Suprémaciste

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Jacques-André-Albert
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Suprémaciste

Message par Jacques-André-Albert »

Les journalistes répètent à l'envi ce néologisme. C'est évidemment une faute, peut-être due à une prévalence de l'oral. Tous les mots se terminant par -tie prononcé [si] gardent le t dans les dérivés :
acrobatie, acrobatique, aristocratie, aristocratique (et tous les autres mots en -cratie), diplomatie, diplomatique, etc.
Le problème, c'est que le substantif représentant la personne et correspondant à l'activité a sa finale en -te : acrobate, aristocrate, diplomate... Difficile de se faire comprendre en parlant de « suprémate ».
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

J'ai entendu le mot ce soir à la télévision mais j'étais persuadé qu'il était quand même écrit "suprématiste", avec seulement une prononciation défectueuse.
Mais maintenant que vous pointez du doigt cette orthographe, on en voit la cause : le mot caractérise un courant de pensée essentiellement américain dans sa partie la plus visble, supremacism dont les membres sont évidemment des supremacists.
Grande est la tentation de conserver en partie la forme anglaise du mot :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Supr%C3%A9macisme
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Je crains comme vous que nous n'ayons pas le choix. Supremacist et supremacism sont apparemment aussi des néologismes en anglais, leur C vient de supremacy, suprématie. Or on lit dans le Robert DHLF :

SUPRÉMATIE n. f. est emprunté (1651) à l'anglais supremacy, dérivé de supreme, lui-même emprunté au français suprême*.
• Le mot conserve le sens de l'anglais ; il s'est employé (1651) pour parler de la primauté religieuse du souverain, dans l'église anglicane, aujourd'hui comme terme d'histoire. Il désigne en matière politique et religieuse une situation dominante, et la supériorité d'une personne ou d'une chose sur les autres (1819, en politique).
SUPRÉMATISME n. m., emprunt au russe suprematism (1915), de suprem, mot d'emprunt de même origine que suprême, désigne la théorie artistique et le style pictural du peintre et écrivain russe Malevitch (1878-1935), théorie définie par un manifeste publié en 1915. • SUPRÉMATISTE adj. et n. signifie «adepte du suprématisme» et s'est employé d'abord en parlant de Malevitch (1936, en anglais suprematist).


Bizarrement le DHLF n'explique pas que MALEVITCH choisit le terme suprématisme pour caractériser sa théorie de la supériorité de la couleur sur la forme, voire de la sensibilité humaine sur la machine. On voit en tout cas qu'on est loin du « suprémacisme », idéologie de supériorité et domination, qui affirme qu'une race, un sexe, une classe, une civilisation, une culture, une langue, une religion ou autre (sic) système de croyance… est supérieure (sic) aux autres et doit les dominer, ou est en droit de le faire. (Wikipédia) : je ne pense pas qu'on puisse utiliser le nom du mouvement pictural pour désigner l'idéologie qui défraie actuellement la chronique.

De quoi dispose-t-on alors ? Ethnocratie ? Élitisme ? Aristocratisme ? Ploutocratie ? Aucun de ces termes ne me semble correspondre parfaitement à ce dont il est question.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

« Supérioriser » et « supériorisation » étant attestés dans le DHLF, je propose de traduire supremacism et supremacist par supériorisme et supérioriste (que j'invente).
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Supériorisme et supérioriste me paraissent acceptables. Malheureusement, ce sont les médias au sens large qui font la pluie et le beau temps dans l'introduction des néologismes.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
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Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

Je trouve qu'il serait mieux de donner un second sens à suprématisme et suprématiste, correctement formés, que de créer ce suprémacisme et ce suprémaciste, mi-anglais, mi-français.
Certains journalistes le font :
http://www.courrierinternational.com/ar ... e-bataille
http://www.slate.fr/story/94651/suprema ... eme-droite
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

« Suprématie » ayant été emprunté à l'anglais supremacy, je trouve curieux qu'il ne soit pas devenu « suprémacie » dans notre langue, en 1651 (cf. ci-dessus), alors que s'y trouvaient des mots comme « pharmacie ». Bien entendu ces derniers cohabitaient avec d'autres comme « calvitie », mais je me pose la (vaine) question de savoir si une seule personne n'a pas imposé cette graphie... parce que tel était son bon plaisir !
« Suprématiste » et « suprématisme », bien qu'apparemment créés en russe, me paraissent irréprochables en français quant à leur formation. Mais je ne vois pas en quoi « supériorisme » et « supérioriste » le seraient moins !
Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

J'ai du faire une fausse manœuvre, mon message de réponse ne s'affiche pas. J'abrège :
Le suffixe anglais -acy correspond généralement au suffixe français -atie : diplomacy, aristocracy
Dans pharmacy/cie, -acy/acie n'est pas un suffixe. "c" fait partie de la racine.
Bien que mon message ne répondît qu'au vôtre de 8h34, je préfère reprendre les mots existants suprématie, suprématisme de même racine que le mot anglais correspondant. C'est plus facile.
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Islwyn
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Message par Islwyn »

Bizarrement, je viens de voir au journal numérique de la BBC « a white suprematist (sic) ». Il reste vrai que supremacist est plus fréquent.
Quantum mutatus ab illo
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Pas simple, tout cela !

Effectivement, Leclerc92, dans « pharmacie » -acie n'est pas un suffixe et vous avez raison de le relever. Pour ne rien vous cacher, je dois dire qu'en étant conscient je m'étais demandé dans quelle mesure supremacy, en provenance de l'anglais, devait forcément se voir appliquer la même règle que des mots comme diplomatie ou aristocratie évoluant au sein de notre langue.
Une petite recherche que je viens de faire montre d'ailleurs que dans aristocratie un suffixe est difficile à mettre en valeur, le mot, d'origine grecque, étant composé de aristos, le meilleur, et de -kratia (appelé « second élément » dans le Robert DHLF), venant de l'indoeuropéen kratos, force. Et l'on apprend que « diplomatie » est « formé sur le modèle de aristocratique/aristocratie » (DHLF) : or dans diplomatie on ne trouve pas la racine -kratia !
Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

La remarque sur la difficulté de caractériser un suffixe -atie dans aristocratie est tout à fait pertinente et d'autant plus importante que dans la masse des mots anglais en -acy, un fort contingent vient précisément du suffixe -cracy (en français -cratie).
Il n’empêche que la finale anglaise –acy, qui peut venir de plusieurs finales latines, correspond généralement en français (et en latin) à une finale qui garde le « t », même s’il ne s’agit pas forcément du suffixe –atie.
http://www.etymonline.com/index.php?all ... earch=-acy
Pensons à privacy, papacy, fallacy, adequacy, celibacy, intimacy, immediacy, piracy : privauté, papauté, fausseté, adéquation, célibat, intimité, immédiateté, piratage.
L’anglais supremacy, observé aux environs de 1540, a été formé, nous dit Etymonline, de supreme et du suffixe –acy ou bien directement dérivé du latin supremitatem. Dans les deux cas, un « t » s’impose en français.
L’anglais a eu également supremity, et Godefroy nous apprend que nous avons eu aussi supremité :
http://micmap.org/dicfro/search/diction ... emit%C3%A9
Un texte ancien dit ainsi :
Ils nient l'utilité de l'extreme onction pour le corps, & ne veulent reconnoître la supremité de l'Eglise Romaine, mais donnent cet honneur à celle de Constantinople.
https://books.google.fr/books?id=H7DAtI ... &q&f=false
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Intéressant. Merci.
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