monsieur Pogo »

Leclerc92 a écrit :Merci de préciser quelle édition du Robert vous citez. Ça ne figure pas dans la première édition du Grand Robert et dans le Petit Robert 1993, le sens de mésaventure, malheur est mentionné en 3e, avec l'indication "Par contresens".
Quoi qu'il en soit, c'est un mot qui fait toujours débat. Il est refusé dans ce sens par l'Académie française :
http://www.academie-francaise.fr/avatar ... -daventure
et on trouvera dans le lien qui suit un bon résumé de la situation lexicographique :
http://www.langue-fr.net/spip.php?article110

Le Grand Robert de la langue française, 2e édition dirigée par Alain Rey, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2001, 6 vol.

Hier, j'ai cité les deux ouvrages suivants :

BENAC, Henri. Dictionnaire des synonymes, Paris, Hachette, 1956, 1026 p.

GREVISSE, Maurice. Le Bon usage : grammaire française, 7e édition revue 3e tirage, Paris, Gembloux, Éditions Duculot, 1961, 1156 p.
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Perkele
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Message par Perkele »

J'ai constaté que le contresens fait avec le mot avatar était moins fréquent depuis que nous avons un avatar dans les échanges sur Internet et encore plus depuis la diffusion du film Avatar (2009).
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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LMMRM
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Message par LMMRM »

Bonjour à tous,
Le Robert donne bien «les avatars de la vie» pour les mésaventures, les malheurs de l'existence.
Le Larousse en ligne aussi.
Les dictionnaires, les auteurs, les grammaires ne font pas loi absolument. Ils sont précieux, mais ils ne sont pas le dernier mot de toute discussion sur le sens, sauf pour un étudiant en langue française ou un locuteur peu expérimenté. Il faut toujours en consulter plusieurs et peser ce qu'ils disent sur la balance de notre propre expérience et de celles d'autres locuteurs expérimentés.
Le Robert utilisait autrefois la mention «emploi critiqué», le fait-il encore?
Je me demande s'il n'y a pas de la démagogie, du populisme, de la pusillanimité chez les dictionnaires qui n'utilisent pas la mention «emploi critiqué». Un dictionnaire qui n'emploie pas la mention «emploi critiqué» (ou un symbole, qui prend moins de place) ne fait pas correctement son travail.
Un dictionnaire doit s'efforcer de recenser toutes les acceptions, préciser si le mot est populaire, vulgaire, peu usité, etc., mais aussi si l'acception est très critiquée.

Cordialement.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Comme vous avez raison ! Faisons preuve d'esprit critique, n'avalons pas tout ce qui passe.
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Message par LMMRM »

Faisons preuve d'esprit critique, n'avalons pas tout ce qui passe.
Surtout que se renforce — c'est en tout cas ce que je vois et observe — chaque jour l'offensive d'infantilisation du client (le client de la politique, le client des médias, le client des produits matériels ou culturels, etc.).
On voudrait nous faire abdiquer toute opinion personnelle et nous devrions pour notre bien nous en remettre aux seuls prétendus experts choisis par les politiques et par les médias.
Voilà bien un grand projet de spoliation de l'esprit.

Cordialement.
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