Étymologie discrète. Noms d'oiseaux.

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Yacine Zerkoun
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Étymologie discrète. Noms d'oiseaux.

Message par Yacine Zerkoun »

De qui l'oiseau est-il le nom? Dans notre langage, "corbeaux", "pigeons" et "vautours" sont des espèces que les ornithologues n'ont pas jugé utile de répertorier, laissant cela aux psychologues et autres philosophes de la Cité. Nous nous proposons de faire l'étymologie discrète de ces bestioles à plumes que l'on trouve quelquefois en cage mais le plus souvent sur nos toits ou dans nos assiettes.

Pigeon, du latin pipionem, de pipire, piauler. Un pigeon était d'abord le petit d'un oiseau. Quand il s'applique à l'homo sapiens sapiens, il décrit un être "naïf, facile a duper." On dit "plumer le pigeon" pour "voler, dépouiller quelque dupe" (Littré). Mais autant il existe plusieurs profils de "pigeons", autant il existe un grand nombre d'espèces qualifiées de la sorte par les ornithologues. Quitte a trouver un pigeon, nommons-le au moins correctement !

Quel serait, à grands coups de pinceaux, le portait psychologique de votre pigeon? Se laisse-t-il attraper à cause de son ego démesuré? C'est peut-être un pigeon a couronne blanche, patagioenas leucocephala. Est-il du genre à voir tout en rose? Est-il aveuglé par un optimisme niais? Vous avez sans doute pris un digne représentant de l'espèce nesoenas mayeri, "pigeon rose" en français. Votre proie ne baisse-t-elle sa garde que sous l'emprise de la reine des liqueurs? À en juger par l'odeur qui se dégage de son bec, il s'agit d'un pigeon vineux, patagioenas subvinacea. On l'appâtera facilement avec une bouteille de rouge. Hic!
Quelle belle chute pour l'oiseau de Vénus!

Si le pigeon est la cible de traquenards, d'escroqueries, de manipulations, c'est qu'il existe des prédateurs pour lui tendre des pièges. Qui sont ces "personnes avides d'argent et sans scrupule" (Littré), sinon les corbeaux, et pas ceux de la fable_ nous parlons ici de la grande famille des corvidés, du genre corvus, "grand corbeau".

Nous imaginons ces oiseaux de mauvais augure comme parfaitement noirs, ce qui n'est pas le cas, du moins dans la nomenclature des espèces. Citons en exemple le corbeau brun, corvus ruficollis, "corbeau du désert" en espagnol, ou le corvus albicollis, corbeau à nuque blanche. Pour méchants qu'ils soient, il se cache toujours une part de bon chez nos ennemis.

Nous pouvons apprendre encore une chose de ces rapaces. Lorsque nous broyons du noir, cherchons la tache lumineuse, la parcelle colorée, la pointe du jour. Comme les corbeaux, tout n'est pas noir_ la nuit la plus sombre est suivie d'une aube de milliers de plumes. Ci-dessous la description du corbeau pie, corvus albus, tirée de l'excellent site Oiseaux.net: « Il possède un bec dont le culmen est légèrement courbé. De longues vibrisses nasales bien visibles ornent le dessous du bec. Les plumes hérissées de la gorge forment un camail assez discret. La queue est modérément longue et plus ou moins étagée à son extrémité. Le plumage est noir, avec un lustre bleuâtre et violacé sauf sur le manteau et le bas des parties inférieures qui sont plus ternes. Le haut du manteau, le bas de la nuque et des côtés du cou, la poitrine et le haut du ventre forment un ensemble blanc, le blanc allant jusqu'aux axillaires sur le dessous des ailes. »

Le corbeau semble pouvoir se racheter par certains côtés. En est-il de même pour le vautour, de vellere, l'arracheur, le ravisseur? Sa vue d'exception lui permet de repérer la charogne de loin. Si l'animal est encore trop vif, ses ailes de grande envergure le font patienter dans le ciel avant de s'abattre pour la curée. Nous connaissons ou avons tous connu des personnes qui répondent à ce signalement, dans notre entourage ou dans notre famille. Si ce n'est pas le cas, je vous souhaite de ne pas hériter.

En chair ou en os, les vautours ne s’embarrassent pas de politesses. Les individus de petite taille concèdent la meilleure part aux oiseaux de gabarit plus imposant. « Les vautours charognards, par exemple, sont toujours parmi les premiers arrivants aux carcasses, mais en raison de leur faible stature, ils doivent presque toujours céder leur place. » (ibid.) Fraîche ou en stade avancé de décomposition, notre dépouille sera prisée chez les forts comme chez les plus débiles. Soyons au moins reconnaissants à ces oiseaux de faire le ménage derrière nous.

Mesdames, Messieurs, traitez-vous de tous les noms, mais choisissez à propos.

Yacine Zerkoun
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Quel beau texte ! Mieux vaut tard que jamais, en ce qui concerne la découverte que j'en fais !
Deux remarques. On dirait que vous considérez les pigeons et les corbeaux comme des rapaces. À moins que ce soit moi qui lise mal. Mais je suis sensible à votre emploi de « débile » dans une acception conforme à son étymologie.
Savez-vous s'il y a une différence entre le corbeau pie, dont vous parlez, et la banale pie ? Cette dernière, bien représentée autour de chez moi, capte souvent mon attention, d'abord par son noir et blanc en contraste, mais aussi par ce qui me paraît être une forme d'intelligence dans son comportement, en particulier lorsqu'elle est en présence de nourriture.
Un autre corvidé ne me laisse pas indifférent, le choucas, plus grégaire, me semble-t-il, que la pie. Et j'apprends que, contrairement à ce que je pensais, le choucas des montagnes, que j'ai observé récemment dans les Alpes, n'est pas un véritable choucas : il faut l'appeler choucard à bec jaune, paraît-il. Si vous passez par Clisson, en Loire-Atlantique, vous entendrez probablement les cris de choucas à proximité du château-fort : belle harmonie, mais un peu lugubre, des hauts murs très anciens et de la couleur sombre des oiseaux bruyants.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Je continue, ne m'en veuillez pas, d'ignorer les « noms d'oiseaux » et reviens aux corbeaux à plumes. J'entends ce matin à la radio que les Néerlandais en éduquent certains à ramasser les mégots : l'animal reçoit un peu de nourriture lorsqu'il dépose un filtre de cigarette dans une sorte d'entonnoir. Et nos amis bataves misent sur une transmission de cet apprentissage de congénère ailé à congénère ailé !
Yacine Zerkoun
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Message par Yacine Zerkoun »

Merci pour vos commentaires. En ce qui me concerne j'aime bien les corbeaux, peut-être parce qu'il y en a beaucoup près de chez moi. Ils on l'habitude de fouiller dans les sac poubelles posés à même le sol.
Je ne connaissais pas le choucas. Je vais faire une recherche sur Internet.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

André (G., R.) a écrit :Savez-vous s'il y a une différence entre le corbeau pie, dont vous parlez, et la banale pie ?
Pas de confusion possible en France, où le corbeau pie est absent.
André (G., R.) a écrit :Un autre corvidé ne me laisse pas indifférent, le choucas, plus grégaire, me semble-t-il, que la pie. Et j'apprends que, contrairement à ce que je pensais, le choucas des montagnes, que j'ai observé récemment dans les Alpes, n'est pas un véritable choucas : il faut l'appeler choucard à bec jaune, paraît-il.
Rectification : c'est le chocard à bec jaune.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Merci, Jacques-André-Albert, pour cette précision et cette rectification, d'autant plus appréciables que je m'inquiétais de ne pas pouvoir vous lire depuis quelque temps.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Merci, André. Je suis toujours présent, moins actif ici et un peu plus sur un autre forum, mais je consulte les messages quotidiennement.
Il se trouve que j'ai longtemps pratiqué l'ornithologie, et que, comme vous pour l'allemand, je suis très attentif à ce qu'il s'écrit sur ce sujet.
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