Prolepse et anacoluthe

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André (G., R.)
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Re: Prolepse et anacoluthe

Message par André (G., R.) »

Les enfants donnent cinq euros à leur petite sœur pour (qu'elle puisse) s'acheter des bonbons.
Les enfants sont confiés à la jeune fille par leur mère pour (que cette dernière puisse) se prostituer.

Selon que chacune de ces deux phrases contient ou non « qu'elle puisse » (ou « que cette dernière puisse »), on n'a pas affaire ou l'on a affaire à une anacoluthe. Mais... comment dire ? L'anacoluthe, aussi fautive grammaticalement dans l'une et l'autre, me paraît un peu — très légèrement — moins gênante avec le passif « sont confiés » : on sait qu'il s'agit là d'une action de la mère, que concerne aussi « se prostituer ».
André (G., R.)
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Re: Prolepse et anacoluthe

Message par André (G., R.) »

Un Réunionnais récolteur de plantes médicinales : Des lobbys pharmaceutiques m'ont proposé des milliers d'euros pour bosser avec eux. Pour que j'accepte de bosser...
Si cet homme « bossait » avec les lobbys pharmaceutiques, ces mêmes lobbys « bosseraient » avec lui ! Une autre manière de mettre l'anacoluthe en valeur et d'améliorer la phrase, sans l'allonger, consisterait donc à dire :

Des lobbys pharmaceutiques m'ont proposé des milliers d'euros pour bosser avec moi.

Ainsi, ce sont les lobbys qui proposent l'argent et c'est eux qui bossent : en grammaire stricte, le sujet du verbe à l'infinitif après « pour » doit être identique à celui du verbe qui amène l'infinitive. Infinitive de but en la circonstance, mais la règle vaut aussi pour l'infinitif introduit par « sans », « au lieu de »... : « Le laboratoire* pharmaceutique X ne propose pas d'argent sans bosser avec lui » gêne autant le grammairien scrupuleux que la phrase du Réunionnais. Sans qu'on accepte de bosser avec lui, ou bien : sans exiger de bosser avec vous.

_____________________________________________
* « Lobby » ne convient peut-être pas parfaitement.
André (G., R.)
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Re: Prolepse et anacoluthe

Message par André (G., R.) »

Le kyste de la chirurgienne !
Sur un réseau social, une patiente écrit : Ayant émis le souhait de pouvoir avoir des enfants sans difficultés, la chirurgienne à préférer (sic) tenter de retirer les saignements en laissant le kyste, pour sauver l'organe.
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Perkele
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Re: Prolepse et anacoluthe

Message par Perkele »

Elle est très adroite pour s'opérer elle-même ; sans compter que "retirer" des saignements c'est très fort.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
André (G., R.)
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Re: Prolepse et anacoluthe

Message par André (G., R.) »

Soit la phrase : Pierre s'est marié à l'âge de trente ans. Elle comporte un sujet, Pierre, un verbe, s'est marié, et un complément de temps de ce verbe, à l'âge de trente ans, répondant à la question Quand Pierre s'est-il marié ? Tout cela fait le bonheur du grammairien traditionnel !

Beaucoup d'avis mortuaires se présentent sous les formes : Nous vous informons du décès de Pierre DUPONT, à l'âge de quatre-vingts ans, ou : Nous vous informons du décès de Pierre DUPONT, survenu à l'âge de quatre-vingts ans. Quand vous informons-nous ? À l'âge de quatre-vingts ans ?!

Toutefois, c'est évidemment parfaitement compréhensible. L'est moins le fait qu'on oublie en pareil cas la tournure non anacoluthique et un peu plus concise (malgré un nombre égal de syllabes prononcées) : Nous vous informons du décès de Pierre DUPONT, âgé de quatre-vingts ans.

La mise en évidence de la rupture de construction est simple... mais pléonastique : Nous vous informons du décès de Pierre DUPONT, mort à l'âge de quatre-vingts ans.
André (G., R.)
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Re: Prolepse et anacoluthe

Message par André (G., R.) »

Je reviens sur la phrase Nous vous informons du décès de Pierre DUPONT, survenu à l'âge de quatre-vingts ans.
Là, on peut demander non pas « Quand vous informons-nous ? » mais « Quand le décès est-il survenu ? ». On se rend alors compte que conviendrait une réponse comme « Hier ».
André (G., R.)
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Re: Prolepse et anacoluthe

Message par André (G., R.) »

Les féminisations peuvent atténuer les ambiguïtés des anacoluthes !
Dans mon journal : Professeure de lettres, férue d'actualité et de cuisine, son célèbre ourson est né dans les années 1975,...
Si l'auteure de Petit ours brun, Claude LEBRUN, décédée récemment, avait été un homme, on aurait pu voir un enseignant dans son personnage : Professeur de lettres, féru d'actualité et de cuisine, son célèbre ourson est né dans les années 1975,...

Sans rapport avec les anacoluthes : je sais ce que sont les années quatre-vingts, réparties, pour le siècle dernier, de 1980 à 1989 ; je n'aime pas « les années 1975 » qui vaut en réalité « les années 1975 et suivantes ».
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Claude
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Re: Prolepse et anacoluthe

Message par Claude »

André (G., R.) a écrit : mer. 25 sept. 2019, 10:23 [...]
Si l'auteure de Petit ours brun, Claude LEBRUN, décédée récemment, avait été un homme, [...]
Promis-juré, je suis un homme.
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Leclerc92
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Re: Prolepse et anacoluthe

Message par Leclerc92 »

André (G., R.) a écrit : mer. 25 sept. 2019, 10:23l'auteure de Petit ours brun, Claude LEBRUN,
À ne pas confondre avec Samivel, l'auteur de Brun l'Ours qui avait enchanté ma jeunesse. J'ai relu récemment cet album et ai été effaré de la difficulté de son vocabulaire. Le bonheur des enfants est qu'ils peuvent lire sans tout chercher à comprendre.
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André (G., R.)
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Re: Prolepse et anacoluthe

Message par André (G., R.) »

:d
Vous portez effectivement un prénom épicène !
Mais... notre auteure (ou : autrice) n'aurait-elle pas dû s'appeler LABRUNE ? :d
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Re: Prolepse et anacoluthe

Message par André (G., R.) »

Professeure de lettres, férue d'actualité et de cuisine, son célèbre ourson est né dans les années 1975,...
Il est difficile d'illustrer élégamment la rupture de construction, je ne vois guère, pour conserver les éléments originels, que : Professeure de lettres, férue d'actualité et de cuisine, Claude LEBRUN est connue pour le fait que son célèbre ourson est né dans les années 1975,... Lamentable !
Il aurait été si simple d'écrire : Professeure de lettres, férue d'actualité et de cuisine, elle a créé son célèbre ourson dans les années 1975...
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Perkele
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Re: Prolepse et anacoluthe

Message par Perkele »

Je recommande toujours d'éliminer "le fait que" de son langage.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Re: Prolepse et anacoluthe

Message par André (G., R.) »

À l'approche des frimas, un journaliste se veut de bon conseil avec ce titre : Pour passer l'hiver, on paille le potager
Si la mort guette ceux qui négligent le paillage, il y a de quoi s'inquiéter bien davantage qu'à l'arrivée de la canicule !
Une phrase comme « Pour qu'il puisse passer l'hiver, on paille le potager » ne comporte plus la rupture de construction. Mais « Pour l'hiver, on paille le potager » aurait-il été trop simple ?!
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Claude
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Re: Prolepse et anacoluthe

Message par Claude »

Encore plus simple en n'ayant pas de potager. :lol:
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Re: Prolepse et anacoluthe

Message par Yeva Agetuya »

André (G., R.) a écrit : mar. 30 juil. 2019, 8:56 Un Réunionnais récolteur de plantes médicinales : Des lobbys pharmaceutiques m'ont proposé des milliers d'euros pour bosser avec eux. Pour que j'accepte de bosser...
Si cet homme « bossait » avec les lobbys pharmaceutiques, ces mêmes lobbys « bosseraient » avec lui ! Une autre manière de mettre l'anacoluthe en valeur et d'améliorer la phrase, sans l'allonger, consisterait donc à dire :

Des lobbys pharmaceutiques m'ont proposé des milliers d'euros pour bosser avec moi.

Ainsi, ce sont les lobbys qui proposent l'argent et c'est eux qui bossent : en grammaire stricte, le sujet du verbe à l'infinitif après « pour » doit être identique à celui du verbe qui amène l'infinitive. Infinitive de but en la circonstance, mais la règle vaut aussi pour l'infinitif introduit par « sans », « au lieu de »... : « Le laboratoire* pharmaceutique X ne propose pas d'argent sans bosser avec lui » gêne autant le grammairien scrupuleux que la phrase du Réunionnais. Sans qu'on accepte de bosser avec lui, ou bien : sans exiger de bosser avec vous.
Le problème vient plutôt de l'emploi d'"avec". En général, on travaille pour une entreprise.
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