de guerre lasse
de guerre lasse
Le dictionnaire des curieux ( 1880) signale que lorsque le locuteur est masculin, il ne doit pas dire "de guerre lasse" mais "de guerre las", ce qui paraît logique mais je ne trouve ceci nulle part ailleurs, les autres ouvrages présentant "de guerre lasse" comme une locution figée. Qu' en pensez-vous?
- Jacques
- Messages : 14475
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Il y a controverse à ce sujet, et ce n'est pas nous, évidemment, qui pourrons démêler l'écheveau. Les uns pensent qu'il y a confusion de genre et de phonétique : de guerre las, las de la guerre, le S de las étant prononcé, ce qui aurait conduit à croire qu'il fallait rapporter l'adjectif à guerre, nom féminin.
Une autre théorie prétend que l'application d'un ablatif absolu latin qui impose l'accord de l'adjectif avec le substantif (je n'ai pas fait de latin, je ne saisis pas bien de quoi il retourne) ferait alors comprendre que guerre lasse désigne une guerre qui s'épuise d'elle-même, qui tombe, qui finit par avorter. Une troisième hypothèse se réfère à une ancienne construction syntaxique qui se trouve sous la même forme dans l'expression « à cœur joie », à la joie du cœur. On devrait alors comprendre « de lasse guerre », lasse étant substantivé : par fatigue de guerre = fatigué de la guerre, à bout de force, de résistance.
Nous devons placer cette locution dans la liste fort nombreuse de celles dont l'origine a été perdue, avec à tire larigot et des quantités d'autres.
J'avoue que les explications ne me paraissent pas toujours bien claires. Ou c'est moi qui suis « bouché » ou c'est l'auteur qui s'embrouille. Je choisis la 2e explication de guerre qui s'épuise, sans pouvoir justifier cette préférence.
Une autre théorie prétend que l'application d'un ablatif absolu latin qui impose l'accord de l'adjectif avec le substantif (je n'ai pas fait de latin, je ne saisis pas bien de quoi il retourne) ferait alors comprendre que guerre lasse désigne une guerre qui s'épuise d'elle-même, qui tombe, qui finit par avorter. Une troisième hypothèse se réfère à une ancienne construction syntaxique qui se trouve sous la même forme dans l'expression « à cœur joie », à la joie du cœur. On devrait alors comprendre « de lasse guerre », lasse étant substantivé : par fatigue de guerre = fatigué de la guerre, à bout de force, de résistance.
Nous devons placer cette locution dans la liste fort nombreuse de celles dont l'origine a été perdue, avec à tire larigot et des quantités d'autres.
J'avoue que les explications ne me paraissent pas toujours bien claires. Ou c'est moi qui suis « bouché » ou c'est l'auteur qui s'embrouille. Je choisis la 2e explication de guerre qui s'épuise, sans pouvoir justifier cette préférence.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Madame de Sévigné
- Messages : 687
- Inscription : ven. 09 oct. 2009, 22:50
- Localisation : Nantes
J' ai consulté le Gaffiot. L' adjectif lassus signifie "épuisé, affaibli". Quant à l' ablatif absolu, très employé en Latin, c' est une tournure équivalant mot à mot à notre proposition participiale ( Romulus régnant ou Rémus tué ), qui sera bien sûr traduit "sous le règne de R" et " A la mort de R". Je n' ai pas trouvé de références pour l' expression concernée mais je choisis moi aussi cette hypothèse qui est de plus optimiste car comme le souligne Mme de Sévigné il n' y a pas de cause extérieure à la fin de la guerre mais elle se lasse elle-même!
- Jacques
- Messages : 14475
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Nous sommes donc tous les trois en harmonie sur le choix de l'hypothétique explication d'un fait qui s'use de lui-même. Je suis d'accord avec notre marquise, cette question est d'un réel intérêt et s'inscrit bien dans nos objectifs de débattre sur les mystères de la langue et ses difficultés.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Le TLFI cite Verlaine et Chateaubriand : tous deux renoncent "de guerre lasse". Je vais donc m'en tenir à la deuxième hypothèse décrite par Jacques.
Toutefois, voici un avis contraire qui mérite au moins d'être lu.
Toutefois, voici un avis contraire qui mérite au moins d'être lu.
- Madame de Sévigné
- Messages : 687
- Inscription : ven. 09 oct. 2009, 22:50
- Localisation : Nantes
-
- Messages : 7437
- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Pour moi le A de « las » n'est pas exactement celui de « rat » ([ra])*, par exemple, mais plutôt celui de « pâtes » ([pɑ:t])*, je ne prononce pas strictement de la même manière « la » et « là » d'une part, « las » d'autre part (en patois sarthois [la] et [lɔ] [voyelle identique à celle de « tort »]). Mais je sais que cela me vaudra bientôt d'être présenté dans un cirque !
La confusion entre le masculin et le féminin de l'adjectif, par la présentatrice, est tout de même étonnante.
* L'alphabet phonétique international distingue bien, pour la langue française, [a] et [ɑ] : avez-vous utilisé [ɑ] pour marquer que Mme COLUCCI avait fait cette distinction ?
La confusion entre le masculin et le féminin de l'adjectif, par la présentatrice, est tout de même étonnante.
* L'alphabet phonétique international distingue bien, pour la langue française, [a] et [ɑ] : avez-vous utilisé [ɑ] pour marquer que Mme COLUCCI avait fait cette distinction ?
- Islwyn
- Messages : 1492
- Inscription : sam. 16 févr. 2013, 12:09
- Localisation : Royaume-Uni (décédé le 9 mars 2018)
Dans un cirque ? Je vous y rejoindrai !
J'appris au lycée la distinction entre, p. ex., chasse et châsse, mat et mât, etc., et la disparition de [ɑ] du français parlé moderne me désole. Comment oublier le serveur de restaurant qui me proposa un jour des pattes fraîches !
Pour las aussi je prononce comme vous, ayant cessé il y a longtemps de me demander pourquoi il ne comporte pas de circonflexe !
J'appris au lycée la distinction entre, p. ex., chasse et châsse, mat et mât, etc., et la disparition de [ɑ] du français parlé moderne me désole. Comment oublier le serveur de restaurant qui me proposa un jour des pattes fraîches !
Pour las aussi je prononce comme vous, ayant cessé il y a longtemps de me demander pourquoi il ne comporte pas de circonflexe !
Quantum mutatus ab illo
J'ai marqué par [ɑ] la prononciation théorique de las et lasse, mais je ne me rappelle pas distinctement si la présentatrice a dit [las] et [lɑs] ; seule la présence du "s" sonore a attiré mon attention.
P.-S. : il risque d'y avoir beaucoup de monde sur la piste de votre cirque car je prononce évidemment comme vous en faisant la distinction entre le "a" de las et rat ! Probablement une question de génération...
P.-S. : il risque d'y avoir beaucoup de monde sur la piste de votre cirque car je prononce évidemment comme vous en faisant la distinction entre le "a" de las et rat ! Probablement une question de génération...
-
- Messages : 7437
- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Je note cette harmonie au sein d'une génération !
- Jacques-André-Albert
- Messages : 4645
- Inscription : dim. 01 févr. 2009, 8:57
- Localisation : Niort
-
- Messages : 7437
- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Vous m’avez permis, Leclerc92, de découvrir ce fil. « Ce n'est pas nous, évidemment, qui pourrons démêler l'écheveau », écrivait Jacques. J’en suis persuadé. Je souhaite cependant signaler ma préférence pour la première des trois théories qu’il avait présentées. La deuxième me semble avoir deux inconvénients : « lasse » qualifiant la guerre est un peu étrange, cela avait été dit. Mais surtout personne n’avait relevé qu’on ne voit guère alors quoi faire de la préposition « de » : le passage de « J’ai agi de guerre lasse » au mystérieux « J’ai agi de la guerre qui s’épuise », qui devrait être à peu près son synonyme, ne le montre-t-il pas ?
La préposition se justifie davantage si elle introduit le complément de « lasse ». Évidemment la difficulté vient alors du féminin. Mais je constate qu’il est proche du masculin « lassé » et il est dit que le S de « las » a été prononcé jadis (notre moderne « hélas ! », composé de « hé » et de « las », en témoigne vraisemblablement) : cette ancienne prononciation unique [lɑ:s] pour « las » et « lasse » ne mérite-t-elle pas d’être prise en compte ? Elle pourrait expliquer que « lasse » ait été figé sous cette graphie dans « de guerre lasse ».
La préposition se justifie davantage si elle introduit le complément de « lasse ». Évidemment la difficulté vient alors du féminin. Mais je constate qu’il est proche du masculin « lassé » et il est dit que le S de « las » a été prononcé jadis (notre moderne « hélas ! », composé de « hé » et de « las », en témoigne vraisemblablement) : cette ancienne prononciation unique [lɑ:s] pour « las » et « lasse » ne mérite-t-elle pas d’être prise en compte ? Elle pourrait expliquer que « lasse » ait été figé sous cette graphie dans « de guerre lasse ».