Son et leur

codrila

Message par codrila »

Je ne suis pas non plus une spécialiste de la formation de l'ancien français à partir du latin, mais le lien montre le chapitre traitant de la formation des possessifs en français à partir du latin. Je crois comprendre :

1) - comme en latin, le déterminant possessif 3ème pers correspondant à un possesseur pluriel ( leur, leurs) n'existait pas. En latin, suus servait à dire son, ou leur. les différentes désinences ( variations) permettaient de connaître le genre, le nombre et la fonction:

latin: pluriel. a)Possesseur masculin:sui (nominatif),suos(accusatif)
b)Possesseur féminin: suae( idem) , suas ( idem)

donnent respectivement en ancien français français: a)si, sei,ses
b)ses, sues,soes, soies, seies

- on ne trouve pas de possessif particulier pour indiquer un possesseur pluriel 3ème pers équivalent à leur


2) pour expliquer l'apparition de ce possessif particulier: LEUR

-
La langue d'oïl, au début, plaçait le substantif ou le pronom indiquent le possesseur avant l'objet possédé: comme le cas possessif anglais: the king's palace.
Ainsi


leur sire voulait dire: le seigneur d'eux . cela correspondait au génitif du pronom personnel pluriel , ce qui correspond à l'exemple donné en latin par Brazilian Dude: ILLORUM ( d'eux). Donc au départ c'est un pronom personnel ( dans sa variation complétive) qui a pris une valeur d'adjectif possessif.

Le lien traite ensuite exactement la question que pose Brasilian:
LATIN:
pater amat suos filios = le père aimes SES fils
pater amant suos filios= les pères aiment LEURS fils

mais, pour éviter les équivoques,on avait souvent besoin de recourir aux pronoms personnels ejus, illorum

ex: pater amat SUOS filios , at odit ILLORUM vitia

= le père aime ses fils ( ses propres fils) mais déteste les vices
( d'eux), donc leurs vices. Garder le possessif ( suos) était possible, mais aurait entrainé l'ambiguïté.


l
la langue d'oïl conserva le dérivé de SUUS pour un possesseur singulier: lis père aime ses enfants.
Et elle adopta exclusivement LEUR , dérivé de ILLORUM, ILLARUM , dans le cas où il s'agissait de plusieurs possesseurs:

li enfant aiment leur mère.

Ainsi l'idée de singularité ou de pluralité du sujet possédant se trouva parfaitement marquée.

Au XII et XIII ème siècle , leur était encore véritablement considéré comme un pronom servant de complément au substantif devant lequel il était placé.

ex: li père aiment leur enfanz: pas de s final à leur .
Plus tard,on en vint à le prendre pour un adjectif possessif et on lui donna la marque du pluriel: les pères aiment leurs enfants.
Pour en savoir plus, il faudrait soit des spécialistes qui savent déjà, soit le temps de faire d'autres recherches :)

Je viens de rectifier mes erreurs de cotation . Donc, ce qui apparaît en citation est , bien sûr, tiré du livre. Je n'ai fait qu'une synthèse.[/quote]
Dernière modification par codrila le sam. 17 nov. 2007, 13:32, modifié 1 fois.
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Jacques
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Message par Jacques »

Brazilian dude a écrit : A-t-il été possible dans quelconque période de la langue française (ou même maintenant dans le langage relâché) d'employer son et leur avec leurs valeurs étymologiques?
Oui j'ai vu, je comprends bien cette question, mais je pense que nous ne devons pas nous égarer vers des citations en roumain, suédois, russe, catalan, et des comparaisons grammaticales entre ces langues, qui n'ont pas de rapport avec le français.
Par le passé, des membres ont manifesté leur agacement parce qu'on donnait des citations en anglais, langue qu'ils ne connaissaient pas. Je comprends leur réaction. J'ai bien saisi les exemples donnés en allemand, mais je pense que ces mixités linguistiques ne sont pas du goût de tout le monde. Personne ne doit doit se sentir mis à l'écart, ou en situation d'infériorité.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Jacques
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Message par Jacques »

Intéressante démonstration, Codrila. Nous sommes souvent obligés en français, pour éviter l'équivoque, d'ajouter quelque chose : le père aime ses propres fils, et pas ses fils, qui pourrait amener à se demander : les fils de qui ? Ou encore : il aime ses fils, à elle, qui démontre que ce sont ceux d'une autre personne.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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