Égal

Répondre
André (G., R.)
Messages : 7437
Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22

Égal

Message par André (G., R.) »

L'évolution du sens des mots est passionnante à suivre. On peut toutefois ne pas la juger toujours heureuse. « Équitable » et « égal » sont apparentés par leurs étymons latins. Le premier qualifiait jadis surtout des personnes. Au vingtième siècle, je crois, est apparue l'expression « commerce équitable », qui me plaît bien. À sa suite, on s'est mis à parler de produits équitables, tournure avec laquelle on peut être moins d'accord, mais dont l'intégration à notre langue est acquise.
L'égalité entre hommes et femmes est un vaste sujet. Si l'on entend par « égalité » l'absence totale de différences, on se berce évidemment d'illusions. Mais là n'est pas mon propos. Je pense au slogan « À travail égal, salaire égal » : dans le monde du travail, des salaires, la demande d'égalité entre les sexes est bien compréhensible, c'est un domaine où l'on trouve normal que les femmes soient les « égales » des hommes.
Or il semblerait que cet adjectif soit de plus en plus employé sans son complément (« des hommes ») dans le sens qu'il a avec ledit complément. Jusqu'à il y a peu, des « femmes égales » étaient pour moi des personnes de sexe féminin entre lesquelles, dans un domaine donné, il n'y avait pas de différence. Aujourd'hui l'éditorial de mon journal a pour titre Libres et égales : il faut comprendre « Libres et soucieuses d'égalité avec les hommes ».
Avatar de l’utilisateur
Perkele
Messages : 9738
Inscription : sam. 11 juin 2005, 18:26
Localisation : Deuxième à droite après le feu

Message par Perkele »

Il m semble que nous ayons un phénomène semblable avec "durable" qui ne se comprend pas au premier abord lorsqu'on parle par exemple de "pêche durable".

Sans connaître le concept de "développement durable" on entend "pêche qui dure" et on est perdu.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
André (G., R.)
Messages : 7437
Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22

Message par André (G., R.) »

Exactement. La question se pose peut-être, à propos du sens de certains mots, de savoir jusqu'où on peut tirer sur la corde...
Avatar de l’utilisateur
Perkele
Messages : 9738
Inscription : sam. 11 juin 2005, 18:26
Localisation : Deuxième à droite après le feu

Message par Perkele »

J'ai l'impression que ces mots, choisis dans un certain milieu dans certaines circonstances, sont employés sans plus de réflexion dans ces milieux-là, même lorsque la communication est destinée à l'extérieur.

Je me souviens d'un panneau routier de la DDE qui indiquait "STOCKAGE SUR DEUX VOIES" ; les automobilistes ne comprenaient pas qu'il s'agissait du stockage de leur propre véhicule en attente de priorité.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
André (G., R.)
Messages : 7437
Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22

Message par André (G., R.) »

Je n'aurais pas compris non plus STOCKAGE SUR DEUX VOIES. Dès qu'on a quelques connaissances ou quelques idées, il est difficile de se mettre à la place de ceux de ses interlocuteurs qui ne les partagent pas. Réfléchir au fait qu'autrui ne sait pas la même chose que soi est la base de la didactique.
Avatar de l’utilisateur
Bernard_M
Messages : 1286
Inscription : sam. 07 févr. 2009, 10:24
Contact :

Message par Bernard_M »

Comme André, dont je partage la remarque, je n'aurais pas compris la signification de ce panneau, pour lequel d'ailleurs j'ai peine à trouver une illustration et une description officielles. Sans doute s'agit-il là du jargon technique du personnel de la DDE, repris sans plus de précaution par les médias, si j'en juge par ce que je viens de trouver ici.
Je crois comprendre qu'il s'agit tout simplement d'emplacements de stationnement ou d'arrêt et que stocker un véhicule peut signifier le faire stationner ou le parquer.
Merci Perkele de nous avoir fait partager cette découverte.
Au passage vous pourrez remarquer, comme moi, que la préfecture de la Drôme parle de véhicules stockés sur les bords de la route, la société d'autoroute parle, quant à elle, dans son communiqué de presse en date du 1er mars de zone de stationnement et non de zone de stockage : Bravo Vinci !
André (G., R.)
Messages : 7437
Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22

Message par André (G., R.) »

Avez-vous observé que « garer », « se garer » et « garage » (dans le sens : action de garer un véhicule) sont de plus en plus dédaignés ? Cela conduit à l'emploi transitif incorrect de « stationner » et à l'apparition de l'inutile et pareillement incorrect « se stationner ».
Leclerc92
Messages : 3925
Inscription : jeu. 29 nov. 2012, 17:06

Message par Leclerc92 »

Bernard_M a écrit :Comme André, dont je partage la remarque, je n'aurais pas compris la signification de ce panneau, pour lequel d'ailleurs j'ai peine à trouver une illustration et une description officielles. Sans doute s'agit-il là du jargon technique du personnel de la DDE, repris sans plus de précaution par les médias, si j'en juge par ce que je viens de trouver ici.
Je crois comprendre qu'il s'agit tout simplement d'emplacements de stationnement ou d'arrêt et que stocker un véhicule peut signifier le faire stationner ou le parquer.
Moi non plus, je n'aurais pas compris parce que nous ne disposions pas du contexte. Mais si j'en juge par l'article que vous citez, le contexte est clair : il s'agit bien, lors d'une situation critique comme l'enneigement considérable de certaines autoroutes, de stocker les poids lourds dans une ou deux voies de droite. Stocker me paraît tout à fait légitime et dit plus que stationner (on sait bien que le stationnement est interdit sur les autoroutes !) ou que arrêter (il y a bien la bande d'arrêt d'urgence, pour les arrêts individuels forcés), mais ici, l'idée est bien celle de stocker, c'est-à-dire : « Faire des réserves de quelque chose; p. ext., rassembler (des choses concrètes ou abstraites) en grande quantité. Synon. accumuler, amasser, emmagasiner, entasser », le temps de fluidifier le trafic dans les voies restantes.
Il me semble donc que l'emploi du verbe et du nom dérivé est justifiée, ce qui n'empêche pas qu'on puisse employer aussi d'autres mots.
À noter dans l'article cité une piquante coquille : « Des véhicules qui se retrouvent à l'arrête sur l'ensemble des voies de circulation dans le sens nord-sud. »
André (G., R.) a écrit :Avez-vous observé que « garer », « se garer » et « garage » (dans le sens : action de garer un véhicule) sont de plus en plus dédaignés ? Cela conduit à l'emploi transitif incorrect de « stationner » et à l'apparition de l'inutile et pareillement incorrect « se stationner ».
Je m'interroge et je doute que j'aie jamais employé « garage » dans ce sens. En revanche, « garer » et « se garer », je les emploie toujours et ils ne sont généralement pas en concurrence avec "stationner", même si la vie en milieu urbain nous oblige à voir très souvent les signes "interdiction de stationner" ou "stationnement interdit" (voir un ambigu "stationnement interdit - garage" !); le sens est tout de même en principe bien différent, on se gare d'abord, puis on stationne ensuite, si on reste.
Je n'utilise pas "se stationner", mais je comprends que cet usage ait pu naître naturellement. "Se garer" non plus n'est pas si ancien que ça, et est une création spontanée des utilisateurs. Du reste, même le verbe "garer" a fait l'objet de bien des aménagements sémantiques, puisqu'il concernait à l'origine essentiellement les bateaux, comme beaucoup d'autres mots de notre vocabulaire (démarrer, arriver).
Avatar de l’utilisateur
Perkele
Messages : 9738
Inscription : sam. 11 juin 2005, 18:26
Localisation : Deuxième à droite après le feu

Message par Perkele »

Le panneau auquel j'ai fait allusion se trouvait à la sortie d'une bretelle d'autoroute qui débouchait sur un axe prioritaire. Il ne s'agissait donc pas de stationner, mais d'attendre son tour.

J'aurais mieux compris "répartissez-vous sur deux files".
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
Leclerc92
Messages : 3925
Inscription : jeu. 29 nov. 2012, 17:06

Message par Leclerc92 »

Effectivement, c'est un autre sens particulier du stockage dans le jargon de l'aménagement des routes :
Au sud du rond-point du Kruysbellaert, il est proposé un élargissement de la sortie à deux voies puis un rabattement sur une voie, principe existant sur cette section au nord du rond-point des parapluies. L’élargissement à deux voies permet un gain de capacité sur le mouvement nord-sud et le stockage sur deux files de ces mouvements lorsque le feu de traversée des bus arrête les véhicules dans l’anneau.
http://www.nord.gouv.fr/content/downloa ... 2015v1.pdf

Voir aussi :
Aménagement et exploitation des routes.
André (G., R.)
Messages : 7437
Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22

Message par André (G., R.) »

Leclerc92 a écrit :on se gare d'abord, puis on stationne ensuite, si on reste.
Rares sont, à mon avis, les personnes qui se garent pour repartir immédiatement ! La connotation de stationnement contenue dans « se garer » me paraît incontestable !
Mais je proposais surtout « se garer » en correction de « se stationner », que je rencontre de plus en plus souvent.
Avatar de l’utilisateur
Perkele
Messages : 9738
Inscription : sam. 11 juin 2005, 18:26
Localisation : Deuxième à droite après le feu

Message par Perkele »

Lorsqu'on se gare, ne se met on pas prioritairement à l'abri ? à l'abri de la circulation par exemple ? l'idée de rester sur place me semble être une extension de sens, mais bien ancrée dans le langage;
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
Avatar de l’utilisateur
Claude
Messages : 9173
Inscription : sam. 24 sept. 2005, 8:38
Localisation : Doubs (près de l'abreuvoir)

Message par Claude »

Se garer consiste à se retirer de la circulation.
Stationner n'est pas forcément synonyme de se garer car on peut très bien stationner sur les voies de circulation ; dans ce cas on est verbalisable :d .
Avatar : petit Gaulois agité (dixit Perkele)
André (G., R.)
Messages : 7437
Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22

Message par André (G., R.) »

Claude a écrit :Stationner n'est pas forcément synonyme de se garer car on peut très bien stationner sur les voies de circulation ; dans ce cas on est verbalisable :d .
Tout à fait d'accord ! Si, à chaque fois que je me gare, je stationne, je ne dirai pas qu'à chaque fois que je stationne, je me suis garé !
Leclerc92
Messages : 3925
Inscription : jeu. 29 nov. 2012, 17:06

Message par Leclerc92 »

Sur une voie peu large, il m'arrive de me garer sur le bas-côté pour laisser passer un véhicule qui vient en sens contraire, et je n'ai nullement l'intention de stationner, ce qui impliquerait dans mon esprit un temps d'immobilisation bien plus long.
Comme le dit encore l'Académie dans les 8e et 9e éditions :
SE GARER signifie Se ranger d'un côté pour laisser passer un train, un bateau, une voiture et éviter un heurt. Les bateaux qui montent doivent se garer vers la terre pour laisser passer les bateaux qui descendent. Je me suis garé à temps : j'allais être écrasé.
Pron. Se ranger de côté pour laisser passer un véhicule, pour éviter un heurt. Je me suis garé contre le mur pour ne pas être renversé.
Répondre