La bonne ponctuation

[Thypot]

Bonjour à tous,

Il s'agit d'un thème maintes fois traité, mais qui reste inépuisable.
Je me permets ici de vous faire part de certaines de mes interrogations sur le bon usage de la ponctuation, et tout spécialement de la virgule.

Je sais bien qu'il existe quelques règles, flottantes, concernant l'utilisation de la virgule ; elles ont été citées ici par Jacques, dans un sujet précédent, en référence notamment à Grevisse.

1° Quelles sont vos préférences dans l'usage de la virgule avant une conjonction de coordination, tout spécialement avant un « mais » ?
J'avais lu un jour, mais je ne sais plus où, qu'il fallait mettre une virgule lorsque le second membre de la phrase (pardonnez ce manque de vocabulaire ; je préfère ne pas me tromper) était long et comportait un certain nombre de mots. Cette règle me paraît illusoire, mais j'en fais parfois l'usage.
Pour ma part, je mets en général une virgule avant une telle conjonction, à l'exception de « et » et de « ni », en fonction des circonstances.

2° De la même façon, après un point, peut-on commencer une phrase par une conjonction de coordination ? Quel usage faites-vous des règles, de nouveau flottantes, qui existent en la matière ? Je crois qu'il est déconseillé de commencer une phrase par un « Et » ou un « Car », par exemple.

3° Je n'ai jamais trouvé d'explication à cette question : comment peut-on justifier l'usage des deux points avant une conjonction de coordination, et notamment un « mais » ? J'ai relevé cet usage surprenant chez quelques auteurs, surtout anciens, comme Rousseau, mais je n'ai pas d'exemples précis.

Merci.

[Jacques]

2° De la même façon, après un point, peut-on commencer une phrase par une conjonction de coordination ? Quel usage faites-vous des règles, de nouveau flottantes, qui existent en la matière ? Je crois qu'il est déconseillé de commencer une phrase par un « Et » ou un « Car », par exemple.

Bonjour Thypot,

Nous avons récemment discuté de ce cas, et sommes tombés d'accord pour dire que la conjonction peut être placée après un point. Voyez par exemple ce poème de Leconte de Lisle, Les éléphants :
Tel l'espace enflammé brûle sous les cieux clairs.
Mais, tandis que tout dort aux mornes solitudes,
Les éléphants rugueux, voyageurs lents et rudes
Vont au pays natal à travers les déserts.

Ou encore cet extrait des Imprécations de Camille dans Horace, de Pierre Corneille :
Puissent tous ses voisins ensemble conjurés
Saper ses fondements encor mal assurés !
Et si ce n'est assez de toute l'Italie,
Que l'orient contre elle à l'occident s'allie ;
Le point d'exclamation a la même valeur qu'un point ordinaire pour mettre fin à une phrase.

Prenons encore le poème de Rosemonde Gérard :
C'est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l'âge,
Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main,
Car vois-tu, chaque jour je t'aime davantage,
Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain
On pourrait très bien envisager de mettre un point au lieu d'une virgule après main, et cela n'y changerait rien. La phrase suivante débuterait par la conjonction car, sans que ce soit fautif.

De grâce ne faites pas de complexes et ne vous excusez pas sur la nature de vos questions. À votre âge vous avez encore beaucoup à apprendre, et votre désir de comprendre est des plus louable.

[Klausinski]

1. Je place généralement une virgule devant mais quand il introduit une autre proposition (pour le dire vite : un membre de phrase avec un verbe conjugué) et je n'en mets généralement pas quand il coordonne des éléments de même nature (sauf les verbes). Girodet dit : « normalement précédé d'une virgule […] – Peut s'employer sans virgule, notamment pour joindre deux adjectifs épithètes, attributs ou en apposition ».
Je suis le même usage pour car et puis. Je ne mets de virgule devant et que lorsque son absence pourrait donner lieu à une ambiguïté, c'est-à-dire, en général, quand il introduit une proposition.

2. Jacques a bien répondu à cette question. Nous en parlons également ici. Paul Léautaud pestait contre les mais en début de phrase, mais il en commit lui-même quelques-uns.

3. Il s'en faut que la typographie classique soit un modèle. Aussi bien en ce qui concerne l'emploi des majuscules que la ponctuation, les auteurs classiques avaient des usages fluctuants. Voir l'article ponctuation de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert. Je vous en cite un extrait :

« M. l'abbé Girard (tom. II. pag. 456.) se conforme à la regle que l'on vient de proposer, & ponctue avec la virgule la phrase suivante.

Je connois quelqu'un qui loue sans estimer, qui décide sans connoître, qui contredit sans avoir d'opinion, qui parle sans penser, & qui s'occupe sans rien faire.

Quatre lignes plus bas, il ponctue avec les deux points une autre phrase tout - à - fait semblable à celle - là, & qui par conséquent n'exigeoit pareillement que la virgule.

C'est un mortel qui se moque du qu'en dira - t - on: qui n'est occupé que du plaisir: qui critique hardiment tout ce qui lui déplaît: dont l'esprit est fécond en systèmes, & le coeur peu susceptible d'attachement: que tout le monde recherche & veut avoir à sa compagnie. »

[Thypot]

Très bien, merci pour vos réponses.

Il y a quelque temps, suivant ce que j'avais lu dans le Grevisse, j'avais voulu m'interdire d'employer des « mais » en début de phrase, mais cette tentative fut vaine. C'est presque impossible, et c'est désormais dans l'usage.

En ce qui concerne le 3°, considérez-vous donc qu'il s'agit toujours d'erreurs de mettre les deux points avant une conjonction de coordination ? Cela paraît incongru dans tous les cas, mais c'est intéressant.

[Jacques]

Généralement cela paraît difficile à concevoir. Il me semble qu'on peut l'envisager avec ou et ni :
Nous aimerions savoir ce que tu décides : ou tu y vas tout de suite, ou tu renonces définitivement.
C'est simple : ni vous ni votre frère n'avez les compétences voulues.
Avec les autres (car, donc, et, mais, or) cela n'est pas envisageable.

[Thypot]

Je suis d'accord, Jacques.

Qu'en est-il des virgules après certains mots de liaison ou conjonctions, comme « cependant » ou « or » ?

Un jour, dans une copie, j'avais été très fâché que l'on pût oser mettre en rouge une virgule que j'avais, à dessein, omis de placer après un « or ».

Je pense là encore qu'il n'y a pas de règle. Pourtant, il y a longtemps, quand j'ai commencé à lire de grands auteurs, j'étais surpris de l'absence de virgules après ces mots ou ces conjonctions.

[André (G., R.)]

Qu'en est-il des virgules après certains mots de liaison ou conjonctions, comme « cependant » ou « or » ?

Un jour, dans une copie, j'avais été très fâché que l'on pût oser mettre en rouge une virgule que j'avais, à dessein, omis de placer après un « or ».

Spontanément je n'imagine pas de virgule immédiatement après ces mots, s'ils sont suivis du sujet de la proposition à laquelle ils sont intégrés :

L'agent me demanda mes papiers, or je ne les avais pas.

Par contre si « or » est suivi d'un complément, la virgule me semble possible ; s'il est suivi d'une incise, elle me paraît obligatoire :

L'agent me demanda mes papiers, or (,) ce jour-là (,) je ne les avais pas.
L'agent me demanda mes papiers, or, sans que je m'en fusse rendu compte auparavant, je ne les avais pas.

[Thypot]

Oui, c'est exactement ce que je pense. Dans la plupart des cas, la virgule est facultative.

[Perkele]

Je sais bien qu'il existe quelques règles, flottantes, concernant l'utilisation de la virgule

Règles flottantes ou règles sur le flottement de la virgule ?

[André (G., R.)]

Ce Bloc-notes du site de l'Académie française, signé Xavier DARCOS, me paraît bien convenir ici. Je dois admettre que j'aurais été en peine d'écrire « Convainc-t-il ? » et je trouve utile le rappel de certaines règles.

Mais qu'un académicien parle de « petite consonne » m'étonne et, surtout, je crois voir deux ou trois raisons de critiquer sa phrase Le parler populaire en abuse fautivement, avec des expressions orales comme t'es nul ou pauv'crétin (version polie).