"Entrer" existe-t-il encore ?

[angeloï]

N'utilisez-vous pas comme tout le monde renforcer, renifler, renfrogner ou renâcler ? C'est que le préfixe "re-" a deux significations : dans l'une, il indique la répétition, dans l'autre, il indique un simple renforcement de l'action, quelquefois à peine sensible (ralentir, raccourcir, remplir)

Ces verbes que vous citez ne peuvent s'employer que préfixés avec re- alors que "entrer" existe bel et bien.

[André (G., R.)]

Oui, mais comment faire pour dire "entrer de nouveau" si "rentrer" n'a plus son sens originel

Ralentir, remplir d'accord parce qu'il s'agit d'actions qui se font progressivement, par gestes successifs, mais entrer, à moins qu'il n'y ait un obstacle à vaincre ne nécessite pas de renforcement. Je continue de penser qu'on a tort de ne plus utiliser "entrer".

Supposons une phrase telle que "la fusée est rentrée dans l'atmosphère". A moins d'avoir le contexte, il est impossible de savoir s'il s'agit d'une simple entrée ou d'un retour.

Sur un autre fil, j'ai dénoncé l'abus du préfixe re-, mais je découvre celui-ci, dont la lecture me plaît bien : je le relance (je le lance à nouveau !) pour vous demander ce que vous pensez de la phrase souvent entendue hier « Le président remonte les Champs-Élysées ».

[Leclerc92]

Je n'y vois rien à redire. Remonter est pris dans le sens figuré de

2. Aller à contre-courant.
a) [Dans une accept. spatiale] Remonter le courant. Dans la Loire, de petites barques allaient et venaient, leur grand filet au bout de la perche et l'homme au fond avec son chapeau de paille; aux environs des villes, des bateaux pleins de grains et de marchandises descendaient ou remontaient le fleuve (Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t. 2, 1870, p. 164).Ah! un caïque à deux paires, très élégant, qui remonte la rivière et qui va passer tout près de moi (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 81).
− Au fig. Remonter le courant. Synon. de remonter la pente (supra II A 1).Il fallait au plus vite remonter ce courant et mettre l'armée belge en état de coopérer à la manœuvre contre l'aile droite allemande (Joffre, Mém.,t. 1, 1931, p. 466).
− THÉÂTRE. Aller de la rampe vers le fond du théâtre. Madame de Vertyré, remontant la scène et allant vers la fenêtre. Un peu couvert (Dumas père, Mari veuve,1832, 4, p. 251).

Remonter les Champs-Élysées, c'est bien aller du bas vers le haut, d'aval vers l'amont.

[André (G., R.)]

Je n'y vois rien à redire. Remonter est pris dans le sens figuré de

2. Aller à contre-courant.
a) [Dans une accept. spatiale] Remonter le courant.

Je ne vois précisément pas contre quel courant le président se mouvrait. Sur mon vélo, ou avec un autre véhicule, je monte une côte !

[André (G., R.)]

... et « monter une rue » n'est pas plus incongru à Paris qu'ailleurs (ligne 4).

[André (G., R.)]

Je n'y vois rien à redire.

Le préfixe n'a rien d'abusif, me semble-t-il, dans cette expression.

[Claude]

Et pour remonter sa montre, on peut considérer que le ressort s'est détendu et qu'on le tend à nouveau (les montres à pile sont exclues ).

[Claude]

Peut-on dire qu'on remonte un escalier parce qu'il avait antérieurement été descendu ?

[Islwyn]

Du moment qu'on peut redescendre un escalier qui a été antérieurement monté, on peut le supposer.

[Leclerc92]

J'ai l'impression qu'on prend parfois plaisir à couper les cheveux en quatre et qu'on ne se laisse pas assez porter par les merveilleuses possibilités de la langue française, laquelle autorise les sens figurés et les images. Pour moi, l'image est très naturelle, une grande avenue en pente comme les Champs-Élysées ou le Boul'Mich est spontanément comparée à une rivière avec son amont et son aval, et si l'on va d'aval en amont, on remonte.
Ce sens est d'ailleurs bien connu : Girodet, le sévère Girodet, dans son Dictionnaire de la Langue française donne même en premier ce sens dans la rubrique remonter, verbe transitif : Parcourir en allant vers le haut. Remonter une pente.
Hanse, de son coté, écrit que remonter « n'implique pas toujours une idée de répétition. Il signifie alors "aller vers le haut". » (il le dit à propos du sens intransitif, mais je pense comme Girodet que ça s'applique aussi bien au sens transitif).
Pour ceux qui ne sont pas convaincus, qu'ils se consolent en pensant que Macron a déjà effectué ce parcours montant sur les Champs-Élysées et qu'il est donc légitime qu'il les remonte, si l'on s'en tient au sens répétitif du préfixe "re-" (qui n'est qu'un des multiples sens de ce préfixe, rappelons-le).

[André (G., R.)]

Peut-on dire qu'on remonte un escalier parce qu'il avait antérieurement été descendu ?

Bien entendu. Notre préfixe ne marque pas que la répétition, mais aussi le retour (l'escalier qu'on remonte) et le renforcement de sens : les abus me semblent souvent favorisés par cette dernière valeur de re-.

[André (G., R.)]

On l'aura compris, mon message précédent a été publié sans que j'aie pris connaissance du vôtre, Leclerc92, qui le précède lui-même immédiatement.
Je ne crois pas que le rappel de vérités simples, comme le sens normal de « monter », relève de la volonté de couper les cheveux en quatre. C'en est même l'inverse, me semble-t-il.

[Leclerc92]

Je ne dis pas cela. Mais si monter est tout à fait utilisable, remonter ne l'est pas moins et il n'y a pas de raison de s'en priver.
Imitons Chateaubriand : « Ma voiture descendit la rampe. Je traversai le pont d'Iéna, et je remontai l'avenue pavée qui longe le Champ de Mars. »
https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Cha ... 5.djvu/285

[André (G., R.)]

Je ne vois rien à redire à ce passage de CHATEAUBRIAND, où « je remontai l'avenue... » s'explique par « Ma voiture descendit la rampe », à la différence de ce que l'on observe dans « Le président de la République remonte les Champs-Élysées ».

Pour ceux qui ne sont pas convaincus, qu'ils se consolent en pensant que Macron a déjà effectué ce parcours montant sur les Champs-Élysées et qu'il est donc légitime qu'il les remonte, si l'on s'en tient au sens répétitif du préfixe "re-" (qui n'est qu'un des multiples sens de ce préfixe, rappelons-le).

On sait bien qu'on n'emploierait pas forcément remonter en cas de répétition : cette année un coureur cycliste monte tel col, quand bien même il en aurait déjà fait l'ascension l'an dernier. Le 26 août 1944, le général DE GAULLE descendit (simplement) les Champs-Élysées, et pourtant il les avait déjà parcourus souvent dans les deux sens.

[Claude]

Et pour remonter sa montre, on peut considérer que le ressort s'est détendu et qu'on le tend à nouveau (les montres à pile sont exclues ).

Et ma montre ? Se remonte-t-elle ou se monte-t-elle ?