Position du verbe dans les propositions affirmatives

Répondre
Brazilian dude
Messages : 299
Inscription : sam. 06 mai 2006, 19:59

Position du verbe dans les propositions affirmatives

Message par Brazilian dude »

J'ai acheté Les Cerfs-Volants de Kaboul, de Khaled Hosseini, et il y a quelque chose que j'y ai lu qui m'a attiré l'attention. Je voudrais bien que vous me disiez qu'est-ce que vous en pensez. Si quelqu'un a ce livre, que je vous recommande chaudement, c'est le chapitre 5, page 53.

Devant son regard fou, je compris qu'il ne plaisantait pas et projetait réellement de me frapper. Levant le bras, il s'avança vers moi.

Se produisit alors un mouvement vif dans mon dos. Du coin de l'oeil, je vis Hassan se baisser et se redresser. Assef fixa quelque chose derrière moi qui lui fit ouvrir la bouche de surprise.


La phrase dont je voudrais bien avoir des renseignements est celle en gras. Je ne savais pas qu'il était possible de mettre le verbe avant le sujet dans une proposition affirmative en français. Je pensais que l'ordre sujet - verbe - objet s'imposait toujours, ce qui m'a souvent donné l'impression que c'est le français la langue romane à l'ordre la plus rigide de toutes. Pourtant, j'ai trouvé cette structure et je vous demande si c'est du langage courant ou si c'est un artifice littéraire auquel le traducteur a recouru pour rendre la lecture plus agréable. Pour changer l'ordre des mots, j'aurais mis le dummy subject (pardon, je ne sais pas comment l'appeler en français) il avant le verbe: Il se produisit alors un mouvement vif dans mon dos. Serait-il cela idiomatique et grammaticalement correcte?

Merci de votre attention.

Brazilian dude
Avatar de l’utilisateur
Jacques
Messages : 14475
Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum

Message par Jacques »

Je ne peux pas donner d'explication grammaticale, mais cette construction est parfaitement correcte. Elle appartient à la langue littéraire et ne s'utilise pas dans la langue orale. Un mouvement se produisit est plus banal. L'inversion donne plus d'élégance et attire davantage l'attention sur l'évènement : « J'attendais paisiblement sur le quai de la gare ; surgit alors un individu échevelé qui hurlait... ».
Mais on ne peut pas l'utiliser dans tous les cas. On écrira : « Je dormais paisiblement ; un grand bruit éclata soudain... » et il n'est pas possible d'inverser en commençant par le verbe (éclata soudain un grand bruit).
Je suppose que la rhétorique pourrait expliquer cela, je regarderai si je peux trouver mais ce sera difficile.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Avatar de l’utilisateur
Klausinski
Messages : 1295
Inscription : mar. 12 déc. 2006, 23:54
Localisation : Aude

Message par Klausinski »

Le dummy subject semble être ce que nous appelons le pronom impersonnel (celui que l'on retrouve dans "Il pleut", par exemple). La tournure dont vous parlez se retrouve souvent en français, elle n'a rien de fautif, mais elle ne paraît naturelle que dans certaines constructions.

Voici ce que j'ai trouvé dans ma grammaire :

"Dans les phrases assertives, qu'il s'agisse de propositions principales ou indépendantes, l'inversion du sujet est en général facultative. Elle est favorisée par chacun des paramètres suivants, et à plus forte raison par leur conjonction."
[Plusieurs paramètres s'ensuivent, dont :]

- Lorsque certains adverbes, certains groupes circonstanciels, un complément d'objet indirect ou un adjectif attribut sont détachés en tête de phrase. Ma grammaire donne comme exemple :
"Bientôt arrivèrent les premiers invités."
"De la discussion jaillit la lumière."
"Grande fut notre déception."

-"Lorsque des verbes comme venir, survenir, arriver, suivre, rester, etc. [et donc "se produire"], signalent l'existence ou le mode d'existence du référent de leur sujet nominal (ou lorsqu'ils indiquent un mouvement scénique), ce dernier peut également être postposé."
Les exemples donnés sont :
"Viendra le temps où la vache aura besoin de sa queue."
"Entre un garde [didascalie]"

--> "L'effet produit est analogue à celui des constructions impersonnelles qui représentent iconiquement l'existence de l'objet manifesté avant son identification."


J'espère que cet extrait vous a aidé à mieux comprendre cette tournure.
Dernière modification par Klausinski le jeu. 09 déc. 2010, 23:36, modifié 1 fois.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
Avatar de l’utilisateur
Jacques
Messages : 14475
Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum

Message par Jacques »

Voilà des données techniques qui ont le mérite de poser au moins partiellement la règle. Mais c'est quand même subjectif et ressenti plus que raisonné, et cela relève de la tournure idiomatique, donc impossible à codifier ou enfermer dans des limites précises.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Brazilian dude
Messages : 299
Inscription : sam. 06 mai 2006, 19:59

Message par Brazilian dude »

Je suis très content de vos réponses. :) Merci beaucoup.
Répondre