L'histoire des expressions

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Perkele
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L'histoire des expressions

Message par Perkele »

Vous nous retracez l'historique de "portion congrue", dans un autre fil, Jac. Cela me donne l'idée qu'il pourrait être intéressant que nous échangions nos connaissances dans ce domaine.

Cette entreprise pourrait satisfaire une légitime curiosité intellectuelle, mais aussi être une aide non négligeable à la traduction ou à la rédaction.

Je me souviens, par exemple avoir longuement cherché à quoi pouvait bien faire allusion "Cela fera du bruit dans Landerneau" jusqu'à ce que je découvre qu'il s'agissait d'une réplique de théâtre de la pièce d'Alexandre Duval (1762 - 1842) intitulée "Les Héritiers, ou le naufrage" où l'action se passe dans un vieux chateau, à Landerneau près de Brest. Une scène entre les domestiques traduit, à travers la réitération de cette réplique, le goût qu'avaient les habitants de la petite ville de Landerneau, pour les cancans.

Une origine un peu similaire au plus connu "Mais qu'allait-il donc faire dans cette galère" ("Fourberies de Scapin" de Molière), à l'origine, sans nul doute, du sens populaire attribué à "galère" aujourd'hui.
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cyrano
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Message par cyrano »

La "Bible" dans ce domaine reste pour moi le Dictionnaire des Expressions et Locutions figurées, dans la série des Usuels de Robert - mais je ne sais pas si on le trouve encore, j'ai une édition de 1979... L'origine du "bruit dans Landerneau" y est par exemple expliquée en détail à l'article "Landerneau", de même que la portion congrue.

Je pense donc qu'on pourra y trouver pas mal d'origines d'expressions figurées classiques. Mais la suggestion que vous faites me paraît surtout intéressante pour des expressions récentes, apparues dans les 30 ou 50 dernières années notamment sous l'influence de la télévision (voir l'énorme influence des Guignols de l'Info), du cinéma, de la BD, parfois de la littérature...

Un exemple archi-connu est "à l'insu de mon plein gré". Mais il y en a d'autres dont je me demande parfois d'où ils peuvent bien sortir.
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Perkele
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Message par Perkele »

"Je suis tombé(e) dedans quand j'étais petit(e)" s'est aussi très répandu et peu se rendent compte que l'expression n'existait pas avant qu'on l'assène régulièrement à Obélix dans les albums d'Astérix le Gaulois. :D
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Jacques
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Message par Jacques »

Perkele : remarquable idée. Je publie depuis... une éternité des articles sur la langue française dans une revue locale gratuite dont je fus jadis le responsable (j'ai passé la main sur ce plan). Il sort six numéros par an, et je ne manque pas de mettre chaque année dans un numéro un texte sur l'origine de ces expressions. C'est un domaine qui me passionne. Alors je suis partant. Cyrano : je possède une édition publiée en 1995 du Dictionnaire des expressions et locutions de chez Robert. Ce qui veut dire que la maison a gardé la tradition. C'est un excellent ouvrage.
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Perkele
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Message par Perkele »

J'avais appris d'un de mes honorables professeurs l'étymologie d'un "remède de bonne fame", c'est-à-dire un remède de bonne réputation ainsi que de "Connaître ni des lèvres ni des dents", c'est-à-dire ni pour l'embrasser ni pour le mordre ou en core ni en bien ni en mal.

Cependant, lors d'une discussion sur un forum concurrent et néanmoins beaucoup plus laxiste, il s'était trouvé quelqu'un pour affirmer que ces versions n'étaient que complications et que les étymologies étaient beaucoup plus évidentes soit : "bonne femme" et "ni d'Eve ni d'Adam".

Je n'ai, depuis, pas trouvé de source qui confirme ou infirme cette remise en question. Je vous serais donc reconnaissante si de votre côté vous aviez quelque certitude.
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Jacques
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Message par Jacques »

Ne connaître ni des lèvres ni des dents c'est un canular, un calembour un peu tiré par les cheveux. L'expression « ni d'Ève ni d'Adam » fait probablement référence aux lignées maternelle et paternelle. C'est une image qui semble dire qu'en remontant les générations on ne trouve personne qui connaisse la personne. En ce qui concerne le remède, l'explication généralement retenue est qu'à l'origine l'expression était « de bonna fama », de bonne réputation, ce mot fama que l'on retrouve dans mal famé, « qui a mauvaise réputation ». Mais comme il se produit souvent, l'étymologie populaire s'en est mêlée et en a modifié la forme : traditionnellement, la médecine par les simples était l'apanage des femmes, qui, dans les campagnes, connaissaient les secrets des plantes. D'où le glissement vers « remède de bonne femme », traitement naturel appliqué par les femmes.
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Perkele
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Message par Perkele »

Mon prof a sans doute commis une faute d'érudition, alors. :D

On entend de plus en plus "un remède de grand-mère", sans doute parceque "bonne femme" semble un peu péjoratif... :roll:
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Jacques
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Message par Jacques »

Perkele a écrit :Mon prof a sans doute commis une faute d'érudition, alors. :D

On entend de plus en plus "un remède de grand-mère", sans doute parceque "bonne femme" semble un peu péjoratif... :roll:
C'était peut-être un pince-sans-rire ?
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cyrano
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Message par cyrano »

Perkele a écrit :"Je suis tombé(e) dedans quand j'étais petit(e)" s'est aussi très répandu et peu se rendent compte que l'expression n'existait pas avant qu'on l'assène régulièrement à Obélix dans les albums d'Astérix le Gaulois. :D
Oui, c'est comme "Ils sont fous, ces..." En principe: "ces Romains", mais on entend aussi des tas de variantes: Ils sont fous, ces Anglais, ces politiciens, ces profs...
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Perkele
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Message par Perkele »

Et (que Marco confirme ou infirme) la traduction italienne "Sono pazzi questi Romani" nous donne SPQR ! :D
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Marco
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Message par Marco »

Rien que pour vous, dame Perkele: SPQR. :D
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Message par Perkele »

Marco a écrit :Rien que pour vous, dame Perkele: SPQR. :D
Que de souvenirs !

Merci Marco, votre galanterie m'émeut. :D
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Message par Perkele »

Les fraises, dont on parle sur un autre fil, m'ont fait penser à l'expression "sucrer les fraises" qu'on explique souvent par la poudre qui tombait des perruques des vieillards tremblottants sur la fraise tuyautée qui ornait leur encolure.

Or, autant que je me souvienne, au temps où ces fraises étaient de mode, les perruques poudrées ne l'étaient pas.

Qu'en dites vous ?
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Jacques
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Message par Jacques »

Il n'y a pas de mystère, et le sens est pour une fois évident : sucrer les fraises, c'est être agité d'un tremblement nerveux et incontrôlé, par allusion à la main du vieillard qui tremble et rappelle le geste de celui qui sème le sucre sur les fruits. Par extension de sens, c'est être plus ou moins gâteux.
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Message par Perkele »

On aurait donc pu avoir, tout aussi bien "saler les frites".

Et d'ailleurs, pourquoi "avoir la frite" et "rester comme deux ronds de frite" ?

Et aussi, pourquoi "avoir une frite sur l'épaule" en anglais ?
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