Haut-fond

[Jacques-André-Albert]

Entendu plusieurs fois dans un documentaire sur un sous-marin : le sous-marin plonge pour rejoindre les hauts-fonds.

Un rappel, donc : haut-fond, Élévation du fond de la mer ou d'un cours d'eau, recouverte d'une eau peu profonde ou à fleur d'eau, dangereuse pour la navigation.

[Leclerc92]

Malheureusement, la confusion entre bas-fond et haut-fond est ancienne et était même avalisée par l'Académie :
8e édition : BAS-FOND :

Il se dit aussi communément des Endroits de la mer où il y a peu d'eau, où la sonde rencontre promptement le fond. Nous échouâmes sur un bas-fond. Ce bâtiment tire beaucoup d'eau, il ne peut naviguer dans les bas-fonds.

Heureusement, elle précisait quand même :

Les marins le disent plus exactement d'une Élévation au fond de la mer par-dessus laquelle tout bâtiment peut passer et qu'on ne trouve qu'au moyen de la sonde, par opposition aux Hauts-fonds qui atteignent presque la surface de la mer et où les bâtiments risquent de toucher.

Même double sens dans l'édition en cours :
9e édition BAS-FOND :

☆2. MARINE. Endroit de la mer ou d'un cours d'eau où la profondeur de l'eau est faible et où la sonde rencontre promptement le fond (en ce sens, est synonyme de Haut-fond). Échouer sur un bas-fond. Spécialt. Élévation du fond de la mer qui laisse suffisamment de profondeur pour permettre la navigation et ne découvre jamais (en ce sens, s'oppose à Haut-fond).

Pire, le TLFi ne fait de bas-fond qu'un synonyme de haut-fond !
TLFi BAS-FOND :

A.− MAR. Partie du fond de la mer ou d'un fleuve où l'eau est peu profonde. Synon. haut-fond (cf. Barber. 1969) :
1. Enfin, ce fut Grand-Bassam, sur la Côte d'Ivoire, où j'allais. On y toucha à la pointe du jour. Je dis mal : on n'aborda pas, le paquebot stoppa en mer. La houle profonde arrive à la côte sur un bas-fond à pic, le heurte et se brise furieusement. Des baleinières seules peuvent atterrir, maniées à l'aviron par des noirs extraordinairement habiles, familiers de ces ressacs. Pesquidoux, Le Livre de raison,1932, p. 100.

Roger Brunet et al, dans Les mots de la Géographie, notent aussi cette confusion :



La confusion s'explique aisément selon qu'on considère, dans "haut-fond" et "bas-fond", la surface du fond, ou bien la hauteur d'eau, la profondeur. Mais il serait quand même bon qu'on s'arrête maintenant à un seul sens pour éviter les confusions !

[freddy.lombard]

Merci pour l'échange. Même si les plus grands ont commis l'erreur, l'Académie se montre claire.

[Yeva Agetuya]

Pourtant, lorsqu'on parle de bas-fonds au sens social (une oeuvre de Gorki porte ce titre), tout le monde comprend qu'il s'agit de classes inférieures.

[Leclerc92]

Oui, le sens figuré est toujours clair. Mais il est possible que son sens toujours négatif ait induit certains locuteurs à associer les bas-fonds à des conditions négatives en mer comme le fait d'échouer.

[Jacques-André-Albert]

C'est un peu la même interprétation inversée qu'on retrouve dans coupe claire et coupe sombre : dans le cas d'une coupe claire, on abat un maximum d'arbres pour laisser passer la lumière, ce n'est pas un éclaircissage, contrairement à la coupe sombre.

[Perkele]

Et tout ce qu'on a l'habitude de lire le plus souvent dans une tournure négative.
e.g. "cette liste n'est pas exhaustive" ; "exhaustif" résonne dans de nombreux cerveaux comme étaint synonyme d'incomplet.

[Leclerc92]

Ce n'est pas ragoûtant ! Je pense aussi que "ragoûtant" serait souvent décrit comme "dégoûtant" par beaucoup de locuteurs.

Pour revenir sur les incertitudes comme bas-fond, coupe claire/sombre, il y a aussi faire long feu/ne pas faire long feu.