La féminisation, encore !

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Perkele
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Message par Perkele »

jac a écrit :En fait Perkele, l'Académie française ne restreint pas le concept à celui des noms de métiers, mais l'englobe dans celui des noms de fonctions. Et dans ce cas, auteur est une fonction, au moins comme synonyme d'écrivain.
A plus forte raison, donc. En effet, le rapport de la commission de terminologie et de néologie sur la féminisation des noms de métiers, fonctions, titres ou grades donne son accord sur la féminisation des noms de métiers quand le peuple en ressent le besoin et crée le mot, mais s'oppose à la féminisation des noms de fonctions car la fonction est indépendante de la personne.

http://www.culture.gouv.fr/culture/dglf ... maire.html
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Brazilian dude
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Message par Brazilian dude »

C'est un peu étrange pour moi voir ces discussions si on doit former le féminin de telle profession ou fonction ou pas. En portugais on le fait instinctivement.
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Perkele
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Message par Perkele »

Je pense qu'il en serait de même en France si quelques ministres n'avaient pas cru avantageux pour leur carrière de vouloir imposer une féminisation radicale et artificielle. Ces dames - puisqu'il s'agissait de dames - croyaient se rallier l'électorat féminin qui est en majorité convaincu qu'il y a plus urgent pour la condition de la femme.
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Jacques
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Message par Jacques »

Remarquons que l'opposition à cette féminisation parfois saugrenue vient en grande partie des femmes. Et pour reprendre ce que vous dites, Perkele, je me rappelle que, lorsque l'Académie mit son veto, une certaine ministresse qui n'avait rien compris et ne plane pas dans les hautes sphères de la langue française, s'insurgea dans les micros des reporters, à peu près en ces termes : « Il y a encore beaucoup de chemin à faire et nous n'avons pas fini de nous battre ».
C'est cette même femme qui s'était entendu interpeller un jour lors d'une joute télévisuelle : « Madame, vous avez signé une lettre dans laquelle il y avait quatre fautes d'orthographe ». À quoi elle répondit : « Monsieur, l'orthographe n'a pas d'importance, ce qui compte ce sont les idées ».
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Jacques
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Message par Jacques »

Brazilian dude a écrit :C'est un peu étrange pour moi voir ces discussions si on doit former le féminin de telle profession ou fonction ou pas. En portugais on le fait instinctivement.
Votre langue, comme l'espagnol et l'italien, s'y prête facilement : il suffit je pense de mettre un A à la place d'un O. La morphologie du français, elle, s'y prête souvent mal. Comment féminiser médecin ? Médecine a déjà un emploi. Comment féminiser marin ? (même argument) et escroc ? Et voyou ? Et médium ? Et valet ?
Par voie de conséquence, ces difficultés nous rendent plus sensibles à certaines féminisations qui seraient grammaticalement possibles, mais nous semblent choquantes : la plupart des francophones ont une sensation de gêne devant les féminisations « à la québécoise » : pasteure, procureure, professeure... Ce malaise ne se justifie pas par le raisonnement, et ne s'explique pas non plus par le « machisme ». Nous avons une sorte de sensibilité linguistique.
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myahoo

Message par myahoo »

Une proposition entendue à la radio : ramener une sorte de neutralité, un peu comme le "on" à la place de "il" ou "elle", ou le "the" anglais. Un mot qui ne dit pas de suite s'il s'agit du féminin ou du masculin, et rendu neutre (comme en Allemand, il me semble ?). Il était même question de supprimer le déterminant... donc bref, une horreur.
Brazilian dude
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Message par Brazilian dude »

Votre langue, comme l'espagnol et l'italien, s'y prête facilement : il suffit je pense de mettre un A à la place d'un O.
Vous avez raison, mais l'espagnol y recoure en mineure mesure et l'italien encore moins. C'est dommage, je pense.
malaise ne se justifie pas par le raisonnement, et ne s'explique pas non plus par le « machisme ». Nous avons une sorte de sensibilité linguistique.
Je comprends. C'est le Sprachgefühl.

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Jacques
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Message par Jacques »

myahoo a écrit :Une proposition entendue à la radio : ramener une sorte de neutralité, un peu comme le "on" à la place de "il" ou "elle", ou le "the" anglais. Un mot qui ne dit pas de suite s'il s'agit du féminin ou du masculin, et rendu neutre (comme en Allemand, il me semble ?). Il était même question de supprimer le déterminant... donc bref, une horreur.
Affligeant ! Avez-vous à disposition un quelconque exemple ? Je vois mal comment on pourrait l'envisager.
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myahoo

Message par myahoo »

jac a écrit :Affligeant ! Avez-vous à disposition un quelconque exemple ? Je vois mal comment on pourrait l'envisager.
Juste quelques uns en tête, mais que je réinvente peut-être un peu (je n'avais pas enregistré l'émission, et elle n'est plus disponible) : "je vais voir docteur", "j'ai mangé pain hier", "il faut prendre voiture pour aller à piscine", etc. puisque dans tous ces cas on "devinera" que c'est le docteur, le pain, la voiture, la piscine...

PS : pour la féminisation de médecin, on me signale qu'elle est déjà faite, avec mes deux seins ; et tout le monde a dû pouvoir y goûter :lol:
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Jacques
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Message par Jacques »

On tombe alors dans le style « petit-nègre », et on escamote la difficulté en supprimant l'article. Et finalement nous revenons à ce que Perkele a expliqué au sujet du russe.
Ce style, d'ailleurs, s'amorce déjà dans le jargon journalistique, qui fait tache d'huile hélas ! quand ces messieurs et dames disent : « Difficile d'éviter l'obstacle », « Pas facile de comprendre », et dans cette manie de supprimer les prépositions : un cadre bois, une séance photos, la pièce moteur...
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Message par Jacques »

Brazilian dude a écrit :
Votre langue, comme l'espagnol et l'italien, s'y prête facilement : il suffit je pense de mettre un A à la place d'un O.
Vous avez raison, mais l'espagnol y recoure en mineure mesure et l'italien encore moins. C'est dommage, je pense.
malaise ne se justifie pas par le raisonnement, et ne s'explique pas non plus par le « machisme ». Nous avons une sorte de sensibilité linguistique.
Je comprends. C'est le Sprachgefühl.

Brazilian dude
Oui, ce terme allemand rend bien le sens de cette indéfinissable perception.
Prenez, par exemple, le mot computer inventé par les Américains, mais à partir du latin computare. Nous qui parlons une langue latine, nous aurions pu l'accepter : on a essayé, au début, de le franciser en computeur, et ce fut un fiasco. Il sonnait mal aux oreilles gauloises. Pourquoi ? Nul ne saurait le dire. Finalement, nous sommes l'un des rares peuples à l'avoir rejeté (nous englobe tous les francophones, et pas seulement les Français). Nous avons tout bonnement ressuscité en l'adaptant un très vieux mot français, ordinateur (fin du XVe s.) « celui qui met de l'ordre », qui désignait à l'origine le Christ, puis un dignitaire ecclésiastique.
Définition de Littré :
1° Qui met l'ordre, qui arrange. Il pensait que la cause universelle, ordinatrice et première était bonne, DIDER. Opin. des anc. philos. (Pythagorisme).
En ce sens on dit aussi ordonnateur.

2° S. m. Celui qui confère un ordre de l'Église. Quel crime c'est.... de reconnaître pour Églises celles qui ne peuvent pas rapporter la suite de leurs pasteurs aux apôtres comme à leurs ordinateurs, BOSSUET 2e instr. sur les passages, dissert. sur Grotius, 21.

Remarquons que les Espagnols nous suivent avec ordenador pour désigner cette machine.
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Message par Brazilian dude »

Nous avons tout bonnement ressuscité en l'adaptant un très vieux mot français, ordinateur (fin du XVe s.) « celui qui met de l'ordre », qui désignait à l'origine le Christ, puis un dignitaire ecclésiastique.
Merci de ce renseignement. :D
Remarquons que les Espagnols nous suivent avec ordenador pour désigner cette machine.
Tout à fait, mais pas en Amérique Latine espagnole, où computadora ou moins souvent computador est utilisé. Au Brésil on dit computador.

C'est intéressant de regarder le tchèque, qui pour ordinateur dit počítač, dérivé du verbe počítat, traduction du compute anglais et du computare latin. Rechner en allemand (de rechnen, compter) est aussi parfois utilisé au lieu de Computer, anglicisme.
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Claude
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Message par Claude »

Je déclare forfait :cry:
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Message par Jacques »

Brazilian dude a écrit :
Nous avons tout bonnement ressuscité en l'adaptant un très vieux mot français, ordinateur (fin du XVe s.) « celui qui met de l'ordre », qui désignait à l'origine le Christ, puis un dignitaire ecclésiastique.
Merci de ce renseignement. :D
Remarquons que les Espagnols nous suivent avec ordenador pour désigner cette machine.
Tout à fait, mais pas en Amérique Latine espagnole, où computadora ou moins souvent computador est utilisé. Au Brésil on dit computador.

C'est intéressant de regarder le tchèque, qui pour ordinateur dit počítač, dérivé du verbe počítat, traduction du compute anglais et du computare latin. Rechner en allemand (de rechnen, compter) est aussi parfois utilisé au lieu de Computer, anglicisme.
Rechner est copié sur le modèle américain : pour les « Étatsuniens » comme disent certains, c'est avant tout une machine à calculer, ce qui explique computer, de computare « compter ». Les Allemands ont préféré un mot de chez eux (on les comprend) plutôt que ce terme latin, mais c'en est la traduction fidèle. Pour nous c'est un appareil qui classe, qui met de l'ordre, d'où le choix de ce mot antique exprimant l'idée d'ordonner. Remarquez que les Norvégiens disent datamaskin, qui signifie « machine [à traiter] des données », ce qui revient à notre idée francophone : appareil qui classe, manipule des données. Il est intéressant de noter à quel point le vocabulaire peut traduire la mentalité d'un peuple.
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Jacques
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Message par Jacques »

claude a écrit :Je déclare forfait :cry:
Claude ! Nous ne sommes pas ici pour « épater la galerie » (vive le jeu de paume !) ou, plus familièrement , « en mettre pleine la vue ». Nous discourons amicalement sur des faits de langue. Je suis fasciné par tout cela. Mais il n'y a pas de hiérarchie dans le savoir. Un autre jour c'est vous qui nous épaterez, vous ne manquez pas de ressources.
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