coordination et subordination (car ou parce que)

cyrano
Messages : 352
Inscription : sam. 11 juin 2005, 15:48
Localisation : Belgique

Message par cyrano »

batave a écrit :J'avoue que, de temps en temps, je me sens, comme tout étranger en France, un peu mal compris. Mais sachez que c'est réciproque.
Excusez moi donc (!) si je vais trop loin dans mes explications.
Pas du tout, Batave, vous avez très clairement exposé le problème auquel votre fille a été confrontée (et vous voyez qu'il a même lancé ici une discussion intéressante entre francophones). Je comprends que vous vous demandiez si ces distinctions sont bien de son âge.

Comme je l'ai dit dans mon précédent message, je parie que l'exercice contenait d'autres phrases plus faciles (car en soi, l'idée de subordination peut être enseignée en sixième, je pense) et les phrases 4 et 5 sur la fille gourmande qui s'approche du buffet étaient le petit piège que les enseignants aiment bien glisser dans tout exercice. Me trompè-je?
Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet (Courteline)
Avatar de l’utilisateur
Marco
Messages : 1038
Inscription : jeu. 09 juin 2005, 23:36

Message par Marco »

En effet, Cyrano, donc a différents sens et emplois et n'est pas toujours déplaçable, comme vous le montrez. Le TLF le définit comme ceci :
DONC, conj., adv. et particule.
Conjonction, adverbe et particule de coordination, dont la place est assez mobile dans la phrase, et qui sert tantôt à relier logiquement une phrase ou une proposition à une autre, tantôt à renforcer une phrase, une proposition ou un mot.
Peut-être serait-il judicieux de le considérer globalement comme une conjonction textuelle.
Avatar de l’utilisateur
Klausinski
Messages : 1295
Inscription : mar. 12 déc. 2006, 23:54
Localisation : Aude

Message par Klausinski »

Merci beaucoup Cyrano pour votre précision. Décidément, même à l'université, on n'apprend pas les choses complètement.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
cyrano
Messages : 352
Inscription : sam. 11 juin 2005, 15:48
Localisation : Belgique

Message par cyrano »

amourdeliceetorgue a écrit :merci de vos explications;
Toutefois s'il y a automatisme, pourquoi se compliquer la vie?
Il suffit d'apprendre ORmaisouetdontcnicar et de savoir que suite à son emploi la phrase qui s'ensuit est coordonnée (on s'en serait douté) et donc qu'elle est soit indépendante soit principale. Point. Dans les autres cas, il s'agit d'une subordonnée. Et ce indépendamment du sens. C'est ça?
Oui, c'est plus ou moins ça, si ce n'est qu'en soi, cette distinction a tout de même un sens. Deux propositions coordonnées sont mises sur le même pied, la conjonction les relie en une seule phrase mais on pourrait en faire deux, avec ou sans la conjonction:
"Les voisins ont appelé la police, mais elle est arrivée trop tard" pourrait devenir "Les voisins ont appelé la police. Mais elle est arrivée trop tard" ou même "Les voisins ont appelé la police. Elle est arrivée trop tard".

En revanche, on ne pourrait pas en faire autant avec "Les voisins ont appelé la police dès qu'ils ont vu les voleurs". La seconde proposition est indissociable de la première et lui est "subordonnée".

On peut donc dire: "Elle se réjouissait de partir. Car elle n'avait jamais vu Paris". Mais pas "Elle se réjouissait de partir. Parce qu'elle n'avait jamais vu Paris" - même si, par effet de style, certains auteurs écrivent parfois des phrases uniquement constituées d'une proposition subordonnée, mais ce n'est pas un exemple à apprendre à de jeunes enfants... :wink:
Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet (Courteline)
Avatar de l’utilisateur
Marco
Messages : 1038
Inscription : jeu. 09 juin 2005, 23:36

Message par Marco »

Klausinski a écrit :Merci beaucoup Cyrano pour votre précision. Décidément, même à l'université, on n'apprend pas les choses complètement.
C’est aussi que pas tous les linguistes sont d’accord les uns avec les autres… Certains considèrent le conditionnel comme un mode, mais d’autres le rangent dans les temps de l’indicatif... :roll:
schtroumpf grognon
Messages : 74
Inscription : jeu. 31 déc. 2009, 17:59

Message par schtroumpf grognon »

Un peu hors sujet, mais intéressant quand même :

http://www.ccdmd.qc.ca/correspo/Corr10-4/Car.html
Sgavaudura

Message par Sgavaudura »

Tout d'abord, bonjour à tout le monde. Je ne suis pas français, je suis italien. J'ai etudié le français à l'école il y a des lustres et je voudrais profiter de ce forum pour le rafraîchir un peu. Pardonnez-moi les éventuelles fautes.
En ce qui concerne le sujet, peut-on donc affirmer qu'il s'agit de nuances, difficiles à comprendre pour un étranger?
Avatar de l’utilisateur
Jacques
Messages : 14475
Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum

Message par Jacques »

Bienvenue à vous. Vous avez étudié le français il y a longtemps, ce n'est pas votre langue maternelle, vous m'impressionnez ! Il n'y a pas de fautes, vous vous exprimez parfaitement, vous devez être particulièrement doué. C'est un plaisir de vous accueillir.
Votre question se rapporte-t-elle au lien donné par Schtroumpf ? Tout dépend de ce que vous ressentez vous-même : le sujet vous paraît-il clair ou y a-t-il quelque chose qui vous échappe ?
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Sgavaudura

Message par Sgavaudura »

Jacques a écrit :Bienvenue à vous. Vous avez étudié le français il y a longtemps, ce n'est pas votre langue maternelle, vous m'impressionnez ! Il n'y a pas de fautes, vous vous exprimez parfaitement, vous devez être particulièrement doué. C'est un plaisir de vous acceillir.
Votre question se rapporte-t-elle au lien donné par Schtroumpf ? Tout dépend de ce que vous ressentez vous-même : le sujet vous paraît-il clair ou y a-t-il quelque chose qui vous échappe ?
Je vous remercie pour la bienvenue (féminin en français, m asculin en italien 'il benvenuto'). Quand je parle de 'rafraîchir', je parle surtout du français écrit, car j'habite pas loin de la frontière et j'ai l'occasion de parler français, mais, pour cela, j'ai appris un français colloquial (je mange pas au lieu de je ne mange pas) et régional (Alpes Maritimes).
Avatar de l’utilisateur
Jacques
Messages : 14475
Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum

Message par Jacques »

Votre remarque est intéressante : il y a un relâchement dans le langage parlé familier, et les francophones commettent couramment cette faute de ne pas utiliser la négation dans l'usage populaire. Si on est un peu soigneux, c'est un défaut dont il faut se corriger. Si vous écrivez peu, vous avez cependant une très bonne orthographe, et votre style n'est pas du tout mauvais. Mais vous avez raison, on a toujours besoin de se perfectionner, même quand on est francophone de naissance.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
André (G., R.)
Messages : 7437
Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22

Message par André (G., R.) »

Anonymous a écrit : je ne saisis pas du tout le sens de l'exercice et de la différence des phrases
4. Elle s'approcha du buffet car elle était très gourmande
5. Elle s'approcha du buffet parce qu'elle était très gourmande
Ce fil a dix ans ! Mais je viens de le découvrir après avoir tapé ci-dessus « car et parce que » à côté de Rechercher. Étant intervenu plusieurs fois à ce sujet sur d'autres fils, j'y reviens parce que la confusion entre la conjonction de coordination et la conjonction de subordination me semble se répandre... et que je n'ai pas su jusqu'à présent faire partager l'agacement que j'en éprouve !
J'entends régulièrement un animateur de radio dire au téléphone, par exemple : « Je vous appelle car vous seul pouvez m'aider ». Or le correspondant de l'animateur sait qu'on l'appelle ! L'information importante pour lui consiste dans le fait qu'il est seul à pouvoir aider, « car » ne convient donc pas. Dirait-on « Si je vous appelle, c'est car vous seul pouvez m'aider » ? Évidemment non.
« Car » lie souvent deux indépendantes, comme dans « Julie s'approcha du buffet, car elle était gourmande ». On donne là au lecteur ou à l'auditeur deux informations d'égale importance et l'une se suffit sans l'autre.
Dans « Julie s'approcha du buffet parce qu'elle était gourmande », il se peut que le mouvement de Julie vers le buffet ne soit qu'un rappel, c'est la cause de ce mouvement qui représente l'information essentielle : c'est parce qu'elle était gourmande que Julie s'approcha du buffet ! De même : Si je vous appelle, c'est parce que vous seul pouvez m'aider !

Est-ce moi qui suis trop exigeant ?
Leclerc92
Messages : 3922
Inscription : jeu. 29 nov. 2012, 17:06

Message par Leclerc92 »

André (G., R.) a écrit : J'entends régulièrement un animateur de radio dire au téléphone, par exemple : « Je vous appelle car vous seul pouvez m'aider ». Or le correspondant de l'animateur sait qu'on l'appelle ! L'information importante pour lui consiste dans le fait qu'il est seul à pouvoir aider, « car » ne convient donc pas. Dirait-on « Si je vous appelle, c'est car vous seul pouvez m'aider » ? Évidemment non.
On ne pourra de toute façon jamais dire "c'est car...", donc "car" ne convient jamais ? Quelque chose m'échappe.

Si je prends les définitions de l'Académie :
8e édition :
qui sert à marquer que l'on va donner la raison d'une proposition énoncée, ou l'énoncé d'un fait. Il ne faut pas faire telle chose, car Dieu le défend. Vous ne le trouverez pas chez lui, car je viens de le voir dans la rue.
ou 9e édition :
Sert à introduire l'explication de ce qui vient d'être énoncé. Les ordonnances royales se terminaient par la formule : « Car tel est notre bon plaisir ». Ne prenez pas ce chemin, car il est impraticable. Et le voleur, car c'en était un, s'empressa de disparaître.
je ne vois pas ce qui s'oppose à :
« Je vous appelle car vous seul pouvez m'aider »
"vous seul pouvez m'aider" est bien la raison de "je vous appelle".
André (G., R.)
Messages : 7437
Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22

Message par André (G., R.) »

Aurais-je écrit que « car » « ne convient jamais » ?

Il est tout à fait évident qu'après « car » comme après « parce que » on énonce une cause. La question n'est pas là, elle est de savoir si l'on fait la différence entre la coordination et la subordination.

Lorsque dès le début d'une phrase on sait qu'on va donner en la terminant la cause d'un fait qu'on énonce (ou que l'on reprend) dans la principale de tête, il me semble que l'on doit utiliser « parce que » pour fournir ladite cause dans une subordonnée : « Tu as bu toute la bouteille parce que tu avais fait un pari ? » Celui qui dit cela n'informe personne que la bouteille a été entièrement bue, c'est connu.

Lorsqu'un paysan dit « Il faut ramasser le foin, car il pourrait pleuvoir », il ne sait pas forcément au début de sa phrase qu'il va évoquer la pluie possible à sa fin. Il attache la plus grande importance à son injonction concernant le ramassage du foin.

Toutefois, si la menace de pluie le préoccupe beaucoup par ailleurs, il peut dire aussi « Il faut ramasser le foin, parce qu'il pourrait pleuvoir ».
La plupart du temps, je crois, « parce que » n'est pas inenvisageable en remplacement de « car ». Mais cela dépend de la manière dont les idées parviennent à l'esprit de l'auteur de la phrase.

Mais pour moi l'inverse ne vaut pas : lorsque l'animateur dit « Je vous appelle car vous seul pouvez m'aider », il informe prioritairement son correspondant de son appel ! Comme si ledit correspondant ne savait pas qu'on l'appelle !

Puis-je d'ailleurs vous demander si vous employez indifféremment l'une ou l'autre des deux conjonctions ?
Leclerc92
Messages : 3922
Inscription : jeu. 29 nov. 2012, 17:06

Message par Leclerc92 »

André (G., R.) a écrit :Aurais-je écrit que « car » « ne convient jamais » ?
Non point. Mais n'est-ce pas la conclusion du test que vous proposez ?
Dirait-on « Si je vous appelle, c'est car vous seul pouvez m'aider » ? Évidemment non.
Ce test ne peut jamais marcher, ou alors quelque chose m'échappe.

Je crois bien que je n'utilise pas beaucoup "car" : probablement presque jamais à l'oral, et à l'écrit, je me laisse guider par mon instinct. Je vais y réfléchir.
Avatar de l’utilisateur
Astragal
Messages : 482
Inscription : dim. 03 avr. 2016, 0:55
Localisation : Près d’un champ de Marguerite

Message par Astragal »

André (G., R.) a écrit :Étant intervenu plusieurs fois à ce sujet sur d'autres fils, j'y reviens parce que la confusion entre la conjonction de coordination et la conjonction de subordination me semble se répandre... et que je n'ai pas su jusqu'à présent faire partager l'agacement que j'en éprouve !
Je fais peut-être partie de ceux qui vous agacent :lol:, car (car me semble approprié) j'ai souvent des hésitations entre ceux des termes. En général, quand j'ai un doute à l'écrit, « je prends le car ». Mais à l'oral, c'est l'inverse, je lui préfère parce que. Car me semble moins courant à l'oral.

J'ai déjà lu plusieurs articles sur le sujet, mais ce n'est toujours pas clair.
Il y a quand même quelque chose que je crois avoir compris : dans certains cas, car et parce que ne peuvent être interchangeables. D'après moi, les phrases suivantes seraient incorrectes :
Julie était gourmande parce qu'elle s'approcha du buffet. (elle s'approcha du buffet n'est pas la cause de sa gourmandise, mais plutôt une explication)
Julie ne s'approcha pas du buffet parce qu'elle était gourmande. (deux sens possibles)

En revanche, avec l'exemple ci-dessous, je ne saurais pas quel terme employer :
Pardonnez-moi mon Père, car j'ai péché.
ou...
Pardonnez-moi mon Père parce que j'ai péché.
En plus, il serait fâcheux de commettre une « faute » lors d'une confession. :?
C’est très bien. J’aurai tout manqué, même ma mort. (Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac)
Répondre