Rappeler à quelqu'un + infinitif.

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Madame de Sévigné
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Message par Madame de Sévigné »

Marco a écrit :Le verbe « rappeler » peut être suivi d’un infinitif, comme le dit le TLFi :

δ) [Le compl. d’obj. est un inf.] [Je partageais mes compliments] entre elle-même et le beau petit garçon que je rappelais avoir vu dans le caïque (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 94).
Pardonnez-moi d'avoir lancé un sujet et de l'avoir laissé en plan.
la question qui me taraudait était bien celle-là (entre autres). Mais à l'exemple ci-dessus, je rajoute un complémént d'objet indirect.

Ainsi, il me semblait bien qu'on pouvait dire :

Je te rappelle avoir fait le ménage à ta place une fois de plus.
Je lui rappelle avoir payé pour tout le monde.
Il leur rappelle être resté bien après minuit.
Il me rappelle être arrivé en retard à cause de moi.
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Marco
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Message par Marco »

J’aimerais bien, Marquise, que nous en restassions à des manifestations naturelles et concrètes de la langue. Il faudrait trouver des exemples existants (Google Livres aide beaucoup).

Ce que je veux dire, c’est qu’aucun discours ne convaincra de la légitimité d’une construction ; seules les attestations dignes de foi, c’est-à-dire influentes, peuvent prouver qu’un usage est au-dessus de tout soupçon. :)
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Madame de Sévigné
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Message par Madame de Sévigné »

Vous avez raison Marco.
Il me semblait que c'était assez courant pourtant.
Je ne sais pas bien me servir de Google Livres et je n'ai pas trouvé d'exemples existants pour l'instant, donc je laisse la question de côté.
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Manni-Gédéon
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Message par Manni-Gédéon »

embatérienne a écrit :L'infinitif passé peut éventuellement être précédé de "de", parfaitement licite, mais cette construction date un peu : je me rappelle de l'avoir vue quelque part
Je trouve que cette construction est dérangeante, parce qu'on se rappelle quelque chose (et non pas de quelque chose).
Je me rappelle de (p. ex. je me rappelle d'elle ou je me rappelle du jour où je l'ai rencontrée) est une erreur courante, que la tournure que vous proposez aurait tendance à renforcer.
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Jacques
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Message par Jacques »

J'éprouve la même impression, et j'aimerais avoir confirmation que cette construction est orthodoxe. Je suis embarrassé en tentant de l'analyser. J'aurais tendance à dire Je me rappelle l'avoir vue quelque part. Pourquoi ce DE serait-il justifié ?
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
embatérienne

Message par embatérienne »

Jacques a écrit :J'éprouve la même impression, et j'aimerais avoir confirmation que cette construction est orthodoxe. Je suis embarrassé en tentant de l'analyser. J'aurais tendance à dire Je me rappelle l'avoir vue quelque part. Pourquoi ce DE serait-il justifié ?
Datée, comme je le disais, mais orthodoxe assurément. Voyez Littré, fin du paragraphe 8 :
Il se dit avec de et l'infinitif.
Je me rappelle d'avoir vu, d'avoir dit telle chose, Dict. de l'Acad.
Il s'est rappelé de vous avoir vu plusieurs fois, J. J. ROUSS. Hél. I, 22.
Je crois tout ce morceau absolument neuf ; du moins ne me rappelé-je pas d'en avoir vu nulle part un semblable, LAHARPE, Cours de littér.

On le dit aussi sans de. Je me rappelle avoir vu, je me rappelle être venu.
Ou bien le TLFi, IIIA5 :
Se rappeler de + inf. passé, vieilli. Je me rappelle (...) d'avoir lu le fameux morceau de l'Émile sur la nécessité de mesurer ses désirs (Chênedollé, Journal, 1819, p. 100). Moi, je ne me rappelle pas d'avoir couché dans ce qui s'appelle un lit avant dix-neuf ans (Sue, Myst. Paris, t. 1, 1842, p. 83).
Dans cette construction que chérissait Abel Hermant (dans ses Chroniques de Lancelot), il faut selon lui analyser le "de" non pas comme une préposition attachée au verbe "se rappeler", mais plutôt comme une marque renforcée de l'infinitif qui suit. Autrement dit, dans "je me rappelle d'avoir vu ta mère", le "d'avoir vu" est le même que dans "d'avoir vu ta mère m'a fait plaisir" (qui est équivalent à "avoir vu ta mère m'a fait plaisir").

À partir du moment où trop de personnes croient aujourd'hui que la construction est erronée, il est prudent de ne l'employer que devant un aréopage classique.

Bonnes fêtes à tous.
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Jacques
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Message par Jacques »

C'est donc un archaïsme, car au passage que vous citez Littré ajoute une précision :
    Il se dit avec de et l'infinitif...
    On le dit aussi sans de. Je me rappelle avoir vu, je me rappelle être venu.

Dans une édition de 1956, le Dictionnaire des difficultés de Larousse expliquait : À noter que la construction se rappeler de suivi d'un infinitif, qui était autorisée par l'édition de 1879 du Dictionnaire de l'Académie (elle se rappelait d'avoir été...) n'a plus cours aujourd'hui.
Dans un concours ou un examen, elle serait donc sanctionnée comme fautive, ce qui, comme vous le dites, incite à l'éviter.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
embatérienne

Message par embatérienne »

manni-gedeon a écrit :
embatérienne a écrit :L'infinitif passé peut éventuellement être précédé de "de", parfaitement licite, mais cette construction date un peu : je me rappelle de l'avoir vue quelque part
Je trouve que cette construction est dérangeante, parce qu'on se rappelle quelque chose (et non pas de quelque chose).
Je me rappelle de (p. ex. je me rappelle d'elle ou je me rappelle du jour où je l'ai rencontrée) est une erreur courante, que la tournure que vous proposez aurait tendance à renforcer.
Votre réaction est naturelle et est celle de beaucoup de gens qui pensent devoir condamner cette formule pourtant bien classique et excellente. Vous comparez "se rappeler de + infinitif" avec "se rappeler de + nom" et vous dites : si le second n'est pas correct, pourquoi le premier le serait-il ?
En fait cette comparaison n'est pas valable. Le comportement d'un verbe suivi d'un nom n'est pas nécessairement le même que celui d'un verbe suivi d'un infinitif.
Par exemple, on dit proposer une chose, mais proposer de venir et non pas "proposer venir", je vous offre une rose mais je vous offre de rester et non "je vous offre rester". En fait, il y a beaucoup de verbes qui acceptent un C.O.D. mais n'acceptent pas de prendre directement l'infinitif sans "de" (ou parfois une autre préposition, telle que "à").
J'ajoute que vous êtes sans doute la première à admettre "rappeler de" dans d'autres circonstances, par exemple : "je lui ai rappelé de fermer la porte à clef en sortant". Et pourtant on ne peut pas dire "je lui ai rappelé de quelque chose" ! Vous voyez qu'on a bien là un "rappeler de + infinitif" qui n'a rien de blâmable !
Il est exact que dans ce dernier cas, ainsi que dans les exemples que j'ai donnés plus haut, l'acteur du verbe à l'infinitif est différent de l'acteur du verbe principal (au contraire de la formule "je me rappelle de l'avoir vu hier"). Mais il y a aussi quantité de verbes qui construisent l'infinitif avec "de" alors qu'il prennent le COD, et cela quand l'acteur est identique pour le verbe à l'infinitif et pour le verbe principal, par exemple "je feins d'être malade" et "je feins la maladie", "je choisis un manteau vert" mais "je choisis de porter un manteau vert". D'autres exigent "à" plutôt que "de" : "elle enseigne les maths aux enfants" mais "elle leur enseigne à résoudre les équations du second degré".
Enfin, certains verbes admettent les deux constructions, voire les trois constructions : infinitif direct, infinitif avec "de", infinitif avec "à" : c'est le cas du verbe "aimer" par exemple.
Revenons à "se rappeler". Lui aussi admettait la double construction, avec ou sans "de" devant l'infinitif ; seule la seconde est demeurée dans l'usage contemporain quand l'acteur est le même. Il est bon toutefois de ne pas ignorer la première si l'on veut apprécier la langue et la littérature classiques pleinement et ne pas sursauter chaque fois qu'on lit l'expression en cause.
Dernière modification par embatérienne le jeu. 30 déc. 2010, 10:49, modifié 3 fois.
embatérienne

Message par embatérienne »

Madame de Sévigné a écrit :
Marco a écrit :Le verbe « rappeler » peut être suivi d’un infinitif, comme le dit le TLFi :

δ) [Le compl. d’obj. est un inf.] [Je partageais mes compliments] entre elle-même et le beau petit garçon que je rappelais avoir vu dans le caïque (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 94).
Pardonnez-moi d'avoir lancé un sujet et de l'avoir laissé en plan.
la question qui me taraudait était bien celle-là (entre autres). Mais à l'exemple ci-dessus, je rajoute un complémént d'objet indirect.

Ainsi, il me semblait bien qu'on pouvait dire :

Je te rappelle avoir fait le ménage à ta place une fois de plus.
Je lui rappelle avoir payé pour tout le monde.
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Il me rappelle être arrivé en retard à cause de moi.
Peut-être n'ai-je pas bien compris, mais est-ce que Marco ne donnait pas justement de tels exemples dans son message du 9 décembre, 10h32 pm, avec un complément d'objet indirect ?
François Paris
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se mettre sur son trente-et-un

Message par François Paris »

Se mettre sur son trente-et-un c'est mettre ses plus beaux habits faits avec le plus beau tissu, en l'espèce un tissu très couteux fait de trente et un brins croisés appelé le TRENTAIN. On se met en fait sur son trentain, c'est séant.
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Manni-Gédéon
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Message par Manni-Gédéon »

Dame Vérone a écrit :Je reviens à la préposition sur et aimerais savoir pourquoi on dit «se mettre sur son trente et un» car c'est plutôt le trente et un qui est sur soi.
Je suppose que vous reprenez cette question. :)
L'erreur ne devient pas vérité parce qu'elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient pas erreur parce que nul ne la voit.
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Perkele
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Message par Perkele »

Et la question "pourquoi sur" n'a toujours pas de réponse.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Jacques
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Message par Jacques »

C'est probablement une construction idiomatique. On dit aussi être sur la défensive, être sur ses gardes.
L'explication qui rapporte au tissu appelé trentain n'est qu'une hypothèse non avérée et considérée comme fort improbable, tout comme celle qui ramène au jeu de cartes appelé trente et un. Le trentain n'était d'ailleurs pas composé de trente et un fils, mais de trente centaines de fils ; ce n'est donc pas une soudure de trente et un, et cela finit d'invalider la théorie. Quand cette explication a été avancée, trentain était déjà un archaïsme vieux de trois siècles. Au XIXe s. on disait parfois être sur son trente-deux. Balzac écrit « être sur ses cinquante et un ».
Le Robert des expressions estime : « Tous ces nombres fonctionnent comme des intensifs et sont peu explicables ». Il inclut dans cette conclusion des expressions comme voir trente-six chandelles. C'est la même chose que quand vous dites à quelqu'un Je te l'ai déjà répété cinquante fois, par exemple.
Cette expression reste non justifiée, tout comme « à tire larigot », et des quantités d'autres.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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