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Merle-moqueur
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Message par Merle-moqueur »

Bonjour à tous.
Tout d'abord, navré d'un titre si peu explicite, j'ai les idées confuses ; faute d'efficacité, je vais au plus simple.
Depuis quelques jours je m'entête à l'élaboration d'un procédé - que j'imagine être un exercice de style, d'où cette localisation sur le forum - qui répondrait à l'énoncé suivant :

une phrase qui verrait son sens inversé avec l'inversion des syllabes la composant.

Je m'explique : il s'agit d'une utilisation sophistiquée du verlan, que je pense être une forme d'argot, et qui donna naissance au mot "keuf", pour "ke-fli", pour "fli-ke" (flic) ; ou encore le sempiternel "ci-mer" qui pollue mon niveau de langue par trop d'habitude. J'espère, vu ma piètre description du-dit verlan, que celle-ci fut superflue.

Mon exemple (unique, las!) est celui-ci:

"De beaux corps se croient..."

sous-entendant :

"Deux corbeaux croassent..."

Je suppose que l'utilisation du code phonétique m'aurait facilité la tâche dans cette explication ; j'espère m'être fait comprendre. À présent, j'aimerai votre avis personnel sur cette idée : est-elle selon vous digne d'intérêt ? Si oui, je peine à nommer ce procédé, et donc à y faire référence efficacement, auriez-vous une idée de la manière logique de le désigner ?

Merci d'avance.
"Or, s'élançant vers de meilleures eaux,
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Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

C'est à la fois une sorte de métathèse et une sorte de contrepèterie. Je l'appellerais donc une contrepèterie métathétique !
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

« De beaux corps se croient... » et « Deux corbeaux croassent » ne comportent, me semble-t-il, aucune altération de mot. Or on a des métathèses dans « pestacle », « aéropage », « astérixe », formes incorrectes de « spectacle », « aréopage », « astérisque »...
Quant aux contrepèteries, Merle-moqueur, ne m'en veuillez pas si je vous dis qu'elles sont approximatives : « de » et « deux » sont différents oralement, « cro », de croassent, n'a pas son correspondant exact dans la première phrase, alors que « se », dans cette même première phrase, ne se retrouve pas entièrement dans la seconde (sauf dans le Midi, mais alors le nombre de syllabes fera difficulté).
En qualifiant votre exercice de style de calembour, on risque peu de se tromper.
Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

André (G., R.) a écrit :« De beaux corps se croient... » et « Deux corbeaux croassent » ne comportent, me semble-t-il, aucune altération de mot.
Une métathèse est une permutation de deux phonèmes dans la chaîne parlée (Larousse). Elle est généralement considérée dans un seul mot, mais ne peut-on étendre le procédé à plusieurs mots ?*** Il y a bien une permutation de phonèmes dans la chaîne parlée entre "beaux corps" et "corbeaux" ainsi qu'entre "se croient" et "croassent".


***La métathèse est une figure de diction et un métaplasme. Elle consiste dans l'inversion de deux phonèmes ou de deux syllabes à l'intérieur d'un mot ou d'un groupe de mots.
http://monsu.desiderio.free.fr/curiosit ... these.html
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Une métathèse, me semble-t-il, ne conduit pas vers un autre mot attesté : lorsqu'on est passé de « formage » à « fromage », « fromage » n'existait pas, mais il s'est substitué à « formage », qui a lui-même disparu. Rien de comparable lorsqu'on passe de « beaux corps » à « corbeaux » : ce jeu de mots ne peut être comparé à la métathèse historique, qui concerne l'évolution des mots, leur étymologie. Il ne peut être comparé non plus à la langue qui fourche pour transformer « spectacle » en « pestacle ».
Par ailleurs, c'est la première fois que j'entends parler de métathèse portant sur plusieurs mots. Les exemples de telles métathèses pourraient être rares, mais je n'en sais rien.
Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

Je considère, peut-être à tort, que la métathèse décrit une simple permutation de phonèmes, indépendamment des raisons de cette permutation. Les raisons peuvent être liées à l'histoire des mots, comme celles que vous semblez exclusivement considérer, ou purement ludiques, comme dans l'exemple de Merle-moqueur.
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Merle-moqueur
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Message par Merle-moqueur »

Bonsoir. Merci de vos réponses, je découvre comme d'habitude des mots et leurs significations.

Je n'avais jamais vu le verlan, qui est un code populaire oral, comme une possible contrepèterie. Cependant, et sans vouloir polémiquer, je me demande à partir de quel laps de temps s'inscrit dans l'histoire une évolution du langage, si obscure soit-elle ? En 1977, Renaud chantait Laisse béton, ce qui est bel et bien du verlan. Il ne serait pas exclu que ce code transparaisse dans les productions littéraires de ma génération aussi.

Je ne suis pas froissé à l'idée du simple calembour, mais il me semble que ce serait réducteur vis-à-vis de l'énoncé. L'inversion des phonèmes que représente le procédé argotique du verlan me semble bien être une métathèse. Cependant qu'en est-il de l'inversion du sens, de la symbolique ?

(De plus j'aimerais préciser que le procédé dont nous parlons est sensé être implicite, la seconde proposition n’apparaîtrait pas, et le jeu de mots n'en serait que suggéré. Je me navre de n'avoir à vous proposer que cet exemple pour illustrer cette idée floue.)
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Perkele
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Message par Perkele »

Le verlan n'est pas une nouveauté ; dans les années 1950 j'ai souvent entendu ma tante (de Paname) s'écrier "Il est ouf ce mec !"

Et, si je me souviens bien, coder le langage en inversant les syllabes pourrait remonter très loin dans le temps. (Parce que tout argot n'avait pour but que d'échanger des informations sans être compris de la police et des "gens de bien".

Le fait est que jusque dans les années 1980, l'argot n'avait pas pénétré le langage courant. J'accuse volontiers la chaîne de télévision Canal Plus d'avoir promu un langage relâché qui, certes en décontractant la communication audiovisuelle, a sérieusement appauvri la langue française.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Merle-moqueur
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Message par Merle-moqueur »

Dans les années 50 dites-vous ? Si tôt, je ne m'en serais jamais douté.

Pour ce qui est du petit écran, c'est un sujet que je trouve sociologiquement digne d'intérêt ; notamment si on fait un lien entre le divertissement pur et la promotion du langage des voleurs. Mais ne blâmer que le petit serait peut-être laisser le grand un peu trop tranquille, je pense : un Michel Audiard faisait, de mémoire, beaucoup appel à l'argot. Je pense que c'est l'image du bandit qui s'est popularisée, outre son langage.

En revanche, faute de m'attrister du relâchement général du niveau de langue, je le vois comme une évolution ; avec toute la neutralité que ce terme implique. (Au risque de politiser par mégarde mon propos, je trouve tout aussi intéressant ce que l'on pourrait retenir de nos chefs d'état lors de leurs respectives glissades orales ; l'exemple des exemples.)

(Je viens de voir votre remarque sur le Midi, André, il est amusant de constater que vous touchez juste : je prononce bel et bien ce "e" final avec une certaine insistance.)
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Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

La technique générale du verlan est très ancienne, mais la forme particulière qu'il a prise de nos jours ne date que de l'après-guerre et s'est développée assez lentement au début. Cf.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Verlan
Je suis très étonné de la précocité langagière de votre tante, Perkele. Quoique parisien, je n'ai entendu mon premier "ouf" de verlan que beaucoup, beaucoup plus tard. Peut-être était-ce chez votre tante une création originale qu'il faut saluer ?
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

En 1969, j'ai entendu du verlan dans la bouche d'un jeune de banlieue parisienne, lors d'un week-end entre lycéens. C'était ma première rencontre avec cet argot.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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Perkele
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Message par Perkele »

Leclerc92 a écrit :La technique générale du verlan est très ancienne, mais la forme particulière qu'il a prise de nos jours ne date que de l'après-guerre et s'est développée assez lentement au début. Cf.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Verlan
Je suis très étonné de la précocité langagière de votre tante, Perkele. Quoique parisien, je n'ai entendu mon premier "ouf" de verlan que beaucoup, beaucoup plus tard. Peut-être était-ce chez votre tante une création originale qu'il faut saluer ?
Je crois qu'elle fréquentait un milieu peu recommandable quand mon once l'a rencontrée à la fin de la guerre. :?

Grâce à elle je n'ai jamais eu de peine à lire les San Antonio ;)
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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