Prolepse et anacoluthe

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Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

Je ne sais pas quel journal avait choisi la formulation visée dans l'article. Il y a des variantes nombreuses sur le sujet, dont certaines sont correctes :
Les plus riches ont une espérance de vie beaucoup plus importante que les plus modestes : l'écart est de 13 ans pour les hommes et de 8 ans pour les femmes.
https://www.lci.fr/societe/les-hommes-l ... 77976.html
Le graphique le plus parlant est celui qu'on trouve dans le Figaro :
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018 ... auvres.php
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Claude
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Message par Claude »

Avec le graphique du Figaro, je confirme qu'un croquis vaut mieux qu'un long discours :). Tout y est.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Dans un journal :
Hospitalisée, deux familles occupaient sa maison

Évidemment, dans un titre, en particulier de journal, on cherche souvent à concilier densité de l'information et brièveté. Mais il m'a fallu une seconde de réflexion !
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Claude
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Message par Claude »

Ce titre force les gens à lire l'article. :wink:
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Sur un autre fil, je cite le Larousse à propos de température ressentie : Elle est estimée en enlevant 2° C par tranche de 5 km/h de vitesse du vent...
« On l'estime en enlevant 2° C... » serait plus court et ne comporterait pas d'anacoluthe.
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Astragal
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Message par Astragal »

:info: Les deux messages ci-dessous proviennent du fil Ressentir.
André (G., R.) a écrit :[...]
Dommage que dans une phrase, sans s'en rendre compte, il dise le contraire de ce qu'il souhaite : Or la température qu'il y a sur le thermomètre n'est pas forcément celle que ressentent les gens sur place par temps venteux, elle est beaucoup plus basse (mots mis en gras par moi). Cette phrase signifie que la température indiquée par le thermomètre est inférieure à celle que ressentent les gens !
Leclerc92 a écrit :Le "elle" est mis non pour le sujet mais pour l'attribut, "celle que ressentent les gens". C'est une sorte d'anacoluthe, pas très heureuse, j'en conviens.
Si le mot elle est remplacé par qui ou laquelle, la construction serait-elle correcte ?
  1. [...] celle que ressentent les gens sur place par temps venteux, qui est beaucoup plus basse.
  2. [...] celle que ressentent les gens sur place par temps venteux, laquelle est beaucoup plus basse.
C’est très bien. J’aurai tout manqué, même ma mort. (Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac)
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Merci, Astragal, de veiller au grain !
Les deux phrases que vous proposez me semblent irréprochables. Je ne dirais même pas, d'ailleurs, que celle d'origine est incorrecte : pour moi, elle signifie autre chose que ce que veut lui faire dire son auteur.
Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

Tout à fait d'accord sur vos deux phrases, Astragal.
La phrase d'origine :
Or la température qu'il y a sur le thermomètre n'est pas forcément celle que ressentent les gens sur place par temps venteux, elle est beaucoup plus basse
peut être considérée comme une rupture de la construction naturelle où "elle" reprendrait le sujet, alors qu'ici "elle" reprend l'attribut. Dans ce sens, c'est une anacoluthe, mais au fond, peu importe la dénomination exacte ; c'est surtout une mauvaise phrase !
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Astragal
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Message par Astragal »

Merci pour vos réponses. :d
Bien que cette phrase soit mal construite, je pense qu'avec un peu de bon sens et de logique, la plupart des gens comprendront d'emblée ce que souhaitait dire son auteur.
C’est très bien. J’aurai tout manqué, même ma mort. (Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac)
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Monsieur Pogo
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Message par Monsieur Pogo »

La température ressentie est nettement plus basse que celle indiquée sur le thermomètre.

Or, la température ressentie est nettement plus basse que celle indiquée sur le thermomètre.

.
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Monsieur Pogo
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Message par Monsieur Pogo »

Variation sur le thème d'un titre accrocheur… En manchette, aujourd'hui :

« Assis sur ses toilettes, un rat surgit de la cuvette du WC et lui mord les fesses. »

Assis sur les toilettes, surgit un rat de la cuvette qui lui mordit les fesses

Assis sur les toilettes, un rat surgit de la cuvette qui lui mordit les fesses

Assis sur les toilettes, un rat surgit de la cuvette et lui mordit les fesses

Un rat surgit de la cuvette en mordant les fesses assises sur les toilettes…

Un rat surgit de la cuvette et mordit les fesses assises sur les toilettes…
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Monsieur Pogo
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Message par Monsieur Pogo »

André (G., R.) a écrit :Sans en être certain, j'imagine que pour « à frire » s'est passée la même chose que pour « pour maigrir ».
Mais la comparaison me gêne un peu en ce sens que les compléments de nom introduits par « à » ont toujours été assez nombreux, tandis que je n'ai pas réussi à trouver sur la Toile de site grammatical en mentionnant un seul qui serait constitué d'un infinitif amené par « pour » : les grammairiens semblent éviter (oublier ?) de considérer « pour maigrir » comme un authentique complément de nom dans « un médicament pour maigrir ». Or « pour aveugle » et « pour écran » remplissent forcément cette fonction dans « une canne pour aveugle » et « des lunettes pour écran ».
Nous savons bien aussi que la propriété a été et est encore parfois exprimée par « à » dans des tournures du genre « la bécane à Jules » ! Un autre sens de cette préposition, celui qu'on a dans « baraque à frites », « gant à huitres », « herbe à chat » « aiguille à tricot »..., a pu donner originellement une apparence de naturel à « la poêle à frire » « le gant à démaquiller », « l'aiguille à tricoter »...

Les deux citations que propose LITTRÉ comportent de magnifiques anacoluthes, une figure de style bien représentée dans la littérature, mais que le commun des mortels doit manier avec beaucoup de précautions, voire fuir, s'il veut être certain de respecter la grammaire... et de ne pas tomber dans le ridicule. Je pense à la phrase que je vous avais soumise ici il y a un an, chers cotélépapoteurs : « Assis sur ses toilettes, un rat surgit de la cuvette du WC et lui mord les fesses ».
Les prépositions «pour» et «à» marquent parfois des rapports de but, comme dans l'exemple «un médicament pour maigrir», ainsi que dans l'expression métonymique «une poêle à frire» (i.e. une poêle pour la friture).

.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Leclerc92 a écrit :La phrase d'origine :
Or la température qu'il y a sur le thermomètre n'est pas forcément celle que ressentent les gens sur place par temps venteux, elle est beaucoup plus basse
peut être considérée comme une rupture de la construction naturelle où "elle" reprendrait le sujet, alors qu'ici "elle" reprend l'attribut. Dans ce sens, c'est une anacoluthe, mais au fond, peu importe la dénomination exacte ; c'est surtout une mauvaise phrase !
Sur FNBL, mes interventions concernant l'anacoluthe sont nombreuses. Tant pis si l'on me trouve entêté ! Je n'aime pas que le lecteur soit induit en erreur, or je suis tout à fait persuadé qu'il ne comprendra plus rien à l'anacoluthe si on lui laisse entendre que le passage ci-dessus en comporte une.
Une anacoluthe est une rupture de construction, dans le sens que des éléments manquants rendent la tournure incorrecte aux yeux du grammairien qui souhaite l'analyser.

Considérons la phrase correcte En partant, j'ai constaté que les toits étaient blancs. Elle comporte le gérondif En partant, que l'on peut considérer comme intégré à la proposition principale j'ai constaté, et la subordonnée conjonctive que les toits étaient blancs.

Personne, je crois, ne peut nier avoir entendu des tournures du genre « En partant, les toits étaient blancs ». Mais, comme on le voit sous ce lien, Le gérondif est l'équivalent d'une subordonnée circonstancielle ayant même sujet que la principale (mots mis en gras par moi). La forme « En partant, les toits étaient blancs » supprime la principale d'origine, si bien que le gérondif ne peut plus avoir comme sujet que les toits, également sujet du nouveau verbe « principal », en réalité unique : or, d'une part on sait que l'auteur de la phrase anormalement réduite n'a pas voulu dire que les toits partaient et, de ce fait, on ignore maintenant, d'autre part, qui part : c'est en cela que consiste l'anacoluthe dans l'exemple que j'ai pris, qui ne rend évidemment pas compte de toutes les sortes d'anacoluthes, mais a peut-être l'avantage de montrer qu'au moins un mot doit faire défaut pour qu'il y en ait une.

Aucun mot ne manque dans « La température indiquée par le thermomètre n'est pas celle que ressentent les gens, elle est beaucoup plus basse »* : c'est grammaticalement correct et je cherche en vain quel ajout je pourrais effectuer pour rendre à ce passage le sens que son auteur avait à l'esprit. Je ne peux le faire qu'en remplaçant un mot d'origine : La température indiquée par le thermomètre n'est pas celle que ressentent les gens, qui est beaucoup plus basse**.

* Pour la démonstration, je simplifie la phrase.
** Toujours pour la démonstration, je ne crains pas la proximité des relatifs « que » et « qui ».
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

André (G., R.) a écrit :Sur un autre fil, je cite le Larousse à propos de température ressentie : Elle est estimée en enlevant 2° C par tranche de 5 km/h de vitesse du vent...
« On l'estime en enlevant 2° C... » serait plus court et ne comporterait pas d'anacoluthe.
Eh oui, même le Larousse !
Je me permets de reprendre cette phrase du dictionnaire pour montrer à nouveau que l'anacoluthe consiste dans l'absence d'un élément nécessaire grammaticalement : si l'on veut mettre en évidence la rupture de construction, donc éviter d'intervenir sur la structure, on doit ajouter là quelque chose comme « dans une opération qu'on fait » :
Elle est estimée dans une opération qu'on fait en enlevant 2° C par tranche de 5 km/h de vitesse du vent... : faut-il préciser qu'une telle phrase n'a d'autre but que celui de la démonstration et qu'il est bien préférable d'utiliser estimer à l'actif quand on veut éviter l'anacoluthe ?

Soit la phrase
Il ne fait jamais ce qu'on lui demande.
Elle comporte la principale
Il ne fait jamais ce
et la subordonnée relative
qu'on lui demande.
Il ne viendrait à l'idée de personne d'y supprimer le pronom démonstratif ce, remplacé par qu' dans la subordonnée.

Pourtant on procède ainsi dans une phrase très proche :
Il ne va jamais où on lui dit d'aller.
Principale : Il ne va jamais
Subordonnée : où on lui dit d'aller.
Comme « qu' », « où » est un pronom relatif (nous avons tous récité par cœur « qui, que, quoi, dont, où »). Or on ne trouve dans la principale qui le précède aucun équivalent du démonstratif « ce ». C'est en cela que consiste l'anacoluthe. Je la supprime ainsi : Il ne va jamais où on lui dit d'aller, ou de cette manière : Il ne va jamais à l'endroit où on lui dit d'aller. Mais on l'a vu plus d'une fois : la formulation sans « là » ou « à l'endroit » n'est presque plus ressentie comme fautive : « où » vaut « là où ».
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Monsieur Pogo
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Message par Monsieur Pogo »

André (G., R.) a écrit :
André (G., R.) a écrit :Sur un autre fil, je cite le Larousse à propos de température ressentie : Elle est estimée en enlevant 2° C par tranche de 5 km/h de vitesse du vent...
« On l'estime en enlevant 2° C... » serait plus court et ne comporterait pas d'anacoluthe.
Eh oui, même le Larousse !
Je me permets de reprendre cette phrase du dictionnaire pour montrer à nouveau que l'anacoluthe consiste dans l'absence d'un élément nécessaire grammaticalement : si l'on veut mettre en évidence la rupture de construction, donc éviter d'intervenir sur la structure, on doit ajouter là quelque chose comme « dans une opération qu'on fait » :
Elle est estimée dans une opération qu'on fait en enlevant 2° C par tranche de 5 km/h de vitesse du vent... : faut-il préciser qu'une telle phrase n'a d'autre but que celui de la démonstration et qu'il est bien préférable d'utiliser estimer à l'actif quand on veut éviter l'anacoluthe ?

Soit la phrase
Il ne fait jamais ce qu'on lui demande.
Elle comporte la principale
Il ne fait jamais ce
et la subordonnée relative
qu'on lui demande.
Il ne viendrait à l'idée de personne d'y supprimer le pronom démonstratif ce, remplacé par qu' dans la subordonnée.

Pourtant on procède ainsi dans une phrase très proche :
Il ne va jamais où on lui dit d'aller.
Principale : Il ne va jamais
Subordonnée : où on lui dit d'aller.
Comme « qu' », « où » est un pronom relatif (nous avons tous récité par cœur « qui, que, quoi, dont, où »). Or on ne trouve dans la principale qui le précède aucun équivalent du démonstratif « ce ». C'est en cela que consiste l'anacoluthe. Je la supprime ainsi : Il ne va jamais où on lui dit d'aller, ou de cette manière : Il ne va jamais à l'endroit où on lui dit d'aller. Mais on l'a vu plus d'une fois : la formulation sans « là » ou « à l'endroit » n'est presque plus ressentie comme fautive : « où » vaut « là où ».
Ce «où» n'est pas un pronom relatif mais un adverbe de lieu, dans la phrase que vous citez en exemple «Il ne va jamais où on lui dit d'aller.». Elle ne présente donc aucune discontinuité.

L'adverbe de lieu «où» est pronom relatif s'il a un antécédent qui le précède.

Ainsi, il ne devient pronom relatif que dans la phrase révisée :

«Il ne va jamais là où on lui dit d'aller»
.
La liberté de se soumettre est une perversion
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