Le talent

[David Briand]

Bonsoir,

Avant que je ne développe mon propos - lequel n'est potentiellement pas à sa place ici - j'aimerais vous remercier pour ce que vous faites. Je me suis inscrit il y a quelques mois afin de vous poser des questions auxquelles vous avez répondu avec diligence, bouleversant mes inquiétudes quant à la réactivité du serveur. J'ai parcouru ce forum, lu nombre de sujets, découvert des individus dont la présence n'est malheureusement plus de ce monde. C'est une chose rare que de rencontrer des gens qui partagent des intérêts similaires, et des gens aussi brillants que vous. Passons, si vous le voulez bien. J'aimerais savoir ce qu'est que le talent. Ayant intégré une classe préparatoire il y a quelques mois, j'ai vite compris que je connaissais rien, et que je n'étais hélas qu'un simple individu ainsi que les autres. Je me suis donc demandé pourquoi je faisais tout cela, pourquoi je n'étais pas celui que j'aurais aimé être et comment y remédier, quoique je crains que je ne le puisse. Timide et hésitant à l'âge où certains sont illustres. Pourquoi ? Pouvons-nous expliquer le génie de Chateaubriand ainsi que celui de Stendhal par le hasard ? Pensez-vous que ce soit une chose inexplicable ? J'ai de surcroît compris que je ne pouvais rien créer, il n'existe de fait pas un mot qui soit le mien, une idée qui soit la mienne, une belle phrase qui soit la mienne. Je répète constamment les mêmes mots. Il n'existe pas une belle chose que je puisse dire sans que cette dernière soit la parole d'un homme éminent, qui est indéniablement plus intelligent que moi. Je me dois de faire un peu de philosophie (dissertation), de français (synthèse de texte, résumé) pour mes concours. Qu'est-ce qui fait que l'un aura une meilleure note que l'autre ? Les épreuves que je me dois de réussir représentent des matières dont les résultats sont intangibles, et l'on en vient à se demander ce que l'on fait et pourquoi. J'aimerais être Chateaubriand, disait Hugo. S'il en allait de même avec moi (mon nom de famille est un hasard), que puis-je y faire sinon recopier et m'approprier le génie des autres ? Je suis désolé, je crains que je ne me sois éparpillé à propos d'un sujet qui n'est incontestablement pas à sa place. J'ose cependant l'envoyer - en espérant que vous puissiez y comprendre quelque chose, et me donner votre avis. Je vous souhaite une agréable journée/soirée, et m'excuse de nouveau.

[Leclerc92]

Bonjour David,
Je trouve vos interrogations à la fois très saines mais peut-être paralysantes.
Certes, trop de gens semblent persuadés de leur propre talent ou de leur propre génie alors qu'il paraît souvent assez médiocre à mes yeux, mais l'avantage de cette illusion qu'ils entretiennent (si tant est que c'en soit une, car je ne suis qu'un observateur faillible) est que cela leur donne la force d'entreprendre, ce qui n'est pas rien.
Vous trouvez que beaucoup de choses ont déjà été dites avant vous, et souvent mieux que vous ne sauriez dire. Ce constat de modestie devrait être celui de chacun de nous. Mais c'est tout à fait normal, et le fait de "fréquenter" toutes ces belles paroles de nos prédécesseurs est une phase très constructive de notre apprentissage. Prenez le temps de savourer ces belles paroles, imprégnez-vous en, faites votre tri car elles sont nombreuses et forcément contradictoires, et cela forgera votre originalité.
Ne gardez de votre constat que le côté bénéfique sans désespérer.
Bonne journée.

[David Briand]

Je vous remercie de cette sage réponse. Ce que vous dites est juste quant à une telle illusion, dont je me suis dernièrement séparé. Peut-être cette séparation dont je suis tantôt fier, tantôt effrayé aura-t-elle quelque intérêt, et me permettra-t-elle d'avoir une longueur d'avance sur ceux qui se complaisent dans cette illusion. Peut-être la prise de conscience est-elle nécessaire pour que je puisse progresser. Peut-être n'aurais-je pas dû remettre en question ce mirage d'un génie qui s'agite. Trop de questions auxquelles je n'apporte pas de réponses. J'aurais aimé avoir quelque intelligence grâce à quoi j'aurais écrit ce que vous avez écrit: "très saines mais peut-être paralysantes". C'est si vrai: la prise de conscience étant passée et les choses étant ainsi, la seule chose que je puisse faire, c'est travailler et veiller à ce que l'absence du génie ne devienne pas un prétexte à l'inaction.

Du reste, je me pose une question (ce qui est en italique), que doit-on faire quand l'on est face à "quelque chose", et que l'on souhaite utiliser auquel, lequel... Je sais que l'on dit quelque chose de sacré. Faut-il dire "c'est quelque chose grâce à quoi, grâce auquel, à laquelle.

A défaut de n'avoir que peu de talent, j'ai celui qui consiste à poser des questions là où elles ne doivent guère être posées.

Merci infiniment.

[Perkele]

Plus on déploie ses compétences plus on voit s'étendre la sphère de notre incompétence.

[Leclerc92]

Du reste, je me pose une question (ce qui est en italique), que doit-on faire quand l'on est face à "quelque chose", et que l'on souhaite utiliser auquel, lequel... Je sais que l'on dit quelque chose de sacré. Faut-il dire "c'est quelque chose grâce à quoi, grâce auquel, à laquelle.

Bonne question. L'utilisation de "quoi" a permis de contourner l'obstacle ! En effet, "quelque chose" est plus neutre que masculin pur et dur, ce qui fait que "quelque chose grâce auquel" me gênerait. Si le recours à "quoi" est gênant (parce qu'on l'a déjà utilisé et/ou parce qu'il peut paraître un peu précieux), il est toujours possible de remplacer "quelque chose" par "une chose" : c'est une chose grâce à laquelle...

[David Briand]

Une belle citation qui résume parfaitement ce dont nous parlions. Quant à la question qui concernait "auquel": je comprends désormais et vous en remercie. J'aimerais avoir plus d'informations afin de mieux dessiner les individus avec lesquels je converse. La langue n'est-elle qu'une passion que vous vous réservez ou est-elle un art auquel vous vous êtes déjà initié ? Ecrivez-vous ? Travaillez-vous dans un domaine qui mobilise ces compétences ? Avez-vous fait des études littéraires ? A condition que ce ne soit pas des informations privées, j'aimerais apprendre grâce à vos enseignements, vos lectures, ce que vous qualifiez d'essentiel en ce qui concerne ce dont nous avons parlé jusqu'à présent.

Une question de langue qui n'est pas à sa place (dites-moi s'il faut que cela est dérangeant), laquelle a probablement déjà été traitée par l'un d'entre vous: elle concerne l'impératif avec y, en. Sommes-nous bien d'accord pour dire qu'il faut dire "donne-m'en". Quelle est la règle à suivre ?

Merci

[Leclerc92]

Une question de langue qui n'est pas à sa place (dites-moi s'il faut que cela est dérangeant), laquelle a probablement déjà été traitée par l'un d'entre vous: elle concerne l'impératif avec y, en. Sommes-nous bien d'accord pour dire qu'il faut dire "donne-m'en". Quelle est la règle à suivre ?

Oui, la forme correcte écrite est bien "donne-m'en" et non "donne-moi-z-en" qu'on peut entendre néanmoins souvent et qui n'est pas totalement illogique.
Voir ici :
viewtopic.php?t=2604&start=15
viewtopic.php?t=1861
ou ailleurs :
https://forum.wordreference.com/threads ... ic.129123/

[David Briand]

Merci, je vais essayer de visiter afin de ne pas poser des questions auxquelles vous avez déjà répondu. Tandis que je demandais de l'aide en maths (je répondais plus à son attaque que je ne lui demandais de l'aide), j'ai relu ce que j'avais écrit sans savoir si c'était correct en raison de ce que j'avais vu sur le site de l'Académie française quant à l'utilisation de dont. Voici ce que j'ai écrit: dans cet exemple c'est tout à fait différent
de ce que j'avais pu voir, et de ce dont je suis désormais imprégné. Le message de l'Académie concernait "de dont", ce qui est un fâcheux pléonasme. En voyez-vous un dans ma phrase ? Du reste, que pensez-vous des inversions qui ne sont pas des phrases interrogatives ? J'inverse naturellement avec peut-être et sans doute. En lisant, j'en ai rencontré des centaines dont j'ignorais l'existence (vainement ont-ils, en tout cas, difficilement). Existe-t-il une règle ? Peut-être est-ce un effort qui me permettra de me différencier de ceux qui ne le font point (pour les concours que je prépare, l'expression, la façon d'écrire est prise en compte dans la notation, bien que subsidiaires). Merci

[David Briand]

Du reste, je me pose une question (ce qui est en italique), que doit-on faire quand l'on est face à "quelque chose", et que l'on souhaite utiliser auquel, lequel... Je sais que l'on dit quelque chose de sacré. Faut-il dire "c'est quelque chose grâce à quoi, grâce auquel, à laquelle.

Bonne question. L'utilisation de "quoi" a permis de contourner l'obstacle ! En effet, "quelque chose" est plus neutre que masculin pur et dur, ce qui fait que "quelque chose grâce auquel" me gênerait. Si le recours à "quoi" est gênant (parce qu'on l'a déjà utilisé et/ou parce qu'il peut paraître un peu précieux), il est toujours possible de remplacer "quelque chose" par "une chose" : c'est une chose grâce à laquelle...

Ce que j'ai écrit : "quelque intelligence grâce... vous paraît-il donc juste ?
Dites-moi comment vous l'auriez écrit.
Bonne soirée