Quand bien même

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André (G., R.)
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Quand bien même

Message par André (G., R.) »

Cette locution conjonctive de subordination est suivie la plupart du temps du conditionnel :

Quand bien même tu m'offrirais une villa sur la Côte d'Azur, je refuserais de déménager.

La principale demande alors le même mode.

Sur un autre fil j'ai souhaité écrire C'est un conflit classique entre l'usage, quand bien même il a parfois bon dos, et la rigueur. Puis je me suis ravisé pour formuler ainsi : Conflit classique entre l'usage (il a certes parfois bon dos) et la rigueur.
Je m'interroge sur l'indicatif après quand bien même.
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Jacques
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Message par Jacques »

Je crois que nous devons passer, pour justifier le conditionnel, par un équivalent qui en interprète le sens : et même au cas où.
On évoque une éventualité, et l'indicatif est le mode du fait accompli ou certain, ce qui exclut son emploi.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

On peut lire sur cette question de mode l'article de notre ami Marc81 :
http://parler-francais.eklablog.com/et- ... a105919864

Dans un autre fil, Marc avait écrit :
Marc81 a écrit :Personnellement, ce qui m'a dérangé le plus, à la première lecture, c'est cette inversion du sujet. J'aurais spontanément écrit : "Par ailleurs, quand bien même nous prendrions la résolution de consentir à faire ces sacrifices, l’objectif...".
http://www.achyra.org/francais/viewtopi ... 732#p63732

Combien je partage cette opinion, même si, comme le montre la suite du fil cité, les (ou "certains") ouvrages de référence mentionnent la possibilité de l'inversion après "quand bien même".

J'avoue n'avoir pas aimé lire, dans la dernière livraison de la revue DLF (page 40), et sous la plume très autorisée de Jean-Pierre Colignon : « Quand bien même plusieurs démarches seraient-elles compréhensibles, donc admissibles, on ne peut avaliser un tel capharnaüm orthotypographique. » Un simple "seraient", sans pronom de rappel, m'eût paru bien plus agréable. Mais c'est sûrement affaire de goût personnel.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Je partage votre goût.
Vous pouvez par ailleurs constater, dans ma signature, que Montaigne utilise cette conjonction, sans le « même », et sans l'inversion.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Leclerc92 a écrit :J'avoue n'avoir pas aimé lire, dans la dernière livraison de la revue DLF (page 40), et sous la plume très autorisée de Jean-Pierre Colignon : « Quand bien même plusieurs démarches seraient-elles compréhensibles, donc admissibles, on ne peut avaliser un tel capharnaüm orthotypographique. » Un simple "seraient", sans pronom de rappel, m'eût paru bien plus agréable. Mais c'est sûrement affaire de goût personnel.
Sauf erreur de ma part, vous pourriez être plus sévère encore. Pour moi, le nom sujet repris par un pronom après « quand bien même » est incorrect. Remplaçons « quand bien même » par « même dans l'hypothèse où », de sens identique. Personne ne dirait « Même dans l'hypothèse où plusieurs démarches seraient-elles compréhensibles... ». Le rappel du nom sujet par un pronom dans la même proposition a originellement une valeur interrogative, valeur qui fait plus ou moins doublon avec le conditionnel : « S'il ne faisait pas froid, Pierre sortirait » donne à peu près la même information que « Pourquoi Pierre ne sort-il pas ? Parce qu'il fait froid ».
Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

André (G., R.) a écrit :Pour moi, le nom sujet repris par un pronom après « quand bien même » est incorrect. Remplaçons « quand bien même » par « même dans l'hypothèse où », de sens identique. Personne ne dirait « Même dans l'hypothèse où plusieurs démarches seraient-elles compréhensibles... ».
Pour moi, cela ne prouve pas que la formule est incorrecte mais plutôt que le test est incorrect. Ce n'est pas parce que « quand bien même » et « même dans l'hypothèse où » sont de sens identique que leur syntaxe est identique.
On s'en aperçoit aussi sur la phrase donnée dans le fil cité plus haut :
Marc81 a écrit :"Rare après si, l'inversion se rencontre après pourvu que, quand même, etc. : Quand bien même devrais-je dire des choses qui se trouvent dans les annuaires (Duhamel)." (Georges et Robert Le Bidois).
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Je ne sais plus si « Quand bien même plusieurs démarches seraient-elles compréhensibles... » vous agrée. À moi non.

Je crois véritablement que la syntaxe doit être identique après « quand bien même » et « même dans l'hypothèse où ».
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Soient ces quatre phrases de sens identique :

1 Même si la pluie cessait, je resterais chez moi.
2 Même dans l’hypothèse où la pluie cesserait, je resterais chez moi.
3 Quand bien même la pluie cesserait, je resterais chez moi.
4 La pluie cesserait-elle, que je resterais chez moi.

Dans la dernière, l’ordre des mots est celui d’une interrogative directe pour sa première proposition. Elle ne me paraîtrait d’ailleurs pas incongrue sous la forme :

5 La pluie cesserait-elle ? Je resterais chez moi !

Le rappel du substantif sujet (la pluie) par un pronom (elle) postposé au verbe (cesserait) y est justifié par la nature interrogative de cette proposition.
Je suis persuadé que les formulations 3, 4 et 5 sont confondues dans : Quand bien même la pluie cesserait-elle, je resterais chez moi.
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Claude
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Message par Claude »

Finesse du français : seul le premier exemple applique l'imparfait à cesser.
Si j'ai bonne mémoire, en allemand il serait lui aussi au conditionnel. :wink:
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Vous avez bonne mémoire, Claude ! Auch wenn der Regen aufhörte, würde ich zu Hause bleiben (Même si la pluie cessait, je resterais chez moi). Une petite précision s'impose toutefois : s'il s'agit bien là d'une phrase conditionnelle, aucun verbe ne s'y trouve, stricto sensu, au mode conditionnel, ce dernier n'existant pas dans la langue de GOETHE. On a affaire à ce qu'on appelle des subjonctifs 2. On peut toutefois, effectivement, considérer que l'allemand dit « Même si la pluie cesserait, je resterais chez moi ».
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Claude
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Message par Claude »

Je me rappellerai toujours cette phrase que j'avais apprise par cœur pour épater la galerie (j'étais jeune) et que je récitais rapidement :
« Wenn ich reich wäre*, würde ich ein schönes Auto kaufen ». (j'espère qu'il n'y a pas de faute)

* le fameux « si je serais riche ». :lol:

PS : certains télépapoteurs le pensent si fort que je les entends. Oui, ici nous devons parler de la langue française. :oops:
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Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

André (G., R.) a écrit :Je ne sais plus si « Quand bien même plusieurs démarches seraient-elles compréhensibles... » vous agrée. À moi non.
Je crois véritablement que la syntaxe doit être identique après « quand bien même » et « même dans l'hypothèse où ».
Je l'ai bien dit au début, la formule avec inversion du pronom de rappel ne m'agrée pas du tout. Je la trouve désagréable à mon oreille et contraire à mes habitudes de langage. Mais ce n'est pas une raison pour que je dise qu'elle est incorrecte !
Je crois qu'il faut beaucoup se méfier du remplacement d'une formule par une formule sémantiquement équivalente ; comme je l'ai indiqué, le sens peut être le même, mais la syntaxe peut différer.
C'est d'ailleurs ce que vous illustrez vous-même dans un message postérieur, avec la comparaison de quatre phrases 1 à 4. "Même si" a le même sens que "même dans l'hypothèse où", mais la syntaxe n'est pas semblable ; le premier veut l'imparfait, le second le conditionnel.
Les ouvrages de grammaire admettent en général la possibilité d'une inversion verbe-sujet après un certain nombre d'outils grammaticaux, au nombre desquels figure "quand bien même".
Cf. le fil parallèle indiqué plus haut, ou page 13 de ce document :
http://users.unimi.it/djeser/InversionG ... C3%A9s.pdf
Moi-même, je conçois sans difficulté une inversion verbe-sujet telle que :
Quand bien même cesserait la pluie, je resterais chez moi.
J'ai nettement plus de mal avec une formule où l'inversion porte sur un pronom de reprise :
Quand bien même la pluie cesserait-elle, je resterais chez moi.
Nous sommes plusieurs à ne pas aimer cette tournure, et les mêmes réticences se retrouvent sur d'autres forums :
https://forum.wordreference.com/threads ... e.3206690/
Les Le Bidois écrivaient dans la Syntaxe du français moderne :
Rare après si, l'inversion se rencontre après pourvu que, quand même, etc. : « Quand même régnerait sur la terre l'impraticable paix de l'Abbé de Saint-Pierre... » VIGNY Servit, et grand, mil. II, ch. 1 : « Quand bien même devrais-je dire des choses qui se trouvent dans les annuaires » DUHAMEL Not. du Havre, Prol. ; (on remarquera ici l'inversion du pronom personnel sujet ; c'est le seul cas où pareille inversion soit possible dans une proposition subordonnée)
Je n'aime pas beaucoup cette phrase de Duhamel, mais j'ai trop de respect pour sa plume pour dire qu'elle ne serait pas correcte.
Dernière modification par Leclerc92 le jeu. 22 mars 2018, 18:16, modifié 1 fois.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Leclerc92 a écrit :Moi-même, je conçois sans difficulté une inversion verbe-sujet telle que :
Quand bien même cesserait la pluie, je resterais chez moi.
J'ai nettement plus de mal avec une formule où l'inversion porte sur un pronom de reprise :
Quand bien même la pluie cesserait-elle, je resterais chez moi.
Nous sommes plusieurs à ne pas aimer cette tournure, et les mêmes réticences se retrouvent sur d'autres forums :
https://forum.wordreference.com/threads ... e.3206690/
Les Le Bidois écrivaient dans la Syntaxe du français moderne :
Rare après si, l'inversion se rencontre après pourvu que, quand même, etc. : « Quand même régnerait sur la terre l'impraticable paix de l'Abbé de Saint-Pierre... » VIGNY Servit, et grand, mil. II, ch. 1 : « Quand bien même devrais-je dire des choses qui se trouvent dans les annuaires » DUHAMEL Not. du Havre, Prol. ; (on remarquera ici l'inversion du pronom personnel sujet ; c'est le seul cas où pareille inversion soit possible dans une proposition subordonnée)
Je n'aime pas trop cette phrase de Duhamel, mais j'ai trop de respect pour sa plume pour dire qu'elle ne serait pas correcte.
Nos points de vue se rapprochent !
Ce que je ne peux accepter, c'est l'ordre de mots interrogatif, je l'ai dit. Rien de tel dans « Quand bien même cesserait la pluie, je resterais chez moi », qui non seulement ne me gêne pas le moins du monde mais est empreint d'une certaine poésie.
De la même manière, « Même dans l’hypothèse où cesserait la pluie, je resterais chez moi » me paraît irréprochable*, tandis que serait impossible « Même dans l’hypothèse où la pluie cesserait-elle, je resterais chez moi ».

* J'ai évidemment la syntaxe à l'esprit. La formule « même dans l'hypothèse où » peut paraître lourde.
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