L'écriture euphonique

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claude_ferrandeix
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L'écriture euphonique

Message par claude_ferrandeix »

Bonjour,
En tant qu'auteur, je milite pour une écriture considérant l'euphonie comme une valeur fondamentale d'un texte littéraire. Cependant, à part chez quelques poètes comme Verlaine, Musset, la qualité d'euphonie reste assez négligée, tant par les auteurs que par le lectorat. Cette situation me paraît dommageable dans la mesure où la langue française possède dans ce domaine des atouts spécifiques, notamment grâce à une grande diversité de phonèmes très doux, grâce aussi à ces passerelles que constituent les e post-accentuels, évitant les rencontres consonantiques et surtout grâce à ce trésor que constituent les nombreuses élisions. J'ai tenté de développer une théorie de l'écriture euphonique: Vidéo

https://youtu.be/zG4qJvvOItQ
Deleted User 2577

Re: L'écriture euphonique

Message par Deleted User 2577 »

Bonsoir monsieur, j'ai regardé attentivement votre vidéo et je me suis aperçu que dans le temps 48m22s de la phrase : "La tornade se gonfle" vous prononcez le "e" de tornade et on peut l'accepter tranquillement et le choix de ne pas le prononcer ça ne me choque pas, mais imaginons que la phrase aurait été :
"La tornade s'est produite subitement", là, j'opterais toujours de ne pas prononcer le "e" de tornade. Qu'en pensez-vous ? Merci.

N.B : Dans votre phrase le "e caduc" du mot "se" est ineffaçable, sous aucun pretexte on ne le pourrait effacer.
Dernière modification par Deleted User 2577 le ven. 25 oct. 2019, 15:01, modifié 1 fois.
claude_ferrandeix
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Re: L'écriture euphonique

Message par claude_ferrandeix »

C'est une cacophonie relativement légère, c'est vrai. Son effet de "nuisanse" m'apparaît surtout par sa répétitivité lorsqu'on lit un texte d'une certaine longueur. De fait, les proclitiques dont il est question comme me, te, se, le, de... sont relativement nombreux. En lisant une phrase ou un fragment de phrase comme dans la vidéo, c'est moins perceptible.

Merci d'avoir écouté cette vidéo jusqu'à plus de 48 minutes :-)
André (G., R.)
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Re: L'écriture euphonique

Message par André (G., R.) »

De la vidéo, claude_ferrandeix, transparaissent votre grand intérêt pour l'euphonie langagière et la réflexion que vous avez apportée à ce sujet. Toutefois, après en avoir écouté attentivement la moitié et avant de prendre connaissance de la suite, j'éprouve le besoin de vous faire part des premières impressions qu'elle me laisse. Ne m'en veuillez pas, elles sont assez négatives et se résument facilement. Vous semblez :
• ne pas (toujours !) aimer notre langue telle qu'elle est,
• ne pas avoir conscience de la grande subjectivité de certaines de vos affirmations.

On éprouve facilement un malaise en face de ce que l'on connaît mal. Si je vous propose le mot allemand Herbstferien, vacances d'automne, vous allez y trouver horriblement laide la séquence consonantique rbstf, produite oralement à peu près comme on le ferait en français : pourtant, je n'ai jamais entendu un germanophone natif dire qu'elle lui était difficile à prononcer ou qu'il la jugeait inesthétique. Or vous en êtes à contester « -re sau- » dans « rivière sauvage ». Vous affirmez, en oubliant, je crois, les Français méridionaux, que personne ne prononce le e final de « rivière ». Et vous expliquez que son élision débouche sur une séquence r s « difficile à prononcer » : cela ferait rire un Allemand ! Doit-on, dans cette logique, supprimer de notre belle langue des tournures comme « le pouvoir suprême », « avoir soif », « canard sauvage »... ? Vous causent-elles aussi des soucis oralement ?

Êtes-vous sérieux lorsque vous prétendez avoir proscrit de votre vocabulaire le mot « derrière » ? Si tel était le cas, la question se poserait de savoir si, là, un des sens de ce mot n'est pas davantage en cause que sa beauté sonore intrinsèque. Je ne crois guère à la beauté ou à la laideur sonores intrinsèques des mots : il suffit d'avoir quelques connaissances dans d'autres langues pour constater à quel point cela est personnel, voire sentimental. À l'arrivée de l'euro — je l'ai raconté plus d'une fois ici — une collègue qui enseignait le français avait été étonnée lorsque je lui avais signalé combien je trouvais bizarre qu'elle ne fît pas la liaison dans quelque chose comme « les euros ». Elle m'avait rétorqué que c'était « par euphonie ». Je lui avais alors demandé si elle renonçait aussi à la liaison dans « les Européens » : elle était vite passée à autre chose. Est-ce bien « texte » à propos de quoi vous dites aussi que vous l'évitez ?
Comment pouvez-vous trouver « il lui... » « quasiment imprononçable » et affirmer que « soucis » serait « difficile à prononcer (en lui-même) » ? Que pensez vous alors de Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? (Andromaque, RACINE) Un mot comme « sensationnel » vous est-il insupportable ?

L'honnêteté m'oblige à dire qu'aucun des deux petits textes que vous proposez en illustration de ce que sont la dysphonie et l'euphonie ne me plaît. Je les reproduis ici :

« Le destin humain passe telle une rivière sauvage nous entraînant dans son flot éternel, fétide de passions, de soucis vers une contrée étouffante ». Il lui dit ainsi sa pensée. (version dysphonique, selon vous)
« Le destin des humains comme un fleuve agité s'écoule entraînant son flot perpétuel de tracas, de passions vers un inconnu rivage ». Par ses mots il confia sa pensée. (version euphonique, selon vous)

Je les trouve tous deux grandiloquents, maniérés... Leur contexte m'échappe plus ou moins : certes un homme (il) s'adresse à quelqu'un d'autre (lui), mais dans des circonstances sortant apparemment nettement de l'ordinaire. Le pronom « lui » de la première version, correspondant à l'interlocuteur, manque dans la deuxième, où, par ailleurs j'ai l'impression que « ses » (Par ses mots) pourrait être mis pour « ces ». La ponctuation me paraît insuffisante. Dans la version que vous nommez euphonique, je ne comprends pas pourquoi le verbe « s'écoule » ne suit pas immédiatement son sujet. Quant au très inhabituel « un inconnu rivage » préféré à « un rivage inconnu », on y frise le ridicule, en particulier si le e de « rivage » est la cause de cet ordre de mots.

Désolé.
Deleted User 2577

Re: L'écriture euphonique

Message par Deleted User 2577 »

Comme prévu les 4 acteurs sur ce sujet, vont-ils se mettre d'accord à la fin ? Il en manque encore un...j'attend avec impatience son entrée et avis triomphale. On doit faire un efforce pour rassembler les points communs sur ce sujet. Il y a des gens qui aiment seulement la critique sans pitié.
Je trouve la vidéo ci-dessous assez intéressante monsieur Ferrandeix et je voudrais la partager avec vous car la belle madame parle de l'utilisation du e muet dans des vers.
claude_ferrandeix
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Re: L'écriture euphonique

Message par claude_ferrandeix »

André (G., R.) a écrit : ven. 25 oct. 2019, 12:58 De la vidéo, claude_ferrandeix, transparaissent votre grand intérêt pour l'euphonie langagière et la réflexion que vous avez apportée à ce sujet. Toutefois, après en avoir écouté attentivement la moitié et avant de prendre connaissance de la suite, j'éprouve le besoin de vous faire part des premières impressions qu'elle me laisse. Ne m'en veuillez pas, elles sont assez négatives et se résument facilement. Vous semblez :
• ne pas (toujours !) aimer notre langue telle qu'elle est,
• ne pas avoir conscience de la grande subjectivité de certaines de vos affirmations.
Effectivement, je pense que notre langue possède ses qualités et ses défauts. Serait-ce objectif que de n'y voir que des qualités? Et croirait-on qu'on en apprécie les qualités? Je critique surtout certains aspects de la prose par rapport à la poésie. Les défauts de la langue, de mon point de vue, peuvent être gommés en appliquant les règles classiques de la prosodie poétique, tout simplement. C'est ce que je fais essentiellement en y ajoutant quelques préconisations.

J'ai bien insisté pour dire que l'écriture euphonique était une option d'écriture parmi d'autres, pas forcément partagée. Elle ne convient pas à tous les styles littéraires. certains préfèrent des textes plus rugueux, ils ont aussi raison de leur point de vue

André (G., R.) a écrit : ven. 25 oct. 2019, 12:58On éprouve facilement un malaise en face de ce que l'on connaît mal. Si je vous propose le mot allemand Herbstferien, vacances d'automne, vous allez y trouver horriblement laide la séquence consonantique rbstf, produite oralement à peu près comme on le ferait en français : pourtant, je n'ai jamais entendu un germanophone natif dire qu'elle lui était difficile à prononcer ou qu'il la jugeait inesthétique. Or vous en êtes à contester « -re sau- » dans « rivière sauvage ». Vous affirmez, en oubliant, je crois, les Français méridionaux, que personne ne prononce le e final de « rivière ». Et vous expliquez que son élision débouche sur une séquence r s « difficile à prononcer » : cela ferait rire un Allemand ! Doit-on, dans cette logique, supprimer de notre belle langue des tournures comme « le pouvoir suprême », « avoir soif », « canard sauvage »... ? Vous causent-elles aussi des soucis oralement ?
Je développe cette subjectivité de la notion de cacophonie dans un autre article. La notion de cacophonie est inséparable de l'écosystème que constitue la langue. par exemple, le mot
tchèque smrk (le sapin) n'est pas du tout cacophonique pour les Tchèques. Par ailleurs, c'est vrai que je considère le français standard car je me réfère à des textes littéraires déclamés. (environ 55 pour cent de e post-accentuels apocopés selon mes statistiques pour la déclamation de textes littéraires en prose. En poésie, le problème ne se pose pas.
André (G., R.) a écrit : ven. 25 oct. 2019, 12:58Êtes-vous sérieux lorsque vous prétendez avoir proscrit de votre vocabulaire le mot « derrière » ?

J'ai constaté avec horreur que je l'avais employé dans un de mes textes sans m'en apercevoir :-)

Si tel était le cas, la question se poserait de savoir si, là, un des sens de ce mot n'est pas davantage en cause que sa beauté sonore intrinsèque. Je ne crois guère à la beauté ou à la laideur sonores intrinsèques des mots : il suffit d'avoir quelques connaissances dans d'autres langues pour constater à quel point cela est personnel, voire sentimental. À l'arrivée de l'euro — je l'ai raconté plus d'une fois ici — une collègue qui enseignait le français avait été étonnée lorsque je lui avais signalé combien je trouvais bizarre qu'elle ne fît pas la liaison dans quelque chose comme « les euros ». Elle m'avait rétorqué que c'était « par euphonie ». Je lui avais alors demandé si elle renonçait aussi à la liaison dans « les Européens » : elle était vite passée à autre chose. Est-ce bien « texte » à propos de quoi vous dites aussi que vous l'évitez ?
Comment pouvez-vous trouver « il lui... » « quasiment imprononçable » et affirmer que « soucis » serait « difficile à prononcer (en lui-même) » ? Que pensez vous alors de Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? (Andromaque, RACINE) Un mot comme « sensationnel » vous est-il insupportable ?
Tout cela est effectivement discutable.
André (G., R.) a écrit : ven. 25 oct. 2019, 12:58L'honnêteté m'oblige à dire qu'aucun des deux petits textes que vous proposez en illustration de ce que sont la dysphonie et l'euphonie ne me plaît. Je les reproduis ici :

« Le destin humain passe telle une rivière sauvage nous entraînant dans son flot éternel, fétide de passions, de soucis vers une contrée étouffante ». Il lui dit ainsi sa pensée. (version dysphonique, selon vous)
« Le destin des humains comme un fleuve agité s'écoule entraînant son flot perpétuel de tracas, de passions vers un inconnu rivage ». Par ses mots il confia sa pensée. (version euphonique, selon vous)
André (G., R.) a écrit : ven. 25 oct. 2019, 12:58Je les trouve tous deux grandiloquents, maniérés...

Leur contexte m'échappe plus ou moins : certes un homme (il) s'adresse à quelqu'un d'autre (lui), mais dans des circonstances sortant apparemment nettement de l'ordinaire. Le pronom « lui » de la première version, correspondant à l'interlocuteur, manque dans la deuxième, où, par ailleurs j'ai l'impression que « ses » (Par ses mots) pourrait être mis pour « ces ». La ponctuation me paraît insuffisante. Dans la version que vous nommez euphonique, je ne comprends pas pourquoi le verbe « s'écoule » ne suit pas immédiatement son sujet. Quant au très inhabituel « un inconnu rivage » préféré à « un rivage inconnu », on y frise le ridicule, en particulier si le e de « rivage » est la cause de cet ordre de mots.
C'est de la prose poétique, le contexte pourrait être celui d'une tragédie. Et il faut comprendre que les préconisations d'écriture euphonique pour la prose concernent surtout la prose poétique. Je considère mes romans comme des romans poétiques. Ce n'est pas forcément adapté à tous les genres littéraires.
André (G., R.) a écrit : ven. 25 oct. 2019, 12:58Désolé.
Vous aviez inclus votre réponse « C'est de la prose poétique... » dans votre citation du message d'André ; j'ai rectifié le tir. :wink:
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Re: L'écriture euphonique

Message par Deleted User 2577 »

Monsieur Ferrandeix, regardez cette vidéo dès que vous aurez le temps. Si vous voulez ne hésitez pas de nous donner/de nous faire partager votre/vos avis. Merci d'avance.
André (G., R.)
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Re: L'écriture euphonique

Message par André (G., R.) »

Claude a écrit : ven. 25 oct. 2019, 22:22 Vous aviez inclus votre réponse « C'est de la prose poétique... » dans votre citation du message d'André ; j'ai rectifié le tir. :wink:
D'autres éléments de réponse fournis par claude_fernandeix sont inclus dans mon texte (lignes 6 à 10, 16 à 18, 20 et 28).

Pourriez-vous, claude_fernandeix, expliquer « l'horreur » que vous inspire le mot « derrière » ? En vous écoutant, je ne suis pas sûr d'avoir reconnu l'autre vocable dont vous dites que vous l'évitez : « texte » ? Pourquoi ?
Vous parlez des « défauts » de notre langue. J'espère que « derrière » et « texte » n'en sont pas pour vous.

Tous nos lecteurs n'auront peut-être pas vu, dans les « e post-accentuels apocopés » que vous évoquez, ce qu'on appelle aussi les e muets de fin de mot. « Post-accentuel » suppose l'existence d'un accent tonique en français, une notion contestée par certains : en tout cas, si l'on prononce par exemple « délibérément » avec un volume sonore identique de la première à la cinquième et dernière syllabes, on sera compris. Dans des langues avec véritable accent tonique, la place de ce dernier peut déterminer la signification du mot : en allemand, übersetzen accentué sur sa première syllabe signifie « conduire de l'autre côté », « faire passer » (sur l'autre rive), tandis que l'accent tonique sur sa troisième syllabe lui donne le sens de « traduire » !
En tchèque, des mots comme smrk, sapin, s'ils ne présentent pas de voyelle écrite, comportent tout de même oralement un son vocalique.
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Re: L'écriture euphonique

Message par Claude »

André, dites-moi si la modification est bonne !
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Re: L'écriture euphonique

Message par André (G., R.) »

Claude a écrit : sam. 26 oct. 2019, 11:41 André, dites-moi si la modification est bonne !
En ce qui concerne les passages de claude_ferrandeix, je suis un peu perdu. Pour ce qui est de mon texte, je le retrouve. Mais je ne suis pas certain de ne pas m'être trompé quand j'ai numéroté les lignes ! Pardon.
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Re: L'écriture euphonique

Message par Claude »

L'avenir nous le dira. :wink:
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Re: L'écriture euphonique

Message par claude_ferrandeix »

André (G., R.) a écrit : sam. 26 oct. 2019, 10:43
Claude a écrit : ven. 25 oct. 2019, 22:22 Vous aviez inclus votre réponse « C'est de la prose poétique... » dans votre citation du message d'André ; j'ai rectifié le tir. :wink:
D'autres éléments de réponse fournis par claude_fernandeix sont inclus dans mon texte (lignes 6 à 10, 16 à 18, 20 et 28).

Pourriez-vous, claude_fernandeix, expliquer « l'horreur » que vous inspire le mot « derrière » ? En vous écoutant, je ne suis pas sûr d'avoir reconnu l'autre vocable dont vous dites que vous l'évitez : « texte » ? Pourquoi ?
Vous parlez des « défauts » de notre langue. J'espère que « derrière » et « texte » n'en sont pas pour vous.

Tous nos lecteurs n'auront peut-être pas vu, dans les « e post-accentuels apocopés » que vous évoquez, ce qu'on appelle aussi les e muets de fin de mot. « Post-accentuel » suppose l'existence d'un accent tonique en français, une notion contestée par certains : en tout cas, si l'on prononce par exemple « délibérément » avec un volume sonore identique de la première à la cinquième et dernière syllabes, on sera compris. Dans des langues avec véritable accent tonique, la place de ce dernier peut déterminer la signification du mot : en allemand, übersetzen accentué sur sa première syllabe signifie « conduire de l'autre côté », « faire passer » (sur l'autre rive), tandis que l'accent tonique sur sa troisième syllabe lui donne le sens de « traduire » !
En tchèque, des mots comme smrk, sapin, s'ils ne présentent pas de voyelle écrite, comportent tout de même oralement un son vocalique.
La notion de cacophonie est subjective. Le mieux, me semble-t-il, pour savoir si un mot passe ou non est de procéder, comme le dit Flaubert, à l'épreuve du gueuloir. Essayez d'écrire une phrase de roman avec le mot texte et déclamez-la. On a, me semble-t-il, trop tendance à considérer qu'un texte doit être lu et non déclamé. Cependant, même on cas de lecture intérieure, il y a généralement subvocalisation (selon certains spécialistes du domaine), ce qui tendrait à montrer l'importance de l'euphonie, même en lecture intérieure.
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Re: L'écriture euphonique

Message par claude_ferrandeix »

Diberiss a écrit : ven. 25 oct. 2019, 23:36 Monsieur Ferrandeix, regardez cette vidéo dès que vous aurez le temps. Si vous voulez ne hésitez pas de nous donner/de nous faire partager votre/vos avis. Merci d'avance.


Je crains que quelqu'un d'ici "très actif" sera impitoyable contre ce pauvre jeune qui en bonne foi essaie d'aider les gens.
J'ai vu cette vidéo. Voilà le commentaire que j'en ai fait. Cette vidéo permet de comprendre le comptage des vers , ce qui en est, semble-t-il le but premier. Pour ce qui est de l'exemple, "je prie dans l'église", j'avoue ne pas trop voir où est le problème. Prie à mon avis se prononce "pri" et compte pour une syllabe. Il me semble que ça passe très bien oralement. En tous cas, bravo pour cette initiative.
Deleted User 2577

Re: L'écriture euphonique

Message par Deleted User 2577 »

Merci monsieur Ferrandeix pour votre opinion. Passez une bonne fin de journée.
N.B :
J'en profite pour dire à tous que je viens de mettre une vidéo sur l'adverbe dans la rubrique de " Grammaire, conjugaison et syntaxe" (S'assurer que...)
Dernière modification par Deleted User 2577 le dim. 27 oct. 2019, 18:26, modifié 2 fois.
André (G., R.)
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Re: L'écriture euphonique

Message par André (G., R.) »

La seconde partie de votre exposé, claude_ferrandeix, est conforme à la première.
La quantité des suppressions que vous proposez est proprement phénoménale ! J'ose espérer qu'elles ne touchent, dans votre esprit, que votre propre pratique et non le français en général !

Je reprends vos préconisations : 1 : suppression des hiatus et des cacophonies ; 2 : aucune phrase, sauf la première d'un paragraphe ne doit commencer par un son vocalique ; 3 : suppression des liaisons inesthétiques ; 4 : suppression des suites de liaison sur une même consonne ; 5 : suppression des mots inesthétiques ; 6 : suppression des e muets intrasyntagmatiques (à l'intérieur des mots ou des groupes fonctionnels, je crois).
(Les numéros sont de moi.)

• En ce qui concerne le point 1, voulez-vous supprimer des dictionnaires ou lisez-vous douloureusement « à hue et à dia », « je lui ai obtenu un logement », « elle y a acheté des fleurs »... (hiatus), « sensationnel », « borborygme », « quantitatif »... (cacophonies pour vous) ?
• Avez-vous remarqué qu'au point 2, votre conseil concernant le renoncement à une voyelle en début de phrase commence par... une voyelle (« au » [o] de « aucune ») ?!
• Votre point 3 évoque des liaisons inesthétiques. À juste titre ! Il s'en trouve, je pense ! Un domaine, toutefois, où les avis peuvent diverger : subjectivité ! Et je n'ai pas compris — je suis peut-être en cause — s'il s'agit pour vous de renoncer à écrire quoi que ce soit qui en comporterait potentiellement ou de s'abstenir oralement d'en produire certaines auxquelles l'écrit pourrait conduire. Dans cette dernière hypothèse, le donneur de voix que je suis est habitué à faire, le cas échéant, certains choix rapides... ou à revenir sur un passage qu'il vient d'enregistrer !
• Si « derrière » et « texte » font partie des « mots inesthétiques » de votre point 5 — et je crois bien que c'est le cas ! — où va-t-on ?
• Je me pose à propos de votre point 6 une question comparable à celle qu'entraîne pour moi le 3 : renoncement total aux vocables concernés ?

Vous distinguez, dans vos considérations, prose et poésie. Pour la première, je suis d'accord avec vous quant à la préférence à accorder, dans la mesure du possible, aux phrases courtes.
Un point de détail, à mi-chemin entre prose et poésie, peut-être : vous voyez une élision du e de « montagne » dans « la montagne est belle » ; vous le comparez à « la montagne fut belle », que vous jugez « moins fluide » du fait (entre autres ?) de l'absence d'élision. Je dois dire qu'il me semble prononcer de la même manière « montagne » dans « la montagne est belle » et « la montagne fut belle » : vous non ?

Venons-en avec vous à la poésie. Vous comparez Une petite chose, entraîne un grand émoi et La chose négligeable, entraîne un grand émoi, où les virgules me gênent. Dans « Une petite chose », les quatre e prononcés, dont trois sont potentiellement muets, ne me semblent pas non plus produire l'effet le plus heureux.
Cependant, je n'en tirerais pas la conclusion que ledit e muet serait un « défaut » de notre langue. Vous proposez d'ailleurs ensuite deux alexandrins : Partout ruines, débris, au milieu du village et Partout gravats, débris, au milieu du village, pour indiquer votre préférence pour le second, à cause du e de « ruines », qui, muet en général, ne serait prononcé là qu'à vingt pour cent du niveau sonore des autres voyelles du vers. Lorsque j'ai enregistré de la poésie, je me suis efforcé au contraire de mettre ces e d'habitude muets au niveau sonore de leur environnement : il me semblait que c'était le souhait des poètes.
Vous imaginez l'octosyllabe La violette répand son baume pour énoncer une « loi de limitation », que je trouve tout à fait fantaisiste, selon laquelle « le e muet terminal ne devrait jamais être éloigné de plus de trois syllabes de la fin du vers » : les quatre syllabes de « répand son baume » ne me gênent pas le moins du monde après le e final de « violette » ! À moins que je doive formuler ainsi : le e final de « violette » ne me dérange pas le moins du monde avant les quatre syllabes de « répand son baume ».

« Défaut », dont j'ai déjà parlé, « rugosité », « agressivité », « vulgaire »... que vous employez pour qualifier le langage que vous dites « dysphonique » vont dans le sens, me semble-t-il, de ce que je vous avais signalé d'emblée : vous n'aimez souvent pas notre langue telle qu'elle est.

Mais il me faut évoquer la séquence la plus étonnante de votre exposé : vous lisez sans le moindre embarras visible une phrase de Poésie et sonorités, de Paul DELBOUILLE, devenue incorrecte et incompréhensible du fait d'un passage dont elle a été tronquée. Elle me plaît bien dans sa version originelle : Nous savons d'expérience — quand on veut bien ne pas l'oublier — que la poésie peut exister sans particulière « harmonie », qu'elle peut exister, même, en dépit d'une certaine cacophonie (et je n'entends pas ici seulement une cacophonie qui serait, comme il arrive, expressive, mais la plate, insignifiante et bénigne rencontre de deux ou de plusieurs sons).
Dernière modification par André (G., R.) le dim. 27 oct. 2019, 18:14, modifié 1 fois.
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