Bonjour à tous, une recherche n'ayant rien donné de concluant, je m'adresse donc directement à vous tous avec la question ci-après:
Pourquoi certains mots en ancien/moyen français se terminaient-ils par "-ez", au pluriel, par exemple, pour transcrire le son "é" ou alors celui de "è" (je ne sais pas lequel était le bon, ou si les deux étaient d'usage)?
En fait, pour être plus clair, je vais tout simplement vous demander de m'éclairer sur ce suffixe des mots français passés (dans des pluriels) et présents (chez, nez), en m'indiquant s'il vous plaît ce que vous en savez, son origine, et la raison de l'arrêt de son utilisation massive.
J'espère que se trouvera parmi vous une personne à même de satisfaire ma curiosité, car cette interrogation me turlupine depuis quelques jours déjà...
Merci d'avance!
-ez
J'ai donné rapidement hier le cadre d'ensemble : au Moyen-Âge, ts (et -ds) s'est écrit par la ligature z, ce qui explique les conjugaisons à la 2e personne du pluriel : la finale -atis du latin est devenue -ets et s'est écrite -ez.
De même, le latin adsatis a donné adsates, asats, asets, et donc asez ou assez.
Voir ici.
Quand le pli fut ainsi pris de donner le son "é" à la graphie "ez", on a plus tard aussi employé cette graphie dans des situations différentes, parfois en alternance avec d'autres graphies comme "es".
C'est le cas de "nez" qui, dérivé de "nasus", s'est d'abord écrit "nes", de "chez", d'abord écrit "ches", de "rez", d'abord "res". On a beaucoup et longtemps utilisé cette graphie "ez" pour noter les pluriels des mots à e fermé : les "bontez" (bontés), et particulièrement les pluriels des participes passés, comme "dediez", "composez" :
Il y a même eu d'autres mots où le "z" s'est ainsi employé de manière diacritique non plus pour des e fermés (é) mais aussi pour des e ouverts (è) : congrez (congrès), decez (décès), fez (faix), marez (marais), niez (niais).
Tous ces "z" diacritiques, très nombreux à un moment, ont été progressivement éliminés sauf dans ces quelques rares mots chez, nez, rez.
De même, le latin adsatis a donné adsates, asats, asets, et donc asez ou assez.
Voir ici.
Quand le pli fut ainsi pris de donner le son "é" à la graphie "ez", on a plus tard aussi employé cette graphie dans des situations différentes, parfois en alternance avec d'autres graphies comme "es".
C'est le cas de "nez" qui, dérivé de "nasus", s'est d'abord écrit "nes", de "chez", d'abord écrit "ches", de "rez", d'abord "res". On a beaucoup et longtemps utilisé cette graphie "ez" pour noter les pluriels des mots à e fermé : les "bontez" (bontés), et particulièrement les pluriels des participes passés, comme "dediez", "composez" :
Il y a même eu d'autres mots où le "z" s'est ainsi employé de manière diacritique non plus pour des e fermés (é) mais aussi pour des e ouverts (è) : congrez (congrès), decez (décès), fez (faix), marez (marais), niez (niais).
Tous ces "z" diacritiques, très nombreux à un moment, ont été progressivement éliminés sauf dans ces quelques rares mots chez, nez, rez.
- TSOS
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Merci, Desiderius!
De mon côté, j'ai finalement trouvé un ouvrage - le Thresor de la langue françoise, tant ancienne que moderne, de Jean Nicot, publié en 1604 - où l'on peut lire comme précision sous chés:
Que pensez-vous de ceci? Cela semble confirmer vos dires, je pense!
De mon côté, j'ai finalement trouvé un ouvrage - le Thresor de la langue françoise, tant ancienne que moderne, de Jean Nicot, publié en 1604 - où l'on peut lire comme précision sous chés:
On apprend donc qu'au XVIème siècle, chez se prononçait avec une voyelle ouverte comme dans très."chés, qu'aucuns escrivent chez, à cause de l'ouverture de la voyelle E, est une préposition qui signifie en la maison de"
Que pensez-vous de ceci? Cela semble confirmer vos dires, je pense!
Le Thresor de Nicot est un dictionnaire très utilisé et précieux.
Voici en effet ce qu'il dit à l'entrée chés:
Quid de la prononciation ? Nous manquons d'enregistrements et devons nous fier à des témoignages divers.
Notons que la prononciation était sûrement loin d'être uniforme. Les nombreuses formes du mot dans les textes anciens en témoignent. Voyez ici.
Jusqu'à une époque avancée, les dictionnaires et les grammaires ont mis en garde contre des prononciations telles que "cheu" qu'on peut encore entendre dans certaines campagnes françaises.
En tout cas, Nicot indique effectivement un "e" ouvert.
Mais tout le monde n'est pas de cet avis. Un demi-siècle plus tard, Laurent Chifflet dans son Essay d'une parfaite grammaire de la langue françoise de 1659 indique :
Même son de cloche chez Jean Hindret dans son Art de bien prononcer et de bien parler la langue françoise, dans le chapitre sur le "e" masculin, dont on peut consulter diverses éditions dans Google Livres.
Voici en effet ce qu'il dit à l'entrée chés:
Il a une entrée développée pour chez.Chés, Qu'aucuns escrivent Chez, à cause de l'ouverte prononciation de la voyele E, est une preposition qui signifie en la maison de, Apud, In aedibus, In domo, comme, Il est chez moy. Est domi, In meis aedibus est, Apud me est. Ainsi quoy que sa signification soit locale, il ne s'applique pourtant à tout lieu, ains seulement aux lieux de manoir, habitation et domicile. L'Espagnol dit Cabe mi.
Quid de la prononciation ? Nous manquons d'enregistrements et devons nous fier à des témoignages divers.
Notons que la prononciation était sûrement loin d'être uniforme. Les nombreuses formes du mot dans les textes anciens en témoignent. Voyez ici.
Jusqu'à une époque avancée, les dictionnaires et les grammaires ont mis en garde contre des prononciations telles que "cheu" qu'on peut encore entendre dans certaines campagnes françaises.
En tout cas, Nicot indique effectivement un "e" ouvert.
Mais tout le monde n'est pas de cet avis. Un demi-siècle plus tard, Laurent Chifflet dans son Essay d'une parfaite grammaire de la langue françoise de 1659 indique :
Voir cette édition ultérieure, page 211. Lire aussi le §22, page 246.Tous les noms terminez en ez, soit noms, ou verbes, ou autres, ont cet é final masculin : comme aimez, beautez, nez, vous parlez, vous parliez , &c. Ne prononcez jamais cheuz au lieu de chez : comme cheuz moy ; au lieu de , chez moy.
Même son de cloche chez Jean Hindret dans son Art de bien prononcer et de bien parler la langue françoise, dans le chapitre sur le "e" masculin, dont on peut consulter diverses éditions dans Google Livres.