La féminisation, encore !

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Jacques
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La féminisation, encore !

Message par Jacques »

Dans la présentation de Zabelle, à qui je souhaite tardivement la bienvenue (tout le monde connaît les motifs de mon absence), je note : auteure en herbe.
Cette option linguistique m'amène à proposer, de nouveau, une réflexion sur l'éternel sujet du féminin.
Les Québécois, qui se disent très attachés à leur pays d'origine, la France, se démarquent de la francophonie européenne par la création de l'Office québécois de la langue française.
Ledit Office a décrété que les noms en -eur qui n'ont pas de féminin peuvent en obtenir un par la terminaison en -eure.
L'Académie française, quant à elle, y est opposée, et la plupart des spécialistes européens de la langue française la suivent sur ce plan. Il s'agit donc, jusqu'à nouvel ordre, pour eux, d'un barbarisme ou d'une faute de français. Un jour, peut-être, ce principe sera-t-il reconnu (dans cinquante ans ou davantage ?).
Pour le moment donc, nous avons seulement cinq mots en -eur qui se féminisent en -eure : majeur, mineur, inférieur, supérieur, prieur.
Il ne s'agit pas de faire un procès à Zabelle pour son choix, mais de connaître vos opinions :
– Que pensez-vous de la sécession des francophones d'outre-Atlantique ? Le français d'Amérique ne risque-t-il pas de s'éloigner de plus en plus de celui d'Europe ?
– Êtes-vous, les uns et les autres, favorables à l'adoption de ces mesures chez nous ?
– Ne croyez-vous pas qu'une fois de plus, le vieux continent se laisse aller au « modèle américain » ?
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Claude
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Re: La féminisation, encore !

Message par Claude »

jac a écrit :Pour le moment donc, nous avons seulement cinq mots en -eur qui se féminisent en -eure : majeur, mineur, inférieur, supérieur, prieur.
Je suis plus restrictif que vous Jacques en ne citant que prieur, le seul à n'être que substantif par comparaison avec auteur. Je suppose que les quatre autres étaient adjectifs et prenaient naturellement un E au féminin avant de devenir aussi des substantifs qui ont suivi la même terminaison.
Qu'en pensez-vous ?

Quant à auteure je ne l'aime pas plus que prieure qui n'est pourtant pas récent :wink:. De plus ce E ne change oralement rien.
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Perkele
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Message par Perkele »

Le prieur, dans un couvent, est le premier moine après l'abbé. Le "père prieur" n'est pas celui qui prie, mais un responsable. Comme "supérieur", "prieur" n'est donc pas uniquement un substantif. :wink:
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Claude
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Message par Claude »

J'ai pourtant consulté TLF et Littré avant de parler (vous me connaissez :lol: ) ; il n'est d'après eux que substantif :?:
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Perkele
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Message par Perkele »

Il est vrai que son sens premier (c'est le cas de le dire) est complètement sorti de l'usage.

Du latin "priorem", qui précède, qui est plus en avant, comparatif dont primus est le superlatif.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
Axelle

Message par Axelle »

Dans l'ordre, je répondrai:

Que je trouve dommage que le Québec se désolidarise de la France. J'apprécie les particularités du français parlé à l'extérieur de la France mais je crains en effet que le québécois, par cela, ne s'éloigne fortement du français "européen". Je n'imagine pas encore les conséquences sur le plus long terme mais j'éprouve une certaine inquiétude.

Que je suis fortement opposée à la féminisation des professions, d'une manière générale et je pense ne pas faire d'exception. Je crois qu'aujourd'hui nous, les femmes, n'avons pas encore le choix de notre rôle dans la société. Et que cette liberté de choix, même si elle est plus large dans certains pays ou entreprises, doit encore faire l'objet de certaines "discussions". Je ne pense vraiment pas que nous arriverons à obtenir ou faire accepter cette liberté avec ces modifications. J'ai sans doute quelque peu déraillé mais la porte était ouverte et j'aime m'y précipiter.
Pour répondre plus précisément, je n'aime pas cet ajout du -e aux professeur, auteur, et autres. Mais sans doute fais-je preuve d'une certaine réticence au changement.

Que je ne connais pas le modèle américain sur ce plan-là et je n'ai donc pas de commentaires. Mais je suis friande d'explications afin de pouvoir apporter mon grain de sel.
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Jacques
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Message par Jacques »

Axelle, vous ne « déraillez » pas, il faut que la femme trouve dans tous les domaines la place qui lui revient, et que son rôle dans notre société soit reconnu. Je ne le dis pas par démagogie ou pour vous faire plaisir, mais parce que c'est ma conviction profonde et depuis longtemps. Au diable les machos rétrogrades ! Nous pouvons donc ici exprimer cette revendication, sans en faire l'objet majeur du débat, qui est surtout orienté vers la langue. Cela étant, cette ridicule histoire de féminisation mal comprise ne fera pas avancer les choses sur le plan social. Je constate qu'une large majorité de femmes, à commencer par la mienne, s'insurgent contre ces tendances linguistiques. Le combat est ailleurs.
Pour le Québec : ce pays a pris conscience, il y a 50 à 60 ans, qu'il parlait un dialecte quasiment incompréhensible aux francophones des autres continents. Un désir d'actualisation de la langue s'empara alors des indigènes : on faisait venir des Belges et des Français pour qu'ils aident à instaurer le français d'Europe. Des Québécois venaient même faire des stages dans nos deux pays (je ne crois pas qu'ils soient allés en Suisse), afin de prendre les habitudes langagières européennes. Aujourd'hui voilà que le phénomène inverse prend naissance : non pas un retour aux anciens dialectes, mais la proclamation d'une autonomie linguistique, l'élaboration d'un français local qui s'éloigne du modèle standard.
C'est regrettable. L'ennui est que certains Européens se laissent contaminer en adoptant les résolutions québécoises.
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cyrano
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Message par cyrano »

Oui, "la féminisation, encore!" Le titre de la rubrique le dit bien, ce n'est pas un sujet dont nous débattons pour la première fois...

Je résumerai donc ma position en deux mots: je ne suis pas très favorable à cette féminisation de "auteure", ni à cette scission linguistique de nos amis québécois, mais en même temps je considère aussi qu'il y a des périls bien plus graves qui menacent aujourd'hui la langue et qu'il y a chez certains une sorte d'étrange fixation sur cet aspect-là. Cela me fait parfois penser à un maître d'hôtel du Titanic qui se fâcherait parce qu'une fourchette est mal lavée alors que le navire est déjà englouti aux trois quarts...

Je ne parle pas de vous, Jacques (ni d'Axelle, ni de Perkele, ni de Claude...), puisque vous dénoncez aussi bien d'autres travers. Vous êtes donc cohérent en vous montrant rigoureux sur ce point-ci également. Mais j'en connais qui vont hurler sur auteure et, dans la foulée, utiliser deux anglicismes inutiles et trois barbarismes (avec en prime quelques fautes de syntaxe ou d'orthographe ) comme si de rien n'était!
Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet (Courteline)
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Jacques
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Message par Jacques »

La fin de votre message, Cyrano, me rappelle diverses anecdotes de gens qui nous envoient des critiques (NOUS : l'association DLF) dans des lettres où je relève plusieurs fautes, ou des barbarismes.
Je me souviens particulièrement de quelqu'un à qui j'avais dû répondre. Ce monsieur, avec un brin de fausse naïveté bon enfant, nous confiait qu'ayant bénéficié d'un congé, il avait eu le loisir d'éplucher la revue. Et de nous signaler ironiquement UNE faute, qui n'en était pas vraiment une, une erreur de typographie qui avait échappé à notre vigilance.
Je lui fis délicatement remarquer qu'il nous pointait une unique faute dans une revue de quatre-vingts pages, alors que lui-même, dans une lettre d'une demi-page, en avait commis quatre, et je lui laissais le soin d'établir le rapport statistique, par rapport au nombre de caractères.
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Claude
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Message par Claude »

cyrano a écrit : Mais j'en connais qui vont hurler sur auteure et, dans la foulée, utiliser deux anglicismes inutiles et trois barbarismes (avec en prime quelques fautes de syntaxe ou d'orthographe ) comme si de rien n'était!
:lol: :lol: :lol:
jac a écrit :Je lui fis délicatement remarquer qu'il nous pointait une unique faute dans une revue de quatre-vingts pages, alors que lui-même, dans une lettre d'une demi-page, en avait commis quatre
J'adore ce genre d'anecdote :wink:
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Message par Jacques »

claude a écrit :
cyrano a écrit : Mais j'en connais qui vont hurler sur auteure et, dans la foulée, utiliser deux anglicismes inutiles et trois barbarismes (avec en prime quelques fautes de syntaxe ou d'orthographe ) comme si de rien n'était!
:lol: :lol: :lol:
jac a écrit :Je lui fis délicatement remarquer qu'il nous pointait une unique faute dans une revue de quatre-vingts pages, alors que lui-même, dans une lettre d'une demi-page, en avait commis quatre
J'adore ce genre d'anecdote :wink:
Vous avez probablement remarqué, comme tout le monde, la coquille dans la lettre qui accompagnait le dernier numéro. Encore une faute d'imprimerie ! Vous avez peut-être aussi reçu un message de notre vice-président. À ce sujet, je vous assure que la férocité de certains s'est déchaînée. Nous avons été cloués au pilori. J'ai rédigé un article pour le prochain numéro, avec une touche d'humour.
Tout cela pour rappeler l'histoire de la paille et de la poutre, qui nous ramène à la réflexion de Cyrano.
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Claude
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Message par Claude »

jac a écrit :Vous avez probablement remarqué, comme tout le monde, la coquille dans la lettre qui accompagnait le dernier numéro.
Si le don est important, le mot a plus d'ampleur :lol: .
jac a écrit :Vous avez peut-être aussi reçu un message de notre vice-président. À ce sujet, je vous assure que la férocité de certains s'est déchaînée. Nous avons été cloués au pilori.
Oui, je l'ai reçu. Ne vaut-il pas mieux ce genre de réaction plutôt que l'indifférence ? Je sais que c'est facile à dire, je ne suis pas sous les salves.
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Message par Jacques »

Ce que je veux dire, Claude, c'est qu'il y a un manque total d'indulgence et que d'aucuns ont l'air de se régaler de pouvoir nous tomber dessus à bras raccourcis. Or justement, pour rester dans la remarque de Cyrano, l'une de ces lettres féroces, si courte fût-elle, émanait de quelqu'un qui commettait lui-même deux fautes dans son court et cinglant message. Dans le genre : vous dénoncez les erreurs des autres mais vous feriez mieux de balayer devant votre porte (je me rappelle qu'il a employé cette formule). Mais bien sûr nous ne pouvions pas lui mettre le nez dans ses propres erreurs.
En revanche, la linguiste Jacqueline Picoche a répondu au message collectif que vous avez reçu (envoyé à 600 adhérents dotés d'une connexion) avec indulgence et compréhension, disant que l'erreur est humaine, que la faute était mineure, et que l'Académie devrait s'atteler à la tâche pour mettre de l'ordre dans ces histoires de redoublement de consonnes.
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Message par Perkele »

jac a écrit : L'ennui est que certains Européens se laissent contaminer en adoptant les résolutions québécoises.
Comme "courriel" ou "clavardage" ? :evil:
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Jacques
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Message par Jacques »

Perkele a écrit :
jac a écrit : L'ennui est que certains Européens se laissent contaminer en adoptant les résolutions québécoises.
Comme "courriel" ou "clavardage" ? :evil:
Non, je ne critique pas les décisions qui consistent à remplacer des anglicismes par du français, et j'y suis au contraire favorable ; je les adopte volontiers. Je critique l'adoption, par des francophones européens, de décisions prises là-bas, condamnées par les institutions européennes (Académie française, Conseil supérieur de la langue française, et les grammairiens et lexicographes en général), sur des questions de grammaire française, comme cette histoire de féminisations : une députée, une chirurgienne, une procureure...
L'Académie dit non, l'Office québécois dit oui, et des francophones européens s'alignent sur les décisions québécoises, en opposition avec les nôtres.
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