Citations et extraits

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abgech
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Citations et extraits

Message par abgech »

Je suis un grand lecteur.

Comme tout lecteur, j'aime à partager les textes qui m'amusent, m'émeuvent ou dont j'aime le style.
Pourquoi ne pas créer une discussion où nous ferions de courtes citations de textes que l'on apprécie ?

J'ouvre les feux avec Jules Renard et ses "Histoires naturelles", texte que je relis, toujours avec plaisir, pour la x-ième fois.

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LE CHAT
On lui dit : "Prends les souris et laisse les oiseaux !"
C'est bien subtil, et le chat le plus fin quelquefois se trompe.
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LE BŒUF
Au soleil qui se couche, les bœufs traînent par le pré, à pas lents, la herse légère de leur ombre.
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L'ÂNE
Le lapin devenu grand.
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LES MOUTONS : Mée... Mée... Mée...
LE CHIEN DE BERGER : Il n'y a pas de mais !
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LE PAPILLON
Ce billet doux plié en deux cherche une adresse de fleur.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Le coup passa si près que le chapeau tomba
Et que le cheval fit un écart en arrière.
« Donne-lui tout de même à boire », dit mon père.

(Victor HUGO, trois derniers vers d'Après la bataille, La Légende des siècles, poème proposé par Jean ORIZET dans son anthologie Les cent plus beaux poèmes de la langue française, que j'ai enregistrée)


Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise : « Ils ont aimé ! »

(Alphonse de LAMARTINE, dernière strophe du Lac, Harmonies poétiques et religieuses, poème proposé par Jean ORIZET dans son anthologie Les cent plus beaux poèmes de la langue française)
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Je trouve excellente l'idée de partager ici ses impressions de lecture.
Il faut toutefois admettre que tout ce qu'on lit ne se prête pas à cela. Et que certains peuvent être gênés à la perspective de ne pas être en mesure de proposer de passage intéressant ou à celle de révéler leurs habitudes en la matière.
Je commence l'enregistrement du Théâtre de Slávek, d'Anne DELAFLOTTE MEHDEVI, de qui je n'avais jamais entendu parler il y a une semaine. Son style me plaît bien : Entre deux explorations que je faisais avec lui*, avaient poussé à ce palais, à cette église amendée de la mode du jour, des statues de Titans, des mourants contorsionnés, des vierges pâmées, des anges. D'éteinte, austère, Prague** se relevait d'un sommeil qui avait duré cent ans, se parait de dorures, de couleurs. Ma ville revenait au monde juste comme je venais d'y entrer. Garçon choyé et présomptueux, je croyais que tout ce théâtre, c'était pour moi.

* Le père du narrateur.
** Au XVIIIe siècle.
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abgech
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Message par abgech »

C'est d'un poète-chansonnier vaudois, qui a fait une grande partie de sa carrière à Paris, dont j'aimerais parler : Jean Villard-Gilles.

Ami de J. Prévert, de J. Kosma, il collabore avec H.G. Clouzot, il écrit des chansons, plus de trois cents, pour E. Piaf, Les Compagnons de la chanson, les Frères Jacques, J. Gréco, les Quatre Barbus, etc.
Les plus connues : "les trois cloches" (reprise par R. Charles aux USA et devenue incontournable), *Dollar", "À l'enseigne de la fille sans cœur"...
Bref, un bon vaudois qui a inspiré une grande partie du cabaret style "rive-gauche" parisien.

Aujourd'hui, je voudrais mettre en lumière un texte régionaliste :

-------
On a un bien joli canton :
des veaux, des vaches, des moutons,
du chamois, du brochet, du cygne ;
des lacs, des vergers, des forêts,
même un glacier, aux Diablerets ;
du tabac, du blé, de la vigne,
mais jaloux, un bon Genevois
m’a dit, d’un petit air narquois :
– Permettez qu’on vous interroge :
Où sont vos fleuves, franchement ?
Il oubliait tout simplement
la Venoge !
Un fleuve ? En tout cas, c’est de l’eau
qui coule à un joli niveau.
Bien sûr, c’est pas le fleuve Jaune
mais c’est à nous, c’est tout vaudois,
tandis que ces bons Genevois
n’ont qu’un tout petit bout du Rhône.
C’est comme : «Il est à nous le Rhin !»
ce chant d’un peuple souverain,
c’est tout faux ! car le Rhin déloge,
il file en France, aux Pays-Bas,
tandis qu’elle, elle reste là,
la Venoge !
Faut un rude effort entre nous
pour la suivre de bout en bout ;
tout de suite on se décourage,
car, au lieu de prendre au plus court,
elle fait de puissants détours,
loin des pintes, loin des villages.
Elle se plaît à traînasser,
à se gonfler, à s’élancer
– capricieuse comme une horloge –
elle offre même à ses badauds
des visions de Colorado !
la Venoge !
En plus modeste évidemment.
Elle offre aussi des coins charmants,
des replats, pour le pique-nique.
Et puis, la voilà tout à coup
qui se met à fair’ des remous
comme une folle entre deux criques,
rapport aux truites qu’un pêcheur
guette, attentif, dans la chaleur,
d’un œil noir comme un œil de doge.
Elle court avec des frissons.
Ça la chatouille, ces poissons,
la Venoge !
Elle est née au pied du Jura,
mais, en passant par La Sarraz,
elle a su, battant la campagne,
qu’un rien de plus, cré nom de sort !
elle était sur le versant nord !
grand départ pour les Allemagnes !
Elle a compris ! Elle a eu peur !
Quand elle a vu l’Orbe, sa sœur
– elle était aux premières loges –
filer tout droit sur Yverdon
vers Olten, elle a dit : «Pardon !»
la Venoge !
«Le Nord, c’est un peu froid pour moi.
J’aime mieux mon soleil vaudois
et puis, entre nous : je fréquente !»
La voilà qui prend son élan
en se tortillant joliment,
il n’y a qu’à suivre la pente,
mais la route est longue, elle a chaud.
Quand elle arrive, elle est en eau
– face aux pays des Allobroges –
pour se fondre amoureusement
entre les bras du bleu Léman,
la Venoge !
Pour conclure, il est évident
qu’elle est vaudoise cent pour cent !
Tranquille et pas bien décidée.
Elle tient le juste milieu,
elle dit : «Qui ne peut ne peut !»
mais elle fait à son idée.
Et certains, mettant dans leur vin
de l’eau, elle regrette bien
– c’est, ma foi, tout à son éloge –
que ce bon vieux canton de Vaud
n’ait pas mis du vin dans son eau…
la Venoge !

-------

Le texte est encore plus savoureux lorsqu'il est dit par l'auteur, avec l'accent et l'intonation qui conviennent :
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Une petite merveille !
Pour un Français de l'Ouest, et à l'époque de la mondialisation, la Romandie n'est pas forcément constituée d'habitants et de territoires très différents les uns des autres : Jean VILLARD-GILLES nous rappelle, avec humour et bienveillance, qu'un Vaudois n'est pas un Genevois et que le canton de Vaud n'est pas celui de Genève !
Bon, le texte date de 1954. Il illustre aussi l'évolution du français universel, avec l'emploi intransitif, par exemple, de « fréquenter », avoir une relation sentimentale : bien que très jeune alors, je me rappelle l'avoir entendu à l'époque, et plus tard, dans le même sens. Et on y trouve confirmation qu'en arpitan (franco-provençal) les z finaux ne sont pas prononcés dans les toponymes : La Sarraz rime avec Jura.
Merci, abgech.
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Claude
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Message par Claude »

Je ne suis pas très sensible à la poésie (et je le regrette) mais celle-ci m'a plu.
Techniquement j'ai remarqué le cycle des rimes :
- 1
- 1
- 2
- 3
- 3
- 2
et on recommence. :wink:
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Claude
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Message par Claude »

André (G., R.) a écrit :[...] Et on y trouve confirmation qu'en arpitan (franco-provençal) les z finaux ne sont pas prononcés dans les toponymes : La Sarraz rime avec Jura. [...]
Ainsi que du côté des Alpes françaises : Avoriaz, La Clusaz, La Forclaz...
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abgech
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Message par abgech »

Effectivement, André(G.,R.) les cantons suisses sont très différents les uns des autres, même entre ceux partageant la même langue.
Ils ont une histoire différente, par exemple Genève était une cité-État qui a rejoint la Suisse en 1815.
Le canton de Vaud était une colonie de Berne, devenue indépendante en 1798, avant de rejoindre la Suisse en 1803.
Autre exemple, Neuchâtel, il fut à la fois une principauté dont le prince était le roi de Prusse et un canton suisse dès 1814. Cela a failli être la cause d'une guerre entre la Suisse et la Prusse en 1856, les Neuchâtelois ne voulait plus des prussiens. La guerre a été évitée grâce à Napoléon III (il avait la nationalité suisse, chose peu connue en France je crois) il a persuadé les Prussiens de renoncer à Neuchâtel. Pour ceux que cette curieuse histoire intéressent : https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_de_Neuchâtel

Contrairement à ce que l'on pourrait penser de prime abord, l'histoire suisse est très riche.


Genevois, j'avais pensé, dans mon message initial, mentionner que je n'en voulait pas à Gilles de se moquer gentiment des Genevois dans son texte (ironie qui serait parfois méritée), mais à la réflexion, je me suis dit que je ne pouvais pas écrire quoi que ce soit après avoir entendu la Venoge (à Genève, on mettrait au moins 3 accents circonflexes sur le o).

Claude, l'arpitan occupe une très grande aire : Suisse romande, Savoie et Haute-Savoie, une partie de l'Ain, la vallée d'Aoste, entre autres.
On ne prononce pas les z finaux, pas plus que, à Genève en tout cas, les x finaux. Par exemple, pour Chamonix, on dit "Chamoni" et non pas "Chamonixe".

L'hymne de la République et canton de Genève est en patois genevois (une variante d'arpitan) : Cé qu'è lainô (celui qui est en haut).
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Claude
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Message par Claude »

abgech a écrit :[...] Claude, l'arpitan occupe une très grande aire : Suisse romande, Savoie et Haute-Savoie, une partie de l'Ain, la vallée d'Aoste, entre autres.
On ne prononce pas les z finaux, pas plus que, à Genève en tout cas, les x finaux. Par exemple, pour Chamonix, on dit "Chamoni" et non pas "Chamonixe". [...]
Tout à fait, ainsi que les [-ex] comme Ornex, Versonnex, Échenevex... tous situés dans le Pays de Gex, département de l'Ain, limitrophe avec la Suisse et très proche de Genève. Par contre le x de Gex se prononce (ne comportant qu'une syllabe il est préférable de prolonger légèrement sa prononciation avec un joli ks).
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

J'ai cru voir dans « loin des pintes » (trentième vers) l'idée que la Venoge coulait dans une région de vigne et de vin. Peut-être le confirmerez-vous, abgech ?
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abgech
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Message par abgech »

André(G.,R.), la Venoge ne coule pas dans une région vinicole.
En revanche, Jean Villard-Gilles est né à Montreux et décédé à Saint-Saphorin, deux localités situées dans "Le Lavaux", vignoble en terrasses, surplombant le lac Léman, classé au patrimoine mondial. À voir, en mai, par beau temps, de la corniche près de Chexbres, un spectacle inoubliable*.
Et Gilles. même s'il a fait, en partie, carrière ailleurs, est toujours resté près de ses racines, y revenant le plus possible. Alors, dans la verve poétique, il a ajouté une qualité de plus à la Venoge : l'amour du bon vin.
De toute façon, une localité du canton de Vaud qui n'aurait pas sa pinte ne serait pas digne d'être vaudoise.

Claude, les [-ex] se prononcent [è], "Ornè", "Versonnè", "Échenevè", et pour Excenevex, en Haute-Savoie, "Excenevè".
Vous avez raison de rappeler l'exception de Gex à cette prononciation.



* Cela me rappelle une anecdote. Lors d'une période de service militaire (on dit cours de répétition), nous étions sur les hauts de Montreux, le capitaine rassemble la compagnie, fait un grand geste devant le panorama et dit "nous avons le plus beau terrain d'exercice du monde, trente minutes de pause pour admirer le paysage".
Dernière modification par abgech le ven. 20 avr. 2018, 11:13, modifié 1 fois.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

« Loin des pintes » signifie donc bien « loin des régions où l'on boit de la bière » ?
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Message par André (G., R.) »

J'apprends, avec étonnement, que Jacques BREL se serait inspiré de La Venoge pour la composition du Plat pays. Si les deux textes peuvent être qualifiés de régionalistes, ils sont tout de même très différents l'un de l'autre. Êtes-vous en mesure de confirmer cette information, abgech ?
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abgech
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Message par abgech »

André (G., R.) a écrit :« Loin des pintes » signifie donc bien « loin des régions où l'on boit de la bière » ?
Oh la la ! Malheureux, de la bière !
Non, du vin, les « trois décis de blanc » qui sont l'apéritif partagé préféré des Suisses.

Le terme pinte désigne, dans le canton de Vaud, un endroit où l'on prend cet apéritif, l'équivalent d'un bistrot. Cela n'a rien à voir avec l'unité de mesure des volumes.
Dans les pintes, on utilise des petits verres, d'une capacité, en général, de 0,7 dl, bien loin de la valeur d'une pinte unité de volume (environ 5 dl). Les verres sont petits, mais rien n'empêche de les utiliser à plusieurs reprises.

Pour J. Brel et le Plat pays, je ne sais pas. J. Brel fait aussi partie des gens que j'aime bien.
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Claude
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Message par Claude »

abgech a écrit :[...] Claude, les [-ex] se prononcent [è], "Ornè", "Versonnè", "Échenevè", et pour Excenevex, en Haute-Savoie, "Excenevè". [...]
Comme dirait Perkele : « Ézatement ! »
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