Pléonasme, redondance et tautologie

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Jacques
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Pléonasme, redondance et tautologie

Message par Jacques »

Il n’est pas possible de faire un inventaire catégoriel précis des formes répétitives. Il existe des flous, devant lesquels même les spécialistes hésitent et donnent des avis différents. Voici une ébauche de classification.
Le pléonasme ajoute une précision inutile en employant un mot qui est déjà explicitement ou implicitement compris dans le mot précédent : marche à pied, hémorragie de sang (hémo= sang), télécommande à distance (télé=à distance), noire mélancolie (melag kholê=humeur noire, bile noire), tourner en rond, revoir encore (j’ai déjà trouvé le double pléonasme revoir encore une nouvelle fois), hasard imprévu, coïncidence fortuite, erreur involontaire…
N.B. : il est pléonastique d’ajouter des points de suspension derrière etc., la fonction étant la même pour marquer dans les deux cas l’interruption d’une énumération.

La redondance est définie comme « superfluité de langage » ; tout excès dans l’expression verbale est donc redondant. Ainsi ce cadeau gratuit abondamment vanté dans les publicités : un cadeau se donne sans contrepartie ; s'il fallait payer, ce ne serait plus un cadeau. Ou encore ces manies prises par les présentateurs de journaux télévisés, qui parlent des jeunes adolescents ou jeunes enfants, et ajoutent « du soir » après les heures entre 18 et 24 h : 21 h le soir, etc.
Il n'y a pas identité entre les termes utilisés, mais l'un renforce inutilement l'autre. Sont redondantes des phrases comme « Je vous entends parfaitement bien » (on entend bien ou parfaitement, l'un des deux est de trop), « C'est tout à fait exact » (une affirmation est fausse ou juste, il n'y a pas de degrés dans l'exactitude). Belle redondance que celle de ce journaliste disant que l'on « descendait du haut vers le bas », ou de cette femme affirmant : « Nous vivons notre quotidien au jour le jour ».
Nous voyons qu’il y a une frontière difficile à définir entre les deux, des hésitations, des incertitudes sur la catégorie à choisir pour classer les expressions.

La tautologie (du grec tautologos, « qui redit la même chose ») avait mauvaise presse à l’époque d’Émile LITTRÉ, qui la qualifiait de « vice d’élocution ». Aujourd’hui on ne la considère plus, en principe, comme une faute, mais plutôt comme un effet de style destiné à renforcer l'expression de la pensée. GREVISSE la classe dans la catégorie des pléonasmes non vicieux. Elle peut juxtaposer deux termes de même sens : En bonne et due forme, seul et unique, sûr et certain, bel et bien, selon les us et coutumes, c’est la vérité pleine et entière... Elle peut insister sur le pronom personnel : C’est ma maison à moiLeur dire cela, à eux ! Elle peut aussi énoncer une évidence du genre lapalissade : Une promesse est une promesse – Je l'ai entendu de mes propres oreilles – Je l’ai vu, de mes yeux vu ! ou par manière plaisante une sorte de truisme : C'est mon avis et je le partage ; il est d’accord avec lui-même. Elle varie et prend diverses formes.
Les auteurs connus ne la dédaignent pas :

J’appelle un chat un chat, et Rollet un fripon (Boileau)

Je me les sers moi-même avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu’un autre me les serve
(E. Rostand, Cyrano de Bergerac)

La battologie, du nom de Battos, roi de la ville de Cyrène en Libye, qui était bègue, est la répétition superflue du même mot : Merci, merci, merci ou d'une formule, d'une phrase : J'y vais, j’y vais. C'est donc une battologie que cette manie devenue courante d'abuser de l'adverbe très : C'est très très très intéressant… D’aucuns vous le donnent quatre, cinq ou même six fois !

Ces définitions sont une tentative d’explication mais, étant donné que les spécialistes eux-mêmes ne s’accordent pas toujours sur le nom à donner à certaines formulations, il reste une marge d’hésitation et la faculté pour chacun de faire un choix.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Verrouillé