emploi du présent dans un texte à l'imparfait

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Manni-Gédéon
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Message par Manni-Gédéon »

cochizze a écrit : a/ Pour ce qui est d'avoir isolé la dernière phrase : c'est un point de vue narratif supplémentaire : celui qui se souvient et corrige volontairement l'image de sa perception et de son souvenir : oui, ce sont "réellement" des tombes : c'est son point de vue sur l'existence en général et sur la sienne en particulier : image de la mort déjà amenée par l'utilisation du mot "fosse" où se trouvent les rails. Dans son souvenir dorénavant ce sont "réellement" des tombes qu'il voit. (Ce qui me conforte dans le choix de garder cette seconde partie de la phrase comme une proposition à part, qui vient comme mettre un point final et radical à l'image évoquée dans la phrase qui précède (la fosse, les rails, les tertres).
Je trouve dommage d'isoler ce dernier bout de phrase : vous cassez la structure du discours, vous rompez le lien avec ce qui précède. La virgule allait bien, mais si vous voulez vraiment dire que ces tertres sont des tombes, vous pourriez éventuellement mettre deux points.
J'avais évoqué un genre d'écriture où l'auteur divise ses phrases par des points. C'est dans la troisième citation.
cochizze a écrit :b/ Merci pour cette remarque concernant l'utilisation du mot "série", ce qui m'interpelle, mais ne me fera pas forcément changer d'avis, vu que la "série" évoque la répétition, ce que le mot "suite" n'évoque pas, à mon avis. MAIS le mot "suite" est tout de même une bonne alternative, je vais y réfléchir...
Une succession, un chapelet, un cortège, une file, une (ou plusieurs) rangée(s) ?
cochizze a écrit :c/ Pour "briller" : ah la la ! c'est le seul verbe que j'ai trouvé pour l'instant ! et qui correspondrait le mieux à l'image d'un souvenir re-construit... MAIS j'espère trouver un autre verbe, ce à quoi pour l'instant je ne parviens pas ! Je ne sais pas ! C'est vrai que du fait d'utiliser "briller" dans ce contexte : on ne sait pas si c'est la terre des parterres de fleurs qui brille, ou si ce sont les fleurs qui brillent, ou si ce sont les "tourbillons de vie" qui émanent des tombes... Je trouverai peut-être un autre verbe, mais sachez que je m'y suis déjà bien cassé la tête !
Chatoyer s'il y a vraiment un jeu de lumière (par exemple des cailloux qui créent des reflets), émerger si ces tertres ont l'air de sortir de terre, se dessiner, se profiler ?
L'erreur ne devient pas vérité parce qu'elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient pas erreur parce que nul ne la voit.
Gandhi, La Jeune Inde
cochizze
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Message par cochizze »

bonsoir, merci encore.

a/ Effectivement, il peut être "dommage" d'isoler ce bout de phrase. À l'origine, il l'était; ensuite j'ai raccordé les deux phrases en une seule les séparant d'une virgule, je suis revenu ensuite à la version originale : deux propositions séparées.

Il me semble qu'il faille connaître l'ensemble du texte pour se faire une idée plus arrêtée. Vous remarquez que je "casse la structure du discours", j'en prend bien note et me relirai en ce sens; reste que cette "satanée phrase" ne vit pas toute seule, il y a un avant et un après, il y a une structure et une hyper-structure. Je retiens néanmoins votre proposition de mettre deux points (ce à quoi j'avais déjà songé).

b/ merci pour la "rangée"... on est parfois tellement focalisé sur une image qu'on en trouve pas les mots.

c/ j'avais pensé à "chatoyer", et même hésité; mais "briller" est moins compréhensible de but en blanc, et c'est - un peu - ce que je recherche; tout le texte n'est pas construit d'images aussi peu évidentes, ça n'est qu'un passage. Reste que j'hésite toujours entre "chatoyer" et "briller" : "chatoyer" me semble trop précieux, tandis que "briller" est plus étrange. C'est justement qu'il n'y a pas de jeu de lumière mais un souvenir qui a péri, et qui pour exister comme tel à nouveau, a été transformé par les opérations de l'esprit; et, comme dans le rêve, des chimères et des relations physiques "impossibles" sont possibles.
Valérie
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Message par Valérie »

Pour en revenir à la concordance des temps, ce présent ne me choque pas. Il est sur un autre plan de discours, intemporel comme disait Jacques. Et la concordance n'est recommandée (mais laissée au libre choix de l'auteur) que lorsqu'on accorde des propositions liées (principale, subordonnée), ce qui n'est pas le cas ici.
Les temps employés dans une phrase sont très importants car ils expriment vraiment la subjectivité de l'auteur. Personnellement, je suis lectrice-correctrice et mise à part une incorrection flagrante je ne touche aux temps choisis par l'auteur qu'avec une très grande circonspection.
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Jacques
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Message par Jacques »

Sans vouloir vous offenser, permettez-moi d'appeler votre attention sur une faute probablement due à une distraction. Dans mis à part, si la chose qu'on met à part est nommée après, il n'y a pas d'accord :
– mis à part une incorrection..
– une incorrection mise à part...
Dernière modification par Jacques le mer. 11 janv. 2012, 8:39, modifié 1 fois.
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Desiderius

Message par Desiderius »

C'est exact bien sûr, mais je profite de l'occasion pour saluer l'arrivée de Valérie dont j'ai lu avec plaisir les quatre premiers messages, très bien écrits.
Jacques, je me demande si votre "Sans vouloir vous offenser, permettez-moi ..." ne déplairait pas à certains grammairiens vétilleux qui souhaitent que le sujet de ces deux membres de phrase soit le même. :wink: C'est souvent le résultat d'un repentir qui a transformé le premier jet "j'appelle" en un "permettez-moi d'appeler" plus poli mais qui modifie la personne du sujet !
Je dois dire que ce sujet a déjà évoqué, par exemple ici, et que nous sommes, vous et moi, d'avis que le tour n'est à éviter que dans les cas où il peut créer une ambigüité, ce qui n'est pas envisageable dans l'exemple donné.
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Jacques
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Message par Jacques »

Sans vouloir vous offenser, je me permets d'appeler... est peut-être syntaxiquement moins risqué, toutefois si on modifie la construction de la phrase elle semble acceptable : Permettez-moi d'appeler votre attention, sans vouloir vous offenser... Mais vous n'aviez pas remarqué la répétition du mot attention, que j'ai corrigée.
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Claude
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Message par Claude »

Jacques a écrit :...
– mis à part une incorrection..
– une incorrection mise à part...
Est-ce du même ordre que :
- ci-joint les documents ;
- les documents ci-joints ?
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Jacques
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Message par Jacques »

Claude a écrit :
Jacques a écrit :...
– mis à part une incorrection..
– une incorrection mise à part...
Est-ce du même ordre que :
- ci-joint les documents ;
- les documents ci-joints ?
Oui, c'est bon exprimé ainsi, avec ci-joint en tête c'est l'invariabilité mais avec ci-joint, ci-annexé, ci-inclus il y a encore une complication. Si on écrit Vous trouverez... on a deux possibilités :
– vous trouverez ci-inclus une attestation...
– vous trouverez, ci-incluse, une attestation...
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Jacques
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Message par Jacques »

Je reviens à l'expression sans vouloir vous offenser, qui m'intrigue. J'ai cherché, et j'ai trouvé ; c'est une abréviation de « soit dit sans vouloir vous offenser ». Elle n'est donc pas liée à la personne qui formule la suite.
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Desiderius

Message par Desiderius »

C'est une piste intéressante et vous m'avez encouragé à rechercher de mon côté. En fait, je crois que la formule ancienne est plutôt "(soit dit) sans vous offenser", voire "(soit dit) sans offense". C'est en tout cas ce qu'on trouve couramment jusqu'au XVIIIe siècle alors qu'on ne trouve qu'une seule occurrence de "(soit dit) sans vouloir vous offenser". C'est au XIXe siècle qu'on commence à trouver en plus grand nombre "sans vouloir vous offenser", mais même là, la formule la plus courante reste "soit dit sans vous offenser". La formule "soit dit sans vouloir vous offenser" reste minoritaire et me paraît donc être non l'origine de celle qui nous intéresse mais un mélange des deux qui l'ont précédée, à savoir "soit dit sans vous offenser" et "sans vouloir vous offenser".
L'écrasante majorité des exemples anciens que je trouve donnent le même sujet actif à "sans vouloir vous offenser" et au verbe principal. Mais cela ne va pas sans de rares exceptions, dans la littérature populaire surtout, comme ici dans ce vaudeville de 1843 :
CAMILLE.
Mon voisin, sans vouloir vous offenser... vous m'avez l'air d'être un peu porté sur les alimens.
BRIOCHARD.
Moi, je le confesse... j'aime à gobichonner... c'est mon défaut!.. J'étais né pour être chanoine...
Comme on l'a dit dès le départ, cette syntaxe, peut-être critiquable sur le plan de la logique pure, me paraît admissible quand il ne naît aucune obscurité.
Vous avez par ailleurs fait très justement observer plus haut que "toutefois si on modifie la construction de la phrase elle semble acceptable : Permettez-moi d'appeler votre attention, sans vouloir vous offenser... ", alors que la logique n'y trouve théoriquement pas plus son compte, si ce n'est que les agents ont été introduits clairement au préalable.
Valérie
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Message par Valérie »

Désolée pour cette erreur malencontreuse, et un grand merci à Desiderius pour son accueil.
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Jacques
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Message par Jacques »

Soyez tranquille, des erreurs, nous en commettons tous. Il paraît que la perfection est terriblement ennuyeuse.
Au fil du temps, depuis la création du forum, nous avons vu passer ici et là quelques personnages qui se croyaient parfaits. Ils étaient insupportables, arrogants et prétentieux. Pour le moment nous sommes tranquilles de ce côté.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Jacques
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Message par Jacques »

Desiderius a écrit :C'est une piste intéressante et vous m'avez encouragé à rechercher de mon côté. En fait, je crois que la formule ancienne est plutôt "(soit dit) sans vous offenser", voire "(soit dit) sans offense".
Sans vouloir vous offenser, c'est la formule que j'ai trouvée sur Internet, et qui a rafraîchi mes souvenirs. J'admets volontiers qu'elle est rare ; il me semble que « sauf votre respect » est une autre manière, plutôt désuète, d'exprimer l'intention. De nos jours cela ferait peut-être sourire.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Desiderius

Message par Desiderius »

Et que dire de "révérence gardée" ou "révérence parler" si cher à Littré et à Abel Hermant (notamment dans ses Chroniques de Lancelot). :wink: Désuet de chez désuet, non ?
Votre "sans vouloir vous offenser" était parfait et pas trop démodé.
Valérie
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Message par Valérie »

Toutefois, et toujours concernant ce "mis(e) à part", je trouve dans le Jouette (Robert) que "mis à part" et "étant donné" peuvent aussi être employés adjectivement.
Exemples donnés : mis(e) à part la cuisine, tout était à repeindre ou étant donné(es) les circonstances...
Thomas (Larousse) admet aussi la variabilité ou, plus précisément, ne pose pas l'invariabilité comme règle absolue. Girodet non, en revanche... Ah ces grammairiens !!
Je suppose que certains admettent de conserver son plein sens à la locution.
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