Voler

Avatar de l’utilisateur
Islwyn
Messages : 1492
Inscription : sam. 16 févr. 2013, 12:09
Localisation : Royaume-Uni (décédé le 9 mars 2018)

Message par Islwyn »

« Emmanuel Macron hérite d’une France en meilleure santé économique que François Hollande » (France24)
Je me serais attendu à « hérite une France... », et je me pose donc la question « il hérite quoi de la France ? »
Mais nous avons déjà vu que l'usage avec hériter peut laisser perplexe.
Quantum mutatus ab illo
Leclerc92
Messages : 3912
Inscription : jeu. 29 nov. 2012, 17:06

Message par Leclerc92 »

On aurait pu avoir :
Emmanuel Macron hérite de son prédécesseur une France en meilleure santé économique que... »

Mais quand il n'y a pas de COI désignant la personne dont on hérite, il est plutôt d'usage de mettre l'objet dont on hérite au cas indirect avec "de". C'est le cas de la phrase que vous citez.
Avatar de l’utilisateur
Yeva Agetuya
Messages : 1931
Inscription : lun. 22 juin 2015, 1:43

Message par Yeva Agetuya »

Je découvre cet "hériter" avec COD. C'est perturbant.

http://saintebible.com/1_corinthians/15-50.htm

http://www.question-orthographe.fr/ques ... que-chose/

D'un autre côté, si on a la forme "il lègue une maison", il est logique d'avoir symétriquement "il hérite une maison."
Avatar de l’utilisateur
Jacques-André-Albert
Messages : 4474
Inscription : dim. 01 févr. 2009, 8:57
Localisation : Niort

Message par Jacques-André-Albert »

Je ne comprends pas très bien votre questionnement. Diriez-vous : il hérite de son père d'une maison ?
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
Leclerc92
Messages : 3912
Inscription : jeu. 29 nov. 2012, 17:06

Message par Leclerc92 »

Je crois comprendre que c'est l'utilisation du COD seul, sans COI (ou COS) qui surprend, comme dans les versions anciennes de la Bible auxquelles le lien mentionné renvoie :

Comparer :
Ce que je dis, frères, c'est que la chair et le sang ne peuvent hériter le royaume de Dieu, et que la corruption n'hérite pas l'incorruptibilité.
et :
Or je dis ceci, freres, que la chair et le sang ne peuvent pas heriter du royaume de Dieu, et que la corruption non plus n'herite pas de l'incorruptibilite.

Il est exact que l'utilisation du COD seul dans la première traduction n'est pas un usage qu'on considère habituellement comme canonique. On préfère généralement, si le complément d'objet est seul, en faire un complément indirect comme dans la seconde version.
Avatar de l’utilisateur
Yeva Agetuya
Messages : 1931
Inscription : lun. 22 juin 2015, 1:43

Message par Yeva Agetuya »

Jacques-André-Albert a écrit :Je ne comprends pas très bien votre questionnement. Diriez-vous : il hérite de son père d'une maison ?
Tout à fait. C'est ce que j'ai toujours entendu.
André (G., R.)
Messages : 7437
Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22

Message par André (G., R.) »

Sous votre deuxième lien, Yeva Agetuya, quelques approximations !

Il y a effectivement un petit flottement historique dans la construction d’hériter. De nos jours, on hérite d’un COI lorsque le légataire n’est pas explicitement mentionné.
« Il hérita de grands biens fonciers. »

En revanche, si l’on précise ce dernier — sans doute pour mieux différencier les choses —, l’usage favorise clairement le transitif direct : On hérite un qqc. de qqn.
« Il hérita les grands biens fonciers de son oncle . »

En tout état de cause, l’accord du participe se fait selon le choix effectué.
« Il remboursa toutes les dettes dont il avait hérité . » ou « Il remboursa toutes les dettes qu’il avait héritées de son père. »
(mots mis en gras par moi)

« Hériter d'un COI » est audacieux !

Dans « Il hérita de grands biens fonciers », « de grands bien fonciers » peut être pris pour un COD ou pour un COI, selon que l'on considère ou non que la préposition de amène un partitif. On s'en rend compte lorsqu'on met le complément au singulier, où deux options s'offrent à vous :
• Il hérita un grand bien foncier,
• Il hérita d'un grand bien foncier.

Dans « Il hérita les grands biens fonciers de son oncle », « les grands biens fonciers de son oncle » est plutôt ressenti (au moins par moi !) comme un groupe nominal COD, à l'intérieur duquel « de son oncle » sera complément du nom « les grands biens fonciers ». Or l'auteur de ce texte voulait illustrer ainsi la possibilité qu'on a de dire « hériter quelque chose de quelqu'un », expression dans laquelle « de » n'introduit pas un complément de nom, mais un COI. N'importe quoi, si je puis dire !

« Hériter de son père d'une maison » me surprend beaucoup. « Hériter une maison », « une fortune »... se trouvant dans les dictionnaires, je ne vois pas pourquoi on s'en priverait.
Leclerc92
Messages : 3912
Inscription : jeu. 29 nov. 2012, 17:06

Message par Leclerc92 »

Yeva Agetuya a écrit :
Jacques-André-Albert a écrit :Je ne comprends pas très bien votre questionnement. Diriez-vous : il hérite de son père d'une maison ?
Tout à fait. C'est ce que j'ai toujours entendu.
Ah ? Moi, jamais ! Plutôt : il hérite de son père une maison.
Mais bien sûr :
Il hérite de son père.
Il hérite d'une maison.

Voire
Il hérite d'une maison de son père si de son père est complément du nom maison et non COI.
André (G., R.)
Messages : 7437
Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22

Message par André (G., R.) »

Leclerc92 a écrit :Voire
Il hérite d'une maison de son père si de son père est complément du nom maison et non COI.
C'est à peu près ce que j'indiquais dans ma précédente intervention !
Dans « Il hérita les grands biens fonciers de son oncle », « les grands biens fonciers de son oncle » est plutôt ressenti (au moins par moi !) comme un groupe nominal COD, à l'intérieur duquel « de son oncle » sera complément du nom « les grands biens fonciers ».
Avatar de l’utilisateur
Monsieur Pogo
Messages : 214
Inscription : ven. 08 août 2014, 14:32
Localisation : Trois-Rivières (Québec)

Message par Monsieur Pogo »

Si vous me permettez, en l'occurrence c'est simplement le registre qui distingue l'emploi du transitif direct d'avec le transitif indirect :

Registre courant

Trans. ind. : J'ai hérité des biens de mon père ;

Absolument : J'ai hérité ;


Registre soutenu (littéraire)

Trans. dir. : J'ai hérité les biens de mon père ;

Sans compl. direct. : J'ai reçu un héritage de mon père ; J'ai hérité de mon père ;


Au figuré : J'ai hérité de mon père ma folie ; J'ai hérité ces tares de mon père ;

.
La liberté de se soumettre est une perversion
Leclerc92
Messages : 3912
Inscription : jeu. 29 nov. 2012, 17:06

Message par Leclerc92 »

André (G., R.) a écrit :C'est à peu près ce que j'indiquais dans ma précédente intervention !
Oui et c'est au fond assez heureux. J'écrivais mon message au moment où le vôtre a été publié et je n'ai pas eu le courage d'annuler le mien après publication, me disant que bis repetita placent.
André (G., R.)
Messages : 7437
Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22

Message par André (G., R.) »

Effectivement, bis repetita placent !
Avatar de l’utilisateur
Monsieur Pogo
Messages : 214
Inscription : ven. 08 août 2014, 14:32
Localisation : Trois-Rivières (Québec)

Re: Voler

Message par Monsieur Pogo »

André (G., R.) a écrit :
Je considère le verbe voler désignant l'action du voleur.


[Mon surlignage]

Lorsque le voleur X a pris un objet, on dit, par exemple, qu'il a volé une bicyclette, et « une bicyclette » est le COD du verbe. Mettons que le propriétaire de la bicyclette est mon voisin : alors X a volé mon voisin, et « mon voisin » est pareillement le COD du verbe. Mais dans le premier exemple voler peut être remplacé par dérober, le voleur ayant emporté ladite bicyclette, tandis que dans le second dérober ne convient pas, mon voisin n'ayant pas été emmené par le voleur. Et l'on constate que voler ne peut évidemment pas s'employer en une seule proposition avec les deux COD : ou X a volé une bicyclette à mon voisin ou il a volé mon voisin d'une bicyclette. Si le COD est un nom de chose, on éprouve le besoin de savoir à qui la chose a été volée et si c'est un nom de personne, on se demande ce qui a été volé, mais il n'y a aucune obligation grammaticale à ce que ces renseignements soient fournis.
Qui connaît d'autres verbes se comportant ainsi ?
« Je considère le verbe voler désignant l'action du voleur. »

Dans le sens d'estimer, de juger

L'attribut du COD doit être introduit par comme ;

Considérer comme ;

Je considère le verbe voler comme désignant l'action du voleur.

Considérer que ;

Je considère que le verbe voler désigne l'action du voleur.

.
La liberté de se soumettre est une perversion
André (G., R.)
Messages : 7437
Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22

Message par André (G., R.) »

Le verbe considérer que j'ai utilisé là ne signifie pas estimer ou juger, mais prendre en considération, prendre en compte, examiner, s'occuper de... C'est d'ailleurs sa première acception : considero signifie en latin j'examine attentivement.

Notre langue possède deux verbes voler, l'un exprimant l'idée de déplacement en l'air, l'autre celle d'appropriation malhonnête*. J'ai voulu dire : je m'occupe du second, je considère celui qui exprime l'idée d'appropriation malhonnête ou : Je considère le verbe voler désignant l'action du voleur. Cette phrase peut être décomposée, en une première étape, en trois groupes fonctionnels : un sujet, un verbe et un COD (le verbe voler désignant l'action du voleur).

Si l'on examine le groupe COD dont je viens de parler (rien ne vous y oblige !), on voit qu'il comprend lui-même un nom de base (verbe), l'article s'y rapportant (le), l'infinitif mis en apposition au nom de base (voler) et un groupe participial (désignant l'action du voleur). Ce groupe participial est composé, quant à lui, du participe présent désignant et de son COD l'action du voleur, comprenant lui-même un nom de base, action, son article l' et un autre substantif, voleur, complément de ce nom de base, avec son article contracté** du.

* Le second dérive du premier.
** Il s'agit de la contraction de la préposition de et de l'article authentique le, mais ce n'est nouveau pour personne !
Avatar de l’utilisateur
Monsieur Pogo
Messages : 214
Inscription : ven. 08 août 2014, 14:32
Localisation : Trois-Rivières (Québec)

Message par Monsieur Pogo »

André (G., R.) a écrit :Le verbe considérer que j'ai utilisé là ne signifie pas estimer ou juger, mais prendre en considération, prendre en compte, examiner, s'occuper de... C'est d'ailleurs sa première acception : considero signifie en latin j'examine attentivement.

Notre langue possède deux verbes voler, l'un exprimant l'idée de déplacement en l'air, l'autre celle d'appropriation malhonnête*. J'ai voulu dire : je m'occupe du second, je considère celui qui exprime l'idée d'appropriation malhonnête ou : Je considère le verbe voler désignant l'action du voleur. Cette phrase peut être décomposée, en une première étape, en trois groupes fonctionnels : un sujet, un verbe et un COD (le verbe voler désignant l'action du voleur).

Si l'on examine le groupe COD dont je viens de parler (rien ne vous y oblige !), on voit qu'il comprend lui-même un nom de base (verbe), l'article s'y rapportant (le), l'infinitif mis en apposition au nom de base (voler) et un groupe participial (désignant l'action du voleur). Ce groupe participial est composé, quant à lui, du participe présent désignant et de son COD l'action du voleur, comprenant lui-même un nom de base, action, son article l' et un autre substantif, voleur, complément de ce nom de base, avec son article contracté** du.

* Le second dérive du premier.
** Il s'agit de la contraction de la préposition de et de l'article authentique le, mais ce n'est nouveau pour personne !
«Je considère le verbe voler désignant l'action du voleur.» = (Je considère le verbe voler qui désigne l'action du voleur.)

Ce que vous appelez un «groupe participial» est en l'occurrence une proposition subordonnée participe, puisqu'elle a un sujet distinct de la principale et que la forme verbale du participe présent «désignant» a un complément d'objet directe :

«Je considère» : prop. princ. ;

(Qu'est-ce qui considère? «Je», sujet du verbe «considère»)

«considère» ; v. tr.

«le verbe voler désignant l'action du voleur» : prop. sub. participiale compl. d'objet direct de la prop. princ. «Je considère» ;

(Qu'est-ce qui désigne ? «le verbe voler», sujet de «désignant»)

«l'action du voleur» : sub. adjective (valeur d'épithète adj.) compl. d'obj. dir. de «désignant» ;


 La prop. sub. part. se construit avec un signe de ponctuation qui l'a sépare du verbe de la prop. princ. et elle est mobile dans la phrase ; Or, n'est pas le cas de votre phrase ;

p. ex. La bouteille se vidant, il se saoulera = Il se saoulera, la bouteille se vidant.

Or, grammaticalement votre proposition n'est pas équivalente :

Je considère le verbe voler désignant l'action du voleur («verbe» sujet de «désignant») ≠ Désignant l'action du voleur je considère le verbe voler («Je» sujet de «désignant» et de «considère»)


Ainsi, la formulation suivante est plus heureuse : «Je considère le verbe voler qui exprime l'idée d'appropriation malhonnête»

…que celle-ci : «Je considère le verbe voler désignant l'action du voleur.»

Et encore serait-il préférable que vous annonciez clairement votre projet ; p. ex.: Je vais considérer ici le verbe voler qui exprime l'idée d'appropriation malhonnête.

Ceci dit, l'analyse n'est pas une fin, mais un moyen !
.
La liberté de se soumettre est une perversion
Répondre