manni-gedeon a écrit :embatérienne a écrit :L'infinitif passé peut éventuellement être précédé de "de", parfaitement licite, mais cette construction date un peu : je me rappelle de l'avoir vue quelque part
Je trouve que cette construction est dérangeante, parce qu'on se rappelle quelque chose (et non pas de quelque chose).
Je me rappelle de (p. ex.
je me rappelle d'elle ou
je me rappelle du jour où je l'ai rencontrée) est une erreur courante, que la tournure que vous proposez aurait tendance à renforcer.
Votre réaction est naturelle et est celle de beaucoup de gens qui pensent devoir condamner cette formule pourtant bien classique et excellente. Vous comparez "
se rappeler de + infinitif" avec "
se rappeler de + nom" et vous dites : si le second n'est pas correct, pourquoi le premier le serait-il ?
En fait cette comparaison n'est pas valable. Le comportement d'un verbe suivi d'un nom n'est pas nécessairement le même que celui d'un verbe suivi d'un infinitif.
Par exemple, on dit
proposer une chose, mais
proposer de venir et non pas "proposer venir",
je vous offre une rose mais
je vous offre de rester et non "je vous offre rester". En fait, il y a beaucoup de verbes qui acceptent un C.O.D. mais n'acceptent pas de prendre directement l'infinitif sans "de" (ou parfois une autre préposition, telle que "à").
J'ajoute que vous êtes sans doute la première à admettre "
rappeler de" dans d'autres circonstances, par exemple : "
je lui ai rappelé de fermer la porte à clef en sortant". Et pourtant on ne peut pas dire "je lui ai rappelé de quelque chose" ! Vous voyez qu'on a bien là un "rappeler de + infinitif" qui n'a rien de blâmable !
Il est exact que dans ce dernier cas, ainsi que dans les exemples que j'ai donnés plus haut, l'acteur du verbe à l'infinitif est différent de l'acteur du verbe principal (au contraire de la formule "
je me rappelle de l'avoir vu hier"). Mais il y a aussi quantité de verbes qui construisent l'infinitif avec "de" alors qu'il prennent le COD, et cela quand l'acteur est identique pour le verbe à l'infinitif et pour le verbe principal, par exemple "
je feins d'être malade" et "
je feins la maladie", "
je choisis un manteau vert" mais "
je choisis de porter un manteau vert". D'autres exigent "à" plutôt que "de" : "
elle enseigne les maths aux enfants" mais "
elle leur enseigne à résoudre les équations du second degré".
Enfin, certains verbes admettent les deux constructions, voire les trois constructions : infinitif direct, infinitif avec "de", infinitif avec "à" : c'est le cas du verbe "aimer" par exemple.
Revenons à "
se rappeler". Lui aussi admettait la double construction, avec ou sans "de" devant l'infinitif ; seule la seconde est demeurée dans l'usage contemporain quand l'acteur est le même. Il est bon toutefois de ne pas ignorer la première si l'on veut apprécier la langue et la littérature classiques pleinement et ne pas sursauter chaque fois qu'on lit l'expression en cause.