Droit dans ses bottes

[André (G., R.)]

Cette expression, souvent précédée du verbe rester, s'est répandue ces dernières années. Je me pose la question de savoir si « droit » y est adjectif ou adverbe. Je lis dans mon journal, à propos de la mairesse de Nantes (mon ancienne élève !) : Johanna Rolland s'estime, dans ce dossier, droit dans ses bottes. « Elle est restée droit dans ses bottes » me gênerait moins.
Je me pose une autre question : l'expression a-t-elle été employée initialement à la première personne avec la volonté d'assumer un acte ? Ou à la troisième avec une nuance de reproche d'entêtement ? Peut-on dire que l'on « s'estime droit dans ses bottes » pour revendiquer une fidélité à une prise de position précédente ?

[Yeva Agetuya]

"Droit dans ses bottes" fait militaire.

C'est le militaire qui peut se présenter à son supérieur en ayant accompli son devoir.

Et je ne vois pas pourquoi cela ne s'accorderait pas :

Elle est restée droite dans ses bottes.

[André (G., R.)]

C'est aussi mon avis. Je me suis toutefois demandé si je serais en mesure de présenter un argument solide pour refuser « Elle reste droit dans ses bottes », sachant que « droit » existe comme adverbe et que l'on ne peut s'opposer à des tournures comparables comportant des adverbes, comme « Elle reste bien dans sa peau », «... bien au chaud », « Elle est mal en point »...

[Yeva Agetuya]

Elle est grande, elle est droite, elle est froide.

Ne sont-ce pas des attributs ?

Pourquoi "rester" n'aurait-il pas d'attribut ?

[André (G., R.)]

Je ne me suis pas fait comprendre.
Mon intervention de dimanche était due à mon étonnement en présence de « Johanna Rolland s'estime, dans ce dossier, droit dans ses bottes ». J'aurais dit et écrit « droite dans ses bottes ». La question qui m'a paru posée est celle de l'éventuelle acceptation de « droit dans ses bottes » lorsque le sujet est féminin.
Nous sommes d'accord sur le fait que nous ne le dirions ni l'un ni l'autre. Mais je cherche des arguments pour m'opposer à « Elle reste droit dans ses bottes » et je ne suis pas sûr d'en avoir d'imparables, ainsi que je l'ai expliqué ci-dessus.
À la différence de « droit », « froid » n'existe pas comme adverbe et « grand » a des emplois adverbiaux plus rares et plus spéciaux, si je puis dire, que « droit ».

[Yeva Agetuya]

Marcher droit

Manger froid

[André (G., R.)]

Au temps pour moi. En effet, dans « manger froid », il est bon de considérer « froid » comme un adverbe.

Quelle conclusion en tirez-vous pour « rester droit dans ses bottes » ?

[Yeva Agetuya]

On pourrait dire : Elle est restée droitement dans ses bottes.

Et alors "droit" serait un adverbe invariable.

[André (G., R.)]

Marcher droit
Manger froid

Je reviens sur ces deux groupes verbaux – que je conjugue –, parce que leur comparaison me paraît intéressante : Pierre marche droit. Anne mange froid.

Un adverbe répond souvent à la question « comment ? ». Comment Pierre marche-t-il ? Il marche droit. Mais cette question paraît moins adaptée à l'emploi figuré de « marcher droit », car c'est quasiment un verbe autonome. Considérons plutôt « Pierre marche vite », où « vite » est peut-être un peu moins lié à « marcher ». En tout cas, la question « Comment Pierre marche-t-il ? » convient en l'occurrence.

« Comment ? » et « de quelle manière ? » sont à peu près synonymes. Aucune difficulté pour « De quelle manière Pierre marche-t-il ? » si l'on attend la réponse « Il marche vite ». Mais, mais, mais*…, si « Comment Anne mange-t-elle ? » semble acceptable quand on attend la réponse « Elle mange froid », il n'en va pas de même pour « De quelle manière Anne mange-t-elle ? » : c'est que « froid » ne concerne pas Anne, il ne s'agit pas de la manière dont elle mange, mais de ce qu'elle mange.

On peut alors penser à « Anne mange du froid » et voir dans « froid » un nom privé de son article. Il n'est pas interdit non plus d'imaginer « Anne mange quelque chose de froid », avec l'adjectif « froid » apposé, je crois, au pronom indéfini « quelque chose ». Et alors… et alors*… l'ellipse de « quelque chose de » n'est peut-être pas si éloignée de… l'anacoluthe !

Bon, il faut bien qu'un grammairien fasse quelque chose (!) de « froid » et de « chaud » dans « manger froid » et « manger chaud », tellement répandus ! Je souhaitais seulement montrer qu'on n'a pas la même relation entre « droit » et « marcher » qu'entre « froid » et « manger ».

* Il y a des jours, comme cela, où l'on a envie de fantaisie !

[Leclerc92]

Marcher droit
Manger froid

Bon, il faut bien qu'un grammairien fasse quelque chose (!) de « froid » et de « chaud » dans « manger froid » et « manger chaud », tellement répandus ! Je souhaitais seulement montrer qu'on n'a pas la même relation entre « droit » et « marcher » qu'entre « froid » et « manger ».

Il me semble que les grammairiens parlent d'emploi adverbial d'un adjectif, comme dans voter utile, acheter malin, etc. qui ont envahi la langue d'aujourd'hui.

[André (G., R.)]

Oui. La ressemblance entre « manger froid », d'une part, et « voter utile » et « acheter malin », d'autre part, est indéniable. Pourtant, quelqu'un qui vote utile ou achète malin peut se considérer comme utile ou malin, tandis que la personne qui mange froid n'est pas froide !

[Leclerc92]

Je crois que l'adjectif adverbial qualifie dans ces cas-là plutôt ce qu'on mange, ce qu'on vote, ce qu'on achète.
Si je dis que j'aime manger chinois, ça ne veut pas dire que je sois chinois !

[André (G., R.)]

« Manger chinois » peut aussi bien vouloir dire, me semble-t-il, « manger de la cuisine chinoise » que « manger à la (manière) chinoise », les deux expressions pouvant d'ailleurs couvrir, mais pas forcément, un champ sémantique commun.
Je l'ai dit : un grammairien qui analyse « manger froid » ou « manger chinois » est bien obligé d'y considérer « froid » et « chinois » comme des adverbes ou donc, ainsi que vous l'avez expliqué et plus précisément, comme des adjectifs à valeur adverbial. Mais on reste un peu sur sa faim, c'est vraiment le cas de le dire ! J'ai l'impression d'avoir affaire à un pis-aller en matière d'analyse grammaticale.

Je regrette un peu que ne s'expriment pas davantage d'avis à propos de « rester droit dans ses bottes » avec un sujet féminin.

[Yeva Agetuya]

La ministresse est restée droite sur ses talons. ???

[Perkele]

Balzac a employé "droit" comme adverbe dans l'expression "se tenir droit", avec un sujet féminin.

"Elle pleurait comme une madeleine, sans faire de bruit, et se tenait droit comme un piquet." (Balzac, Langeais,1834, p. 340).

Elle se tient droit, il me semblerait que rien ne change si c'est dans ses bottes, qu'en pensez-vous ?