Fautes très et trop courantes

Pour les sujets qui ne concernent pas les autres catégories, ou en impliquent plus d’une
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André (G., R.)
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Re: Fautes très et trop courantes

Message par André (G., R.) »

Claude a écrit : jeu. 26 déc. 2019, 11:15 - qu'il introduit une subordonnée conjonctive.
Surtout pas ! Excusez la netteté de ma réaction mais vous savez bien le souci que j'ai du lecteur lambda. Si « qu'il » est précédé immédiatement de « elle » lui-même attribut du sujet, « qu' » ne peut-être que pronom relatif et je l'ai dit : en pareil cas on a la tournure fautive consistant à placer devant un verbe conjugué à la fois son sujet réel et un sujet apparent.
Vous confondez peut-être avec des tournures telles que « c'est d'elle qu'il parle ».

• « Je vois ma sœur » comporte le C.O.D. « ma sœur ». On met ce C.O.D. en valeur en recourant à la formulation « C'est ma sœur que je vois », dans laquelle « ma sœur » est attribut de « C' » et l'antécédent du pronom relatif « que », lui-même C.O.D. de « vois ».
• « Je parle de ma sœur » se comporte différemment si l'on veut attirer l'attention sur « ma sœur » : « C'est de ma sœur que je parle ». Là, « que » ne remplace rien, c'est une conjonction de subordination élément de liaison contenu dans le gallicisme « c'est que ». « Gallicisme », parce qu'il s'agit d'un fait de langue typique du français.

Dans « C'est ma sœur que je vois », le gallicisme est moins net. On a en allemand une formulation proche : « Meine Schwester ist es, die ich sehe ». Elle comporte bien le pronom relatif die. L'équivalent allemand exact de « C'est de ma sœur que je parle » n'existe pas à ma connaissance. « Ich spreche von meiner Schwester » devient « Von meiner Schwester spreche ich » si l'on veut mettre la sœur en valeur : aucun vocable ajouté à la phrase commençant par le sujet ich, seuls changent l'ordre des mots et une intonation spécifique à l'oral.
André (G., R.)
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Re: Fautes très et trop courantes

Message par André (G., R.) »

Que ce soit clair. Dans la tournure fautive « c'est peut-être elle qu'il manque aux poèmes », ce que je viens d'expliquer sur la nature grammaticale de « qu' » vaut. Une petite différence cependant : « qu' » y est bien sujet réel de « manque », tandis que dans l'exemple que j'ai pris immédiatement ci-dessus, le pronom relatif « que » mis pour « ma sœur » est C.O.D., ainsi que je l'ai dit.
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Claude
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Re: Fautes très et trop courantes

Message par Claude »

C'est l'exemple de Leclerc avec le verbe falloir dont je parlais qui m'a induit en erreur avec son pronom il impersonnel (je ne vois d'ailleurs pas le rapport :oops: ), mais vous avez raison, qu' reste ici un pronom relatif.
Où avais-je la tête ? Je crois en connaître la raison : je n'ai pas fait de sieste aujourd'hui.
Après mûre réflexion j'ai confondu « elle qu'il faut » « avec il faut qu'elle ». Promis-juré, demain je fais la sieste.
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Leclerc92
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Re: Fautes très et trop courantes

Message par Leclerc92 »

En m'intéressant à ce curieux et, parait-il, très nauséabond champignon qu'est l'anthurus d'Archer, je constate cette faute très courante, dans les premières secondes du petit film :

Un panneau indique : ces tentacules ne sont pas celles d'une créature marine.
Faire de "tentacule" un nom féminin est très, trop courant. Même le TLF le note :
Rem. En dépit de son « e » terminal, tentacule est masc., mais beaucoup d'aut. le considèrent comme fém.: La pieuvre, dont les tentacules gluantes sortent et rentrent alternativement (Lévi-Strauss, Anthropol. struct., 1958, p. 216).
https://www.cnrtl.fr/definition/tentacule

Dans tous les noms en -cule, il n'est pas toujours aisé de savoir ceux qui sont masculins et ceux qui sont féminins. Mais "tentacule" est un mot courant, et l'erreur ne devrait pas être si courante.
https://motsavec.fr/*cule
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Re: Fautes très et trop courantes

Message par Leclerc92 »

Leclerc92 a écrit : jeu. 26 déc. 2019, 10:45 Non, elle devient « La musique, c'est peut-être elle qu'il manque aux poèmes ». Phrase correcte, mais à laquelle je préfère, comme vous probablement, « La musique, c'est peut-être elle qui manque aux poèmes ». Les deux formes sont possibles ici.
Avec certains verbes, seule une forme est possible :
La musique, c’est peut-être cela qu’il faut aux poèmes, qui devient « La musique, c'est peut-être elle qu'il faut aux poèmes ». (« La musique, c'est peut-être elle qui faut aux poèmes » serait fautif, bien qu'on l'entende naturellement dans la langue populaire).
Les verbes en question sont les verbes essentiellement impersonnels. Pour les autres, Grevisse, §717, 2 observe :
Image
C'est cette rareté qui fait penser que la forme est incorrecte.

Sur l'opposition ce qui/ ce qu'il dans le cas le plus général, voir :
http://www.academie-francaise.fr/questi ... -em-strong
http://guichetdusavoir.org/viewtopic.ph ... 13345c34fd
André (G., R.)
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Re: Fautes très et trop courantes

Message par André (G., R.) »

Claude a écrit : jeu. 26 déc. 2019, 14:31 Où avais-je la tête ? Je crois en connaître la raison : je n'ai pas fait de sieste aujourd'hui.
Après mûre réflexion j'ai confondu « elle qu'il faut » « avec il faut qu'elle ». Promis-juré, demain je fais la sieste.
:lol:

Mon journal publie aujourd'hui un entretien avec l'écrivain Olivier Adam, qui déclare, à propos de son retour à Paris après quatre années passées à Saint-Malo : Je me suis demandé pourquoi j'étais parti et, assez vite, j'ai cherché à savoir ce qu'il se passerait si je revenais.
Plus tard, il regrette un peu que nos contemporains s'intéressent davantage à l'environnement qu'aux questions sociales, en ces termes : Aujourd'hui, plus personne ne s'engage pour l'injustice, mais plutôt pour l'écologie.
On ne peut cependant pas exclure que le journaliste soit en cause dans l'un des cas, voire dans les deux.
Leclerc92
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Re: Fautes très et trop courantes

Message par Leclerc92 »

Nom d'un petit bonhomme, il n'y a aucune faute de grammaire dans " j'ai cherché à savoir ce qu'il se passerait si je revenais."
Les goûts personnels ne doivent pas inciter à la désinformation.
Rappelons :
D'où le constat de l'Académie sur son site Internet : « On peut donc écrire aussi bien : nous verrons ce qui se passera ou ce qu’il se passera. »
http://parler-francais.eklablog.com/ce- ... a107532196
Au fond, le maintien de la structure impersonnelle avec « qu’il », quand c’est possible, est plus soigné que sa disparition avec « qui », car l’impersonnel avec « il » s’emploie aujourd’hui plutôt à l’écrit.
À chacun de voir ce qu’il sent le mieux !
https://www.grevisse.fr/le-blog-chroniq ... l-se-passe
Je le dis avec d'autant plus d'honnêteté que, pour ma part, j'ai une préférence pour la formule avec "qui", que je trouve plus légère. Mais n'imposons pas nos préférences personnelles en criant à la faute, inexistante en l'occurrence.
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Re: Fautes très et trop courantes

Message par Leclerc92 »

Une faute hélas trop courante : rien a changé !
https://www.radioclassique.fr/magazine/ ... 3-01-2020/
Si, la syntaxe a changé, apparemment !
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Claude
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Re: Fautes très et trop courantes

Message par Claude »

Ah ! Si « rien » ne finissait pas par un N... :d
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Perkele
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Re: Fautes très et trop courantes

Message par Perkele »

Tout comme "on".
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
André (G., R.)
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Re: Fautes très et trop courantes

Message par André (G., R.) »

Jacques-André-Albert a écrit : mar. 24 déc. 2019, 8:53 Je me suis penché sur la question et ai consulté de nombreuses pages sur Internet.
Voyez ici, , ou encore .
Il en ressort, sauf erreur de ma part, que pour un verbe comme « se passer », qui peut être employé à la forme personnelle ou impersonnelle, la solution dépendra de la forme choisie :
- dans le premier cas : des choses étranges se passent -> je ne sais pas ce qui se passe.
- dans le second cas : il se passe des choses étranges -> je ne sais pas ce qu'il se passe.
On trouvera de nombreux exemples des deux tournures dans le corpus recensé par Google.
On notera que la forme personnelle est plus fréquente et plus ancienne, et que la forme impersonnelle n'apparaît qu'à la toute fin du dix-huitième siècle.
André (G., R.) a écrit : mar. 24 déc. 2019, 10:13 des formulations lamentables comme « C'est ce qu'il est arrivé », « Voilà tout ce qu'il pourrait survenir », « Je ne sais pas ce qu'il est tombé sous la table », « Le gamin fait tout ce qu'il est interdit », « Elle ignore ce qu'il s'impose en pareil cas », « Ce qu'il te tarde m'est bien égal », « Je m'intéresse à tout ce qu'il sera vendu », « Elle est au courant de presque tout ce qu'il s'écrit »...

J'ai appris jadis que, pour les verbes occasionnellement impersonnels, le sujet apparent précédait ledit verbe quand le sujet réel le suivait (La question ne se pose évidemment pas pour les verbes uniquement impersonnels, comme « falloir ») et que ce même sujet apparent n'était présent que dans cette configuration : « Il lui arrive une drôle de chose » correspond à « Une drôle de chose lui arrive ». La tournure impersonnelle « ce qu'il se passe » n'est pas moins incongrue que « Une drôle de chose il lui arrive » !
C'est probablement sous l'influence de phrases comme « Je ne sais pas ce qu'il se passe dans les cheveux après son shampoing » qu'est apparue la tournure fautive.
Jacques-André-Albert a écrit : mar. 24 déc. 2019, 11:12 Je réprouve, bien sûr, les emplois fautifs que vous citez.
Vous l'avez bien compris, Jacques-André-Albert : les tournures que j'ai proposées étant fautives, on ne peut accepter « ce qu'il arrive » (qui s'y trouve d'ailleurs au passé composé).
Mais je pense à nos lecteurs et crains d'avoir été incomplet.

Soit la phrase « Ce qui arrive n'est pas banal ». Si on l'accepte sous la forme « Ce qu'il arrive n'est pas banal », on ne peut s'opposer à :
L'accident qu'il arrive n'est pas banal*
et
Les accidents qu'il arrive ne sont pas banals.

J'ai déjà parlé de l'incongruité consistant à faire précéder « arrive » de son sujet réel (qu') et de son sujet apparent (il). Elle est nette dans « L'accident qu'il arrive n'est pas banal ». Mais la grammaire est peut-être encore davantage maltraitée dans la phrase au pluriel « Les accidents qu'il arrive ne sont pas banals », parce que le pronom relatif « qu' », forcément au pluriel du fait de son antécédent « Les accidents », ne remplit plus aucune fonction dans la subordonnée qu'il introduit (qu'il arrive) : s'il était le sujet du verbe, on écrirait « arrivent » ! Cette phrase au pluriel montre incontestablement l'énorme anomalie qu'il faut dénoncer.

Je crois que nous devons exercer notre sens critique en toute circonstance. Grevisse ne fait que rendre compte d'un état de faits et ne se pose pas ces questions. On a constaté par ailleurs depuis longtemps sur FNBL que les meilleurs dictionnaires peuvent faillir. À quoi sert notre forum s'il se contente de rendre compte de faits linguistiques ?

_______________________________________________________________________________________________________________________
* Structures strictement identiques : le pronom démonstratif « Ce » sujet de « est » dans la première correspond, bien sûr, au nom sujet « L'accident » de la seconde.
Dernière modification par André (G., R.) le sam. 04 janv. 2020, 17:08, modifié 1 fois.
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Re: Fautes très et trop courantes

Message par Leclerc92 »

André (G., R.) a écrit : sam. 04 janv. 2020, 16:51 Mais la grammaire est peut-être encore davantage maltraitée dans la phrase au pluriel « Les accidents qu'il arrive ne sont pas banals », parce que le pronom relatif « que », forcément au pluriel du fait de son antécédent « Les accidents », ne remplit plus aucune fonction dans la subordonnée qu'il introduit (qu'il arrive) : s'il était le sujet du verbe, on écrirait « arrivent » ! Cette phrase au pluriel montre incontestablement l'énorme anomalie qu'il faut dénoncer.
Cette logique-là m'échappe.
Quelle différence avec "Avez-vous les outils qu'il faut ?" qui est parfaitement correct ?
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Re: Fautes très et trop courantes

Message par Claude »

Perkele a écrit : sam. 04 janv. 2020, 16:33 Tout comme "on".
Gagné ! Sur mon quotidien d'aujourd'hui, en gros titre sur les stations de ski du Haut-Doubs : « Nocturnes des Monts de Joux, on attend plus que la neige ». Dans le contexte de l'article, plus est bien une particule négative et non un adverbe de quantité.
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Re: Fautes très et trop courantes

Message par André (G., R.) »

Vous n'attendez pas davantage que la neige ?!
« Il a pas d'argent », « Y a pas de neige »... entraînent « Il a plus d'argent », « Y a plus de neige »... D'une certaine manière, la faute est moins étonnante lorsque le verbe est précédé d'un mot terminé par un n, comme « on ». Oralement, en 2020, l'intelligibilité est assurée : [plys] pour l'adverbe de comparaison, [ply] pour le second élément de la négation en formulation soignée. Mais on ne saurait contester l'ambiguïté de certaines phrases écrites privées de « ne » : la langue souffre alors.
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Re: Fautes très et trop courantes

Message par Claude »

André (G., R.) a écrit : dim. 05 janv. 2020, 9:06 Vous n'attendez pas davantage que la neige ?!
[...]
Non, tout est prêt pour recevoir la neige, nous n'attendons plus qu'elle. :wink:
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