ouè devenu oi
-
- Messages : 7437
- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Re: ouè devenu oi
Un échange intéressant que j'ai découvert ce matin.
Parce qu'il est souvent proche du français du XVIIIe siècle, il me faut évoquer le patois sarthois, où les mots comportant graphiquement « oi » dans la langue contemporaine standard étaient (sont parfois encore) prononcés d'au moins deux manières. Pour (un) pois, le poids, (du) bois, (la) soie, (le) patois, (un) mois, sarthois... c'était [wɔ:]*, tandis qu'on disait [wɛ] (ouè) dans (un) droit, (le) roi, (une) noix, (les) lois, moi, (tu) bois... (Eh non, les homographes « bois », verbe et nom, n'étaient pas homophones !)
« C'est moué qui suis votre roué » n'aurait étonné aucun rural de la Sarthe jusque dans les années cinquante, soixante, bien que la prononciation authentique de cette phrase y ressemblât donc plus précisément à [se.mwɛ.ki.sɥi.vɔt.rwɛ] (C'é mouè qui suis vot' rouè).
* Seul l'API me permet de rendre compte graphiquement du o ouvert de « bol ». C'est à lui, mais dans sa version longue, donc [ɔ:], qu'on a affaire (qu'on avait affaire) dans cette liste.
Parce qu'il est souvent proche du français du XVIIIe siècle, il me faut évoquer le patois sarthois, où les mots comportant graphiquement « oi » dans la langue contemporaine standard étaient (sont parfois encore) prononcés d'au moins deux manières. Pour (un) pois, le poids, (du) bois, (la) soie, (le) patois, (un) mois, sarthois... c'était [wɔ:]*, tandis qu'on disait [wɛ] (ouè) dans (un) droit, (le) roi, (une) noix, (les) lois, moi, (tu) bois... (Eh non, les homographes « bois », verbe et nom, n'étaient pas homophones !)
« C'est moué qui suis votre roué » n'aurait étonné aucun rural de la Sarthe jusque dans les années cinquante, soixante, bien que la prononciation authentique de cette phrase y ressemblât donc plus précisément à [se.mwɛ.ki.sɥi.vɔt.rwɛ] (C'é mouè qui suis vot' rouè).
* Seul l'API me permet de rendre compte graphiquement du o ouvert de « bol ». C'est à lui, mais dans sa version longue, donc [ɔ:], qu'on a affaire (qu'on avait affaire) dans cette liste.
- Claude
- Messages : 9173
- Inscription : sam. 24 sept. 2005, 8:38
- Localisation : Décédé le 24 août 2022. Humour et diplomatie. Il était notre archiviste en chef.
Re: ouè devenu oi
- Elle est tatouée ta vache ?
- Bien sûr qu'elle est à moué.
Avatar : petit Gaulois agité (dixit Perkele)
-
- Messages : 7437
- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Re: ouè devenu oi
En patois sarthois :
« Al'é tatouè(e), ç'te vache ?
—Ben sûr qu'al'é à mouè ! »
« Al'é tatouè(e), ç'te vache ?
—Ben sûr qu'al'é à mouè ! »
- Perkele
- Messages : 11238
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 18:26
- Localisation : Deuxième à droite après le feu
Re: ouè devenu oi
Donc le T est lié dans la question, mais pas dans la réponse. Fais-je erreur ?
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
-
- Messages : 7437
- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Re: ouè devenu oi
La première personne demande « Elle est tatouée, ta vache ? », ainsi que vous l'avez écrit, Claude. Pour que la blague garde son sel, il ne peut s'agir que du participe, employé comme adjectif, du verbe tatouer. Pour ce premier intervenant, la question de la liaison ne se pose pas dans sa phrase, le premier t de « tatoué » est prononcé par tout le monde.
Mais l'interlocuteur ne comprend pas cela : pour lui, le questionneur a dit « elle est à toué », il a entendu une liaison entre deux mots dont l'un, « à », n'a pas été prononcé, ce qu'il prend pour ladite liaison est un élément constitutif de « tatouée ».
La blague n'en serait plus une s'il fallait voir « elle est à toi », avec liaison, dans « elle est tatouée », que dit le premier intervenant.
Quant à la réponse « elle est à moué », la liaison peut indifféremment y être faite ou non, cela ne change rien au jeu de mots.
Dernière modification par André (G., R.) le ven. 27 mars 2020, 10:12, modifié 1 fois.
- Claude
- Messages : 9173
- Inscription : sam. 24 sept. 2005, 8:38
- Localisation : Décédé le 24 août 2022. Humour et diplomatie. Il était notre archiviste en chef.
Re: ouè devenu oi
Tout à fait !André (G., R.) a écrit : ↑ven. 27 mars 2020, 10:02 [...] la liaison peut indifféremment y être faite ou non, cela ne change rien au jeu de mots.
Avatar : petit Gaulois agité (dixit Perkele)
-
- Messages : 1203
- Inscription : mar. 11 sept. 2012, 9:16
Re: ouè devenu oi
Autre réforme de 1835 : le "t" à enfans, élémens...
Je viens de trouver précisément dans la Revue des Deux Mondes un article de 1898 qui en use encore ainsi !
Il est d'ailleurs intéressant et je vous le donne :
https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Or_du_Klondyke
- Jacques-André-Albert
- Messages : 4558
- Inscription : dim. 01 févr. 2009, 8:57
- Localisation : Niort
Re: ouè devenu oi
Je pense que cet exemple est à rattacher à la réalisation variable qu'on fait de cette diphtongue dans moelle, poêle, couenne.Leclerc92 a écrit : ↑dim. 22 mars 2020, 15:50Un article détaille assez bien l'évolution de la diphtongue "oi" :
https://www.persee.fr/doc/roma_0035-802 ... 6_381_2453
On y lit notamment ceci :Mais je crois qu'il est assez isolé à faire cette subtile distinction.Au milieu du xviiie siècle, Dumarsais, dans son article diphtongue (1754) croit reconnaître en oi trois prononciations : « oi prononcé par oe où l'e a un son ouvert qui approche de l'a : foi, loi, froid, toict, moi, à foison, coiffe, oiseau, joie, doigt, doit, abois, toile, etc. ; oi prononcé oa : mois, pois, noix, Troie, etc. prononcez moa, poa, etc. ; oi prononcé par oua : bois (lignum) prononcez boua » (cf. Thurot, t. I, p. 360).
Un peu plus loin :Exemple : couette, n. f . [kwεt] « lit de plume », employé surtout comme terme technique, au sens de « pièce sur laquelle tourne le pivot d'un gond » et comme terme de marine. Issu du latin culcïta « oreiller », ancien français coûte, coite, écrit couet(t)e, notation pour l'ancienne prononciation de la diphtongue oi. Si la graphie couette l'a emporté dans la plupart des dictionnaires modernes, il y a encore nettement concurrence dans les dictionnaires de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle entre les formes couette et coit(t)e et entre la prononciation [wε] et [wa], ainsi dans Littré, Passy x 1914, Barbeau-Rodhe 2 1930. D. G. 1900 sous la vedette couette, coite, recommande la prononciation [kwat] et déclare [kwεt] vieilli. Fouché, Traité de prononciation, 1959, Petit Robert 1970, P. L. I. 1970 et le Grand Larousse 3 1972 recommandent [kwεt].
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
(Montaigne - Essais, I, 24)