La forme passive

André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

« Ouvert », je l'ai dit, peut être participe ou adjectif.
On ne trouve pas la même ambigüité en ce qui concerne la nature grammaticale de lu, qui ne peut être que le participe de lire. Mais Le livre est lu peut présenter la même difficulté que La porte est ouverte : Quelqu'un lit-il le livre ou la lecture en est-elle terminée ? En réalité on évite une phrase aussi laconique. On dira peut-être « Ça y est, le livre est lu ! » (passif état) ou « Actuellement le livre est lu par quelqu'un » (passif action).
Cette ambigüité de sens me semble concerner de manière inégale les autres temps du passif.
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Yeva Agetuya
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Message par Yeva Agetuya »

Ceci me rappelle un problème linguistique : le verbe de base doit-il être "ouvrir" ou bien "être ouvert" ?

Et dans le second cas, on ajoute un affixe factitif pour créer le verbe "ouvrir" à partir du verbe "être ouvert".
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Non seulement on ajoute le factitif, mais on retire l'auxiliaire. Par ailleurs on peut penser que, dans l'évolution des langues, l'actif aura précédé le passif. Pour ces raisons (et par habitude !) je préfère considérer ouvrir comme verbe de base.
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Yeva Agetuya
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Message par Yeva Agetuya »

Ce n'est pas évident du tout.

Dans un récit, l'état n'est-il pas antérieur à l'action ?

Et puis prenez le verbe "grandir", par exemple.

En français, on ne peut décider hors contexte s'il s'agit d'un factitif (rendre grand, agrandir) ou d'un translatif (devenir grand, s'agrandir).

Il a grandi / Cela l'a grandi.

Tandis qu'avec "être grand" comme verbe de base, il faut forcément un affixe pour obtenir "devenir grand" ou "rendre grand".
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Ma remarque ne concernait que la grammaire. Et le passif que j'avais à l'esprit (être ouvert) était le passif action, celui qui est ou pourrait être accompagné d'un complément d'agent. Tandis que pour vous ouvert était apparemment un adjectif, qui nous éloigne du passif. Nous ne parlons donc pas de la même chose.
Mais, quoi qu'il en soit, je ne vois pas pourquoi, dans un récit, l'état devrait précéder l'action, ni d'ailleurs pourquoi l'action devrait précéder l'état. Toutefois il pourrait s'agir de considérations qui me dépassent.
Ce que vous dites sur le verbe grandir me paraît convaincant. Je me demande d'ailleurs si je n'ai pas entendu parler de langues ou existeraient des adjectifs-verbes. Mais là encore nous nous éloignons du passif grammatical.
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Yeva Agetuya
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Message par Yeva Agetuya »

http://www.achyra.org/francais/viewtopi ... 054#p94054

https://www.etudes-litteraires.com/foru ... nitif.html

Sur cette page citée par Leclerc, je remarque cette forme plus faible de "se faire" qui est "se laisser."

Personne n'ira dire que "se laisser" est une variante de la forme passive.
Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

Ce qui marche pour l'un ne marche pas nécessairement pour l'autre. La grammaire et l'usage sont parfois capricieux.
Ce qui est certain, c'est que dans la langue d'aujourd'hui, la valeur passive de "se laisser + infinitif" est courante et nullement fautive. Il s'agit d'une évolution de la langue.
Il y a des articles très intéressants sur ce sujet :
https://www.shs-conferences.org/article ... _01283.pdf
La construction en se faire + infinitif ne s’analyse pas systématiquement comme l’association d’une structure causative où le verbe faire permettrait d’augmenter la valence du verbe et d’une structure réflexive dans laquelle la particule réflexive aurait pour effet de réduire au contraire la valence verbale.
En réalité, la situation est beaucoup plus complexe, car, si effectivement, sur le plan sémantico-syntaxique, la construction en se faire se laisse décrire en termes de causation réflexive dans de nombreux cas, elle peut parfois être décrite en termes de passivation.
https://praxematique.revues.org/4135
http://munin.uit.no/bitstream/handle/10 ... sequence=2
http://www.scielo.gpeari.mctes.pt/pdf/d ... 7n1a01.pdf
http://www.scielo.mec.pt/scielo.php?scr ... 3000100001
https://www.linguistiquefrancaise.org/a ... f08103.pdf
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Yeva Agetuya a écrit :http://www.achyra.org/francais/viewtopi ... 054#p94054
https://www.etudes-litteraires.com/foru ... nitif.html
Sur cette page citée par Leclerc, je remarque cette forme plus faible de "se faire" qui est "se laisser."
Personne n'ira dire que "se laisser" est une variante de la forme passive.
« Forme passive » est souvent synonyme de « voix passive », auquel cas on pense à l'auxiliaire être suivi d'un participe passé (Il a été embarqué par des inconnus).
La tournure consistant à faire suivre « se laisser » conjugué d'un infinitif vaut sémantiquement un passif, sans en être un grammaticalement, mais contient, bien entendu, un élément supplémentaire, l'idée que la personne, quand il s'agit d'une personne, subissant ce qu'exprime l'infinitif ne réagit pas à ce qu'elle subit, alors qu'on pourrait attendre qu'elle le fasse. « Il s'est laissé embarquer dans cette aventure sans réagir » est donc proche du pléonasme. La personne concernée est peut-être « plus faible » de caractère, mais la valeur passive n'est pas différente, je crois, selon qu'on utilise « se faire embarquer » ou « se laisser embarquer ».
Il est parfois difficile de trouver la limite, pourtant nécessaire pour une bonne compréhension des faits de langue, entre sémantique et grammaire.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Dans un hebdomadaire de télévision :
Les cadavres de trois touristes sont découverts à proximité d'une ferme dont le propriétaire constitue un coupable tout désigné : il est condamné à mort.
Le deux-points amène souvent une explication, il donne facilement la cause de ce qui le précède. J'ai compris d'abord que le propriétaire de la ferme constituait un coupable tout désigné parce qu'il était condamné à mort.
Il s'agit de l'affaire Dominici, j'avais évidemment tort. « Il est condamné à mort » vaut « On le condamne à mort », c'est un passif action.
Je me trouve toutefois... des circonstances atténuantes !
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Yeva Agetuya
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Message par Yeva Agetuya »

Lu sur Yahoo Actualités :
  • Affaire Benalla : "Cette affaire a voulu être étouffée par les plus hautes autorités"
Naturellement, l'affaire n'a rien voulu.

Il aurait fallu dire : Cette affaire a été voulue étouffée par les plus hautes autorités

Cela sonne bizarrement mais me semble correct.
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Claude
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Message par Claude »

À la forme active cela semble moins bizarre : Cette affaire, les plus hautes autorités l'ont voulue étouffée. Il est plus rassurant pour ne pas se tromper de dire : Les plus hautes autorités ont voulu étouffer cette affaire. :lol:
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Perkele
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Message par Perkele »

Vous savez très bien que l'Administration est le pays où "les erreurs se glissent" ; où "les fourvoiements interviennent" ; où "les malentendus interfèrent" ; où "les complications s'immiscent"...

Que les affaires veuillent être étouffées n'a rien d'étonnant. :wink:
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Claude
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Message par Claude »

C'est la transparence qui est étouffée. :lol:
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Message par Perkele »

Claude a écrit :C'est la transparence qui est étouffée. :lol:
Exactement :wink:

D'ailleurs l'Administration est une immense machine faite de procédures qui se déroulent sans qu'il soit besoin d'un humain qui pourrait être fautif. Donc, tout va bien.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

En lançant ce fil, Yeva Agetuya, vous contestiez « Les tomates se sont bien vendues », qui contient un pronominal à valeur passive. Un tel verbe se trouve aussi dans une phrase comme « Voilà une chanson qui s'écoute facilement ». Or à quelqu'un qui se plaint, on peut dire qu'il doit cesser de s'écouter. « S'écouter » signifie donc aussi bien « être écouté » que « écouter soi-même », la plupart du temps sans ambiguïté. Mais ce titre dans mon journal m'a laissé sceptique un instant :
Des histoires conçues pour s'écouter en ligne
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