Tirer son épingle...

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Jacques
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Message par Jacques »

Voilà pour moi une découverte, car je croyais bien que cela voulait dire « faire un mauvais sort ». On dit parfois aussi en manière de plaisanterie « Nous allons faire un sort à ce superbe rôti ».
Dernière modification par Jacques le jeu. 27 nov. 2008, 8:41, modifié 1 fois.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Perkele
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Message par Perkele »

Ne s'agissait pas plutôt d'assurer l'avenir de quelqu'un (en dotant une fille par exemple ou en achetant une charge à un garçon) ?
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Jacques
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Message par Jacques »

Le sens a varié au fil du temps.
Académie française, 8e édition :
Fig., Faire un sort à une chose, La propager, la faire valoir. Ce mot serait passé inaperçu si vous ne lui aviez fait un sort en le répétant et le commentant.
Dictionnaire des locutions et expressions (Robert) :
Faire un sort à qqch : régler, liquider sa situation de façon définitive, en finir avec, en particulier avec des objets de consommation. Faire un sort à une bouteille, la boire ; faire un sort à un gâteau, le manger. Ce sens familier date de la fin du XIXe (1896). L'expression n'avait à l'origine que le sens de faire valoir, mettre en valeur.
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Le glissement sens est donc moins récent que je le pensais. Je n’avais encore jamais vu d’exemples où l’expression ait le premier sens indiqué par le TLF. En tout cas, il me semble que l’ironie dont parle ce dictionnaire n’est plus vraiment sentie, l’expression est devenue une façon un peu plus soutenue (un peu plus écrite de dire « régler son compte à », « en finir avec », « donner le dernier avis sur telle question » que ce soit positivement ou négativement. Du coup, bien souvent, c’est le contexte qui nous indique si c’est le premier sens de faveur qu’on doit entendre :

« Le public a fait un sort à bien des ouvrages qu’on n’aimerait pas d’avoir écrits, et les auteurs de certains livres que l’on réprouve ne s’en portent pas plus mal. »
Stanislas Fumet, La poésie à travers les arts

ou le sens « en découdre avec » :

« Il me restait donc à choisir entre deux méthodes opposées : ou bien survoler rapidement l'ensemble des écrits de Roland Barthes, en faisant un sort aux sornettes les plus notables ; […] ou bien, au contraire, s'en tenir à un seul ouvrage et le soumettre à un examen aussi serré, aussi minutieux et aussi exhaustif que possible. »
René Pommier, Roland Barthes, Ras le bol !

Je n’ai pas trouvé que des exemples de critiques pour ces sens-là, le TLF donne déjà un exemple d’écrivain pour le sens correspondant à « favoriser une personne ».
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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Jacques
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Message par Jacques »

Je crois que l'acception moderne a totalement éclipsé le sens premier de mettre en valeur ou faire connaître.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
André (G., R.)
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Re:

Message par André (G., R.) »

Jacques a écrit : ven. 05 janv. 2007, 13:41 Je ne sais pas trop quoi vous dire. Il est vrai que je suis un peu puriste et conservateur, mais j'essaye d'avoir davantage de souplesse, moins de rigueur et une certaine tolérance envers les évolutions. A priori, je pense que cette évolution est en train de se faire à propos de ladite expression. Sans en avoir de preuves, je pense que oui, la plupart des gens vous répondraient que cela signifie tirer profit d'une affaire. Non que cela résulte d'un savoir acquis mais plutôt parce que ce serait l'interprétation spontanée de la formule.
Vous avez vu avec ma citation comme l'Académie elle-même a lâché du lest sur long feu.
Sur ce fil, où j'admire l'effort didactique, la tolérance, la réflexion et la rigueur du regretté Jacques, je ne comprends toutefois pas bien pourquoi il paraît mieux accepter « ne pas faire long feu » que le sens récent de « tirer son épingle du jeu ». Ces deux expressions me mettent dans un égal embarras : lutter contre ces évolutions serait sans doute inutile. Mais que « ne pas faire long feu » en vienne à signifier aujourd'hui quasiment la même chose que « faire long feu », qui devrait être son contraire, me paraît particulièrement étonnant. Le Larousse de 2016 ne connaît d'ailleurs que la tournure positive : en parlant d'un projectile, partir avec retard, la charge de poudre s'étant mal allumée ; fig. ne pas réussir : Projet qui fait long feu. Dans mon journal : La thèse du rôdeur ne va pas faire long feu (ne tiendra pas longtemps, sera vite mise à mal, contredite) (passé historique, si je me rappelle bien l'article où j'ai trouvé cela il y a quelques jours). Pour dire la même chose, je préfère « L'hypothèse du rôdeur va faire long feu ».
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