non plus aussi

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Jacques
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Message par Jacques »

J'ai donné ces exemples, mais le parler dialectal des Ardennes remplaçait aussi l'imparfait dans des formes comme « je viendrais si je pourrais », et là comme vous le signalez nous sommes devant une énigme : pourquoi l'imparfait en français standard ? Remarquez qu'en anglais, on construit de la même façon avec ce mystérieux imparfait là où l'on attendrait le conditionnel (if I had et non if I would have). Le phénomène se produit donc en dehors des langues romanes.
Et la phrase de P'tit Gibus « Si j'aurais su j'aurais pas venu » était pour un Ardennais de mon enfance du « français normal ».
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Autre exemple en dehors des langues romanes : en breton, on utilise aussi le conditionnel (ma am bije gouezet, ne vijen ket deuet = si j'aurais su, j'aurais pas venu)
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
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Jacques
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Message par Jacques »

Jacques-André-Albert a écrit :Autre exemple en dehors des langues romanes : en breton, on utilise aussi le conditionnel (ma am bije gouezet, ne vijen ket deuet = si j'aurais su, j'aurais pas venu)
Il y a donc bien là un phénomène qui ne relève pas de la faute de construction, mais résulte d'une logique grammaticale propre à diverses familles linguistiques.
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Brazilian dude
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Message par Brazilian dude »

Est-ce véritablement une faute ? Dans le concept du français standard peut-être, mais n'en a-t-il pas été autrement jadis ? En tout cas, dans mes Ardennes natales, c'est ainsi que l'on parlait (j'utilise l'imparfait car je n'y suis pas retourné depuis longtemps) : il faudrait qu'il irait ; il aurait fallu qu'elle aurait venu... N'était-ce pas une survivance d'anciennes pratiques ? À moins qu'il ne s'agisse d'une construction héritée de l'ancien dialecte régional, avant l'adoption du dialecte francien comme langue nationale.
Même dans les bas quartiers de Paris où j'ai grandi, on n'usait pas de cette tournure. Et pourtant, la langue qu'on y pratiquait n'était pas académique.
Mes notions d'espagnol se sont estompées, mais j'ai l'impression que dans cette langue c'est la manière de dire, notamment dans une phrase commençant par si. Brasilian Dude nous éclairera peut-être.
En espagnol standard on dit haría falta que él fuera/fuese, habría hecho falta que él hubiera/hubiese venido, avec le verbe de la subordonné au subjonctif imparfait et le verbe de la principale au conditionnel. Pourtant, j'ai lit qu'il y a des personnes dans quelques régions qui disent haría falta que él vendría, habría hecho falta que él habría venido. Si ma mémoire ne me trompe pas, ce sont les basques qui parlent comme ça le plus souvent.
Brazilian dude
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Message par Brazilian dude »

Remarquez qu'en anglais, on construit de la même façon avec ce mystérieux imparfait là où l'on attendrait le conditionnel (if I had et non if I would have).
C'est vrai, mais en anglais pas standard, au moins aux États-Unis, on entend aussi If I would have had more money, I would have bought a bigger house, par exemple.
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Jacques
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Message par Jacques »

Voilà encore une preuve que dans certaines langues ou dans certains dialectes on ne marie pas le conditionnel avec l'imparfait de l'indicatif.
Ce n'est donc pas une faute.
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Brazilian dude
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Message par Brazilian dude »

Voilà encore une preuve que dans certaines langues ou dans certains dialectes on ne marie pas le conditionnel avec l'imparfait de l'indicatif.
Le français est exceptionnel dans cet aspect parmis les langues romanes. En espagnol, portugais, italien et catalan on a le subjonctif imparfait dans la subordonnée et le conditionnel dans la principale.

Portugais: (Eu) compraria uma casa se tivesse dinheiro.
Espagnol: (Yo) compraría una casa si tuviera/tuviese dinero.
Italien: (Io) comprerei una casa se avessi (dei) soldi/denaro.
Catalan: (Jo) compraria una casa si tingués diners.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Jacques a écrit :Voilà encore une preuve que dans certaines langues ou dans certains dialectes on ne marie pas le conditionnel avec l'imparfait de l'indicatif.
Ce n'est donc pas une faute.
Ce qu'on désigne sous le nom de faute est quelquefois ce qui s'écarte de la norme édictée par la bonne société, l'école, et cette norme peut varier au cours des âges ; le choix de l'auxiliaire, être ou avoir, avec les verbes d'action en est un bon exemple.
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Jacques
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Message par Jacques »

Je réponds à Brazilian dude : Ce qui pose la question « Pourquoi le français standard a-t-il adopté l'imparfait dans ces constructions ? » Autre question : est-ce une situation qui date des origines ou y a-t-il eu un changement à une certaine époque ?
En tout cas, cela confirme que, contrairement à ce que je croyais, dans ma région d'origine on ne déformait pas le français mais on utilisait une forme logique. Et pour reprendre vos exemples on disait : J'achèterais une maison si j'aurais de l'argent.
Dernière modification par Jacques le lun. 08 oct. 2012, 10:30, modifié 1 fois.
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Jacques
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Message par Jacques »

Jacques-André-Albert a écrit :
Jacques a écrit :Voilà encore une preuve que dans certaines langues ou dans certains dialectes on ne marie pas le conditionnel avec l'imparfait de l'indicatif.
Ce n'est donc pas une faute.
Ce qu'on désigne sous le nom de faute est quelquefois ce qui s'écarte de la norme édictée par la bonne société, l'école, et cette norme peut varier au cours des âges ; le choix de l'auxiliaire, être ou avoir, avec les verbes d'action en est un bon exemple.
Et la question qui nous est, qui m'est souvent posée de la désignation d'appartenance avec la préposition de, alors que jadis on utilisait à : la maison de mon père, la maison à mon père. Là encore on a bien vite fait de parler de faute alors qu'il s'agit d'une mutation.
Nous en revenons à l'hégémonie, au sectarisme de l'enseignement qui cataloguait comme faute tout ce qui n'entrait pas dans la norme édictée par l'école, souvent de façon arbitraire.
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Message par cyrano »

Jacques a écrit :Voilà encore une preuve que dans certaines langues ou dans certains dialectes on ne marie pas le conditionnel avec l'imparfait de l'indicatif.
Ce n'est donc pas une faute.
Là, vous me surprenez, Jacques!

Dire que le conditionnel est utilisé après "si" dans d'autres langues, que cette construction est en fait plus logique, qu'elle a pu être en usage en ancien français ou dans des dialectes de certaines régions de France... c'est une chose. Mais je répète qu'aujourd'hui, selon la norme qui prévaut en français moderne, c'est bel et bien une faute, qu'on le veuille ou non.

Tout enseignant doit par exemple la corriger s'il l'entend ou la lit de la part de ses élèves. On ne comprendrait pas qu'il la tolère pour des raisons historiques ou de grammaire comparative telles que celles que vous avancez.

Sinon, pourquoi ne pas accepter la graphie "éléfant", par exemple, sous prétexte que la plupart des autres langues utilisent un "f", que celui-ci est plus logique et qu'on disait "olifant" en ancien françis et dans certains dialectes?
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Jacques
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Message par Jacques »

cyrano a écrit :Dire que le conditionnel est utilisé après "si" dans d'autres langues, que cette construction est en fait plus logique, qu'elle a pu être en usage en ancien français ou dans des dialectes de certaines régions de France... c'est une chose. Mais je répète qu'aujourd'hui, selon la norme qui prévaut en français moderne, c'est bel et bien une faute, qu'on le veuille ou non.
Je pense que nous nous comprenons mal. Voyez la réponse de notre autre Jacques (JAA) : la faute est purement conventionnelle selon les normes du moment.
Quand je dis, et quand, je crois, il le pense avec moi, que ce n'est pas intrinsèquement une faute, c'en est une dans le concept actuel, mais pas dans la conception logique qui fut peut-être en français, et qui est encore dans d'autres langues.
Les règles sont comme les lois : ce qui est coupable à une époque ne l'est plus à une autre. En France, l'avortement fut longtemps considéré comme un crime, et aujourd'hui il est légal. Des médecins furent condamnés jadis pour l'avoir pratiqué, d'autres de nos jours ont été condamnés pour l'avoir refusé.
Il y a la faute absolue, caractérisée, parce qu'elle viole un principe fondamental, et celle qui est purement convenue selon la mode du moment.
J'ai cité un exemple : dire la maison à mon père, actuellement cela compte une faute parce qu'on doit dire « de mon père ». Il y a un siècle, c'était parfaitement licite.
Quand je dis « ce n'est pas fautif », je me place du point de vue du raisonnement quasi philosophique et non de celui des règles de grammaire en cours. C'est une contravention au code en vigueur, et non un péché contre la logique grammaticale.
Dernière modification par Jacques le lun. 08 oct. 2012, 12:08, modifié 1 fois.
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Brazilian dude
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Message par Brazilian dude »

Je réponds à Brazilian dude : Ce qui pose la question « Pourquoi le français standard a-t-il adopté l'imparfait dans ces constructions ?
Parce que es francophones trouvent le subjonctif imparfait trop compliqué.
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Jacques
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Message par Jacques »

Brazilian dude a écrit :
Je réponds à Brazilian dude : Ce qui pose la question « Pourquoi le français standard a-t-il adopté l'imparfait dans ces constructions ?
Parce que es francophones trouvent le subjonctif imparfait trop compliqué.
C'est une hypothèse logique.
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cyrano
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Message par cyrano »

Jacques a écrit :Quand je dis « ce n'est pas fautif », je me place du point de vue du raisonnement quasi philosophique et non de celui des règles de grammaire en cours. C'est une contravention au code en vigueur, et non un péché contre la logique grammaticale.
D'accord, je comprends mieux le raisonnement. Mais soyez conscient que seule la première conception est objectivable. La seconde est éminemment subjective: vous êtes visiblement attaché à cet usage du conditionnel après "si", sans doute parce que vous l'avez souvent entendu dans votre région quand vous étiez enfant et qu'il suscite ainsi votre indulgence, mais un autre, qui n'a pas les mêmes références subjectives, le condamnera comme une faute grossière.

Dans ce cas, je dirais plutôt "ce n'est pas condamnable" que "ce n'est pas fautif". De même que, si je reprends votre analogie avec le système légal, quelqu'un qui tolère la consommation de drogues douces doit dire qu'à son avis ce n'est pas grave, pas condamnable, que c'est admissible... mais il ne peut pas dire que c'est légal.
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