Perles de la syntaxe

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Claude
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Message par Claude »

Parfois les poètes pratiquent des inversions pour favoriser la rime n'est-ce pas ?
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Jacques
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Message par Jacques »

Claude a écrit :Parfois les poètes pratiquent des inversions pour favoriser la rime n'est-ce pas ?
Oui, mais je me demande s'il y a une inversion caractérisée dans la phrase citée, et je dois dire qu'elle ne m'a pas choqué telle qu'elle se présente.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Jacques a écrit :Jadis Pierre Desgraupes, dans une émission de radio à laquelle participaient des auditeurs qui devaient téléphoner,
disait « Personne plus ne m'appelle ».
Ce qui amène une inversion de la négation « ne plus ». Mais avec « jamais », par exemple, l'inversion ne choque pas : personne jamais plus ne m'appelle.
Dans la phrase que cite manni-gedeon, Aucun effet secondaire n'a été jusqu'à maintenant constaté, qui ne me paraît pas choquante outre mesure, on pourrait contester la coupure du groupe verbal : n'a été / constaté. Une autre coupure est possible : Aucun effet secondaire n'a, jusqu'à maintenant, été constaté.
De fait, l'idéal serait le positionnement de la locution adverbiale avant ou après le groupe verbal :
- Aucun effet secondaire, jusqu'à maintenant, n'a été constaté.
- Aucun effet secondaire n'a été constaté jusqu'à maintenant.
On voit que cette dernière forme est la seule qui n'oblige pas à placer des virgules.

Je vous ferai remarquer à ce propos que l'ordre des mots, dans la proposition, a varié au cours des siècles.
Chez Molière on trouve « je n'en veux point du tout douter » ;
« songez seulement à vous bien mettre dans l'esprit de mon père » ; « Venez, entrez dans cette salle, et vous reposez là » ; « je voudrais que vous la pussiez un peu ragaillardir » ; « Il y faudra mettre aussi une trompette marine » ; « je me veux mettre en colère tout mon soûl », etc.
Je trouve quelquefois sur des actes de baptême de la même époque « le père ne s'y est pas voulu trouver ».
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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Jacques
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Message par Jacques »

Je ne suis pas versé dans l'histoire du français, mais à lire ce que vous rapportez on a l'impression que jadis, on ne différenciait guère la langue parlée de la langue écrite, alors que de nos jours ces formules sont considérées comme littéraires et ne s'emploieraient pas en langage courant.
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Claude
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Message par Claude »

Et comme disait Boileau : « Polissez-le sans cesse et le repolissez... ». Effet de style ?
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Jacques
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Message par Jacques »

Claude a écrit :Et comme disait Boileau : « Polissez-le sans cesse et le repolissez... ». Effet de style ?
Une figure qui s'apparente à une tautologie, et dont le principe est un renforcement par insistance.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Jacques a écrit :Je ne suis pas versé dans l'histoire du français, mais à lire ce que vous rapportez on a l'impression que jadis, on ne différenciait guère la langue parlée de la langue écrite, alors que de nos jours ces formules sont considérées comme littéraires et ne s'emploieraient pas en langage courant.
Je ne sais pas si elles sont considérées comme littéraires, ou perçues comme telles parce que rencontrées dans des textes classiques. Ces inversions n'appartiennent pas, à l'époque, au langage soigné : j'en veux pour preuve ces phrases que Molière met dans la bouche d'un paysan, dans Don Juan : « j'avons vu les deux hommes tout à plain, qui nous faisiant signe de les aller querir. » « Vois-tu, ça n'est ni biau ni honneste de n'aimer pas les gens qui nous aimont. ».
Autre formule qui passe pour littéraire : « il n'y a pas jusqu'au ... qui ne soit... ». Et pourtant, toujours dans la bouche du même personnage : « Ignia pas jusqu'aux souliers qui n'en soiont farcis tout depis un bout jusqu'à l'autre ».
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Claude a écrit :Et comme disait Boileau : « Polissez-le sans cesse et le repolissez... ». Effet de style ?
Au vu de ce qu'on trouve, en prose, chez Molière, je dirais que ce « le repolissez » est simplement dans l'usage du dix-septième siècle.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
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Jacques
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Message par Jacques »

Va, cours, vole et me venge ! (Le Cid, Corneille je crois).
La disparition complète de ces tournures du langage parlé les relègue forcément dans le style littéraire. Même si elles y sont devenues rares, elles y sont toujours envisageables, alors que jadis elles étaient aussi d'usage courant à l'oral.
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Claude
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Message par Claude »

Maître Renard par l'odeur alléché...
Apparemment la littérature ancienne en est remplie.
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Manni-Gédéon
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Message par Manni-Gédéon »

Manni-Gédéon a écrit :Dans une émission médicale à la télévision suisse romande, une journaliste commente :
Aucun effet secondaire n'a été jusqu'à maintenant constaté.
C'est bizarre, n'est-ce pas ?
Aucun effet secondaire n'a été constaté jusqu'à maintenant me paraîtrait plus naturel.
Il me semble que j'entends souvent ce genre d'inversion chez des journalistes francophones. Serait-ce une spécialité de la télévision suisse romande ?
Il y a des cas où ce genre d'inversion change le sens de la phrase. J'ai entendu dans une série policière elle savait qu'il la trompait depuis longtemps alors que dans le contexte de cette enquête, c'était clair que la femme savait depuis longtemps que son mari la trompait. Ce n'est quand même pas la même chose.
L'erreur ne devient pas vérité parce qu'elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient pas erreur parce que nul ne la voit.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Je me demande si une virgule pourrait lever l'ambigüité : elle savait qu'il la trompait, depuis longtemps.
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Manni-Gédéon
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Message par Manni-Gédéon »

Il me semble qu'avec la virgule, la phrase reste ambiguë.
L'erreur ne devient pas vérité parce qu'elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient pas erreur parce que nul ne la voit.
Gandhi, La Jeune Inde
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Yeva Agetuya
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Message par Yeva Agetuya »

Vous avez une syntaxe singulière dans Brel que Muriel Robin a exploitée dans un sketch :

Tout peut s'oublier qui s'enfuit déjà.
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Perkele
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Message par Perkele »

Yeva Agetuya a écrit :Vous avez une syntaxe singulière dans Brel que Muriel Robin a exploitée dans un sketch :

Tout peut s'oublier qui s'enfuit déjà.
C'est courant en poésie.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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