collégial/collégialité

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cyrano
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collégial/collégialité

Message par cyrano »

Bonjour à tous,

Avez-vous déjà entendu, par exemple à propos d'un collègue qui n'aime guère collaborer avec les autres ou qui crée une mauvaise ambiance de travail: "Il n'a pas le sens de la collégialité" ou "Il n'est pas très collégial"? Et est-ce que cela vous dérange?

Ou encore: "Dans un souci de bonne collégialité, je vous demanderais de..."
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Klausinski
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Message par Klausinski »

J'ai déjà entendu parler d'ambiance collégiale et, je crois bien, de travail effectué de façon collégiale, expressions auxquelles je n'avais pas prêté particulièrement attention jusque-là et qui ne me choquent pas. Cependant, les phrases que vous citez ne me paraissent pas naturelles, j'ai l'impression qu'elles sont calquées de l'anglais.
Dictionary.com définit ainsi le mot collegiality : cooperative interaction among colleagues, c'est-à-dire, si je ne traduis pas mal, « coopération des collègues ».
Je dirais : « Il n'a pas le sens du travail en commun » ou du « travail d'équipe ». Selon les contextes, les mots collegial et collegiality doivent pouvoir se traduire par « bonne entente », « esprit de collaboration » ou « de coopération ».
Toutefois, l'emploi de collégialité peut sans doute se défendre.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
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Jacques
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Message par Jacques »

Je suis depuis longtemps retiré de la vie active, je n'ai plus de collègues. Je n'ai jamais entendu ou lu de phrases de ce genre. Je me reporte donc au Petit Robert pour la définition de collégial : 1 Qui a rapport à un collège de chanoines. 2 Exercé par un collège, un groupe.
Le dictionnaire historique rattache collège et collègue à une origine commune, lex « loi » : collega, qui partage la loi, qui exerce une fonction identique dans un corps de magistrats ; mais les deux mots ont pris des sens différents, bien qu'on y trouve l'idée d'origine de prêtres ou magistrats ayant une même fonction.
Étymologiquement, l'adjectif ne pourrait pas être considéré comme impropre quand il désigne les rapports entre collègues, mais ce sens n'a pas été reconnu par l'usage. Définition de l'Académie :
Qui a rapport à un collège de chanoines. Une église collégiale ou, subst., une collégiale, une église qui, sans être cathédrale, possède un chapitre de chanoines. Chapitre collégial, chapitre de chanoines établi dans une église qui n'est pas cathédrale. 2. Qui relève d'un collège, d'un corps constitué. Les structures collégiales. Une décision collégiale. Une direction collégiale, où les décisions sont prises par un collège, par plusieurs membres égaux.
Les emplois que vous citez, Cyrano, ne paraissent pas conformes. Bien sûr, on peut extrapoler en pensant que la phrase, « Il n'est pas collégial », signifie « Il n'a pas l'esprit de coopération de groupe », selon la définition anglaise rapportée par Klausinski. Mais si vous dites cela à quelqu'un je crois qu'il ne comprendra pas le sens.
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cyrano
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Message par cyrano »

Merci pour vos réponses intéressantes.

J'ai récemment utilisé "collégialité" dans ce sens-là et quelqu'un m'a fait remarquer qu'on n'était pas dans un collège. Il a raison: collégial(ité) se rapporte à collège, et non à collègue, comme le rappelle Jacques.

Mais, en Belgique en tout cas, il me semble que cette étymologie est de moins en moins perçue (je reconnais que j'ai moi-même dû vérifier) et que ces termes s'appliquent de plus en plus à des relations entre collègues. La proximité formelle entre collège et collègue favorise cette confusion, d'autant plus qu'il n'y a plus beaucoup de collèges, de chanoines ou autres... En revanche, il nous manque un terme en français pour désigner les relations entre collègues, ce qui peut expliquer pourquoi collégial a tendance à glisser vers ce sens-là, peut-être aussi sous l'influence de l'anglais.

Je serai en tout cas attentif à ne pas le faire à l'écrit et dans un contexte formel puisque ce n'est pas attesté. Mais je parie mes bottes et mon chapeau que c'est une évolution inéluctable qui est en marche... :wink:
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Claude
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Message par Claude »

cyrano a écrit :[...] Mais je parie mes bottes et mon chapeau que c'est une évolution inéluctable qui est en marche... :wink:
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Jacques
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Message par Jacques »

Je pense aussi que l'évolution de sens est inéluctable, d'autant qu'étymologiquement elle peut se justifier. Il a dû y avoir dans l'histoire de la langue bien d'autres cas semblables.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

cyrano a écrit :La proximité formelle entre collège et collègue favorise cette confusion, d'autant plus qu'il n'y a plus beaucoup de collèges, de chanoines ou autres...
En Belgique, je ne sais pas, mais en France, les collèges ne manquent pas : c'est le passage obligé des enfants entre onze et quinze ans avant de passer au lycée.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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Jacques
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Message par Jacques »

Cette notion n'existait pas jadis. Je suis passé de l'école primaire au lycée sans intermédiaire. Si je ne me trompe, les collèges étaient des établissements privés mais je ne suis sûr de rien.
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Claude
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Message par Claude »

Nous disions, un peu par logique, qu'à l'issue du primaire, après avoir brillamment :lol: été reçus au certif, nous continuions en secondaire.
Dernière modification par Claude le jeu. 20 déc. 2012, 10:48, modifié 1 fois.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Je dois faire partie d'une tranche d'âge entre deux réformes, comme beaucoup depuis la deuxième guerre mondiale : pas de certificat d'études, mais passage direct de l'école primaire au lycée (à dix ans à peine, s'i vous plaît :wink: ) ; le collège, d'abord appelé couramment CEG, ne sera mis en place que quelques années plus tard.
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cyrano
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Message par cyrano »

Jacques-André-Albert a écrit :
cyrano a écrit :La proximité formelle entre collège et collègue favorise cette confusion, d'autant plus qu'il n'y a plus beaucoup de collèges, de chanoines ou autres...
En Belgique, je ne sais pas, mais en France, les collèges ne manquent pas : c'est le passage obligé des enfants entre onze et quinze ans avant de passer au lycée.
Oui, c'est vrai, je ne pensais pas à ce collège-là, qui n'existe pas chez nous.
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Message par JR »

Lors des élections syndicales, j'ai connu les collèges électoraux : le collège ouvriers-employés élisait ses représentants, le collège cadres élisait les siens, les représentants de la direction étaient nommés.
L’ignorance est mère de tous les maux.
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Jacques
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Message par Jacques »

Ayant été moi aussi représentant du personnel et délégué syndical, je me rappelle maintenant ces appellations de « collège cadres » et « collège employés » que j'avais quasiment oubliées. Je pense que le mot collège évoque ici l'idée de groupe, de collectivité.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Message par jarnicoton »

On a trouvé en passant par une acception plus anglaise que française, le moyen de placer le mot "collégial" qui fait plus distingué que "collectif", et qui évoque une assemblée plus relevée ; "collégial" évoque des gens d'un certain niveau, et "collectif" de simples quidams. Ma foi, je ne cherche pas plus loin l'explication.
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Jacques
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Message par Jacques »

jarnicoton a écrit :On a trouvé en passant par une acception plus anglaise que française, le moyen de placer le mot "collégial" qui fait plus distingué que "collectif", et qui évoque une assemblée plus relevée ; "collégial" évoque des gens d'un certain niveau, et "collectif" de simples quidams. Ma foi, je ne cherche pas plus loin l'explication.
Elle est plausible, l'anglomanie étant déjà par elle-même une manifestation de snobisme.
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