Coupures des mots

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GB-91
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Coupures des mots

Message par GB-91 »

Il y a vingt ans, L’Express lançait la détestable mode des abréviations en bas de casse (Sncf, Ratp, Edf, Urssaf…).
Plus tard il y eut dans la presse quotidienne et hebdomadaire la mode plus détestable encore des colonnes de texte non justifiées qui donnent une impression d’inachevé et dont la lecture fatigue les yeux.
Aujourd’hui, dans la même presse, on assiste à l’insoutenable cortège des coupures de mots fantaisistes.
Le Monde, que je lis assidument, nous en offre une belle dans son numéro daté de dimanche 23 décembre : étai-ent.
Auparavant, j’avais relevé « la multiplic-ation » et une autre du style 1 250 354-654,30 €. Et s’il n’y avait que ce titre…

Les coupures de mots relèvent de règles logiques autant que de la jugeote de l’opérateur. Que disent les règles ?
On ne coupe pas un mot court de deux syllabes (sauf exception) – On coupe après la deuxième lorsqu’il y en a trois, après la troisième lorsqu’il y en a quatre ou cinq. Ensuite, on en vient aux obligations et interdictions.
Je veux bien convenir que la règle des coupures de mots n’est pas simple et que de nombreux cas sont laissés à l’appréciation de l’opérateur. Mais, justement, celui qui est au clavier devrait savoir que si « n’a-vaient » est toléré, avai-ent ou a-vaient ne l’est pas.

Petit rappel :
Règle numéro un : désactiver la coupure automatique de Windows qui n’obéit à aucune logique et aucune règle, qui « bourre la ligne » et nous offre des coupures de deux lettres fines (li-vraison, fi-nale) qui sont proscrites alors qu’elles sont tolérées avec des lettres larges et seulement dans les petites justifications (ma-tériel, mo-dèle).
Pas de coupure aux mots de moins de six lettres.
On cherchera à couper sur la syllabe qui permet de comprendre avant de l’avoir lue la partie renvoyée à la ligne (désintoxi-cation, particula-rité).
Pas plus de trois coupures successives.
On ne coupe pas un mot écrit en lettres capitales.
Pas de coupure entre deux voyelles sauf pour les mots comme anti-aérien ou pré-adolescent.
On favorisera la coupe étymologique plutôt que syllabique : trans-action préférable à tran-saction (j’ai lu récemment suba-quatique).
Il est toujours délicat de couper un mot de deux syllabes, excepté s’il est constitué de lettres larges : com-mun. Un mot constitué de lettres fines ne se coupe pas : li/ber/té reste indivisible (dans tous les sens du terme).
Pas de coupure dans un nom propre. On peut couper un prénom composé (Jean-Paul) mais on évitera de séparer le prénom du patronyme.
On peut couper « mon-sieur Tartempion » mais pas « monsieur / Tartempion ».
L’usage veut que l’on cherchera à couper sur les lettres redoublantes : com-munauté, occur-rence, mail-lage.
Les lettres x et y ne se coupent pas si elles sont précédées et suivies d’une voyelle : ta/x/ation, mo/y/enne… La coupure est admise devant une consonne : sex-tan, asy-métrique.
On ne coupe pas après l’apostrophe, même au milieu d’un mot : aujourd’/hui, se coupe aujour-d’hui.
On coupe avant le t euphonique « marche- t-il » ou « verra- t-on ».
On doit couper « c’est-à- dire » et non pas « c’est- à-dire ».
On ne renvoie pas etc à la ligne. Surtout s’il s’agit d’une ligne creuse.
On ne coupe pas une somme et on ne la sépare pas de son intitulé en renvoyant € ou kilomètres à la ligne. Dans les sommes importantes, on tourne la difficulté en écrivant millions ou milliards au long, ce qui permet la coupure mil-lions.

Je n’ai pas la prétention de vous apprendre quelque chose de nouveau mais il est toujours bon de se remettre ces détails en tête.
Surtout un jour de Noël. Joyeuses fêtes à tous, GB.
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Jacques
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Message par Jacques »

J'ai déjà constaté ces coupures insolites, et sans qu'on soit un spécialiste elles choquent l'œil. Mais il me semble qu'elles peuvent être évitées avec la simple option de justification du texte.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Jacques-André-Albert
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Re: Coupures des mots

Message par Jacques-André-Albert »

GB-91 a écrit :La coupure est admise devant une consonne : sex-tan, asy-métrique.
Je suis très surpris de ce dernier exemple : il se décompose plutôt en a-symétrique.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
GB-91
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Message par GB-91 »

Jacques a écrit :J'ai déjà constaté ces coupures insolites, et sans qu'on soit un spécialiste elles choquent l'œil. Mais il me semble qu'elles peuvent être évitées avec la simple option de justification du texte.
D’accord avec vous. Mais il faudra que je me contraigne à composer en lignes non justifiées. Le problème est alors résolu puisqu’il n’y a plus de coupure de mots, la machine nous conduit à la ligne hors de notre volonté. L’avantage du traitement de texte sur mesdames Underwood et Remington, c’est justement de fournir des lignes justifiées et donc comportant des coupures. Quand la répartition des espaces les amène à la valeur du cadratin, je pense que la coupure de mot s’impose. C’est le cas lorsqu’en fin de ligne on tombe sur un mot long dont la dernière lettre ne rentre pas dans la justif. Si le texte est de ma plume, je cherche quel verbe peut être remplacé par un plus court ou inversement j’ajoute un adverbe un peu moins long que le mot qui fait blocage. Ou alors, je coupe le mot long. Dans tous les cas de figure, je m’en tiens au texte justifié, base de la typographie de grand-père Gutenberg.
GB-91
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Re: Coupures des mots

Message par GB-91 »

Jacques-André-Albert a écrit :
GB-91 a écrit :La coupure est admise devant une consonne : sex-tan, asy-métrique.
Je suis très surpris de ce dernier exemple : il se décompose plutôt en a-symétrique.
Oui, mais la coupure étymologique est interdite dans ce cas puisqu’il n’y a qu’une lettre. Couperiez-vous a-synchrone, é-lastique ou a-trabilaire ?
Hippocampe
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Message par Hippocampe »

Si vous utilisez Excel, vous savez qu'on peut contenir un long texte dans sa cellule en demandant le retour automatique à la ligne (dans format de cellule / alignement) mais vous n'êtes pas maître de l'endroit ou des endroits où Excel choisira de mettre un retour à la ligne.
Si vous voulez imposer l'endroit d'un retour vous le pouvez en double-cliquant sur la cellule, ce qui a pour effet de faire entrer le curseur dans le texte de la cellule, puis en amenant le curseur là où vous voulez établir la coupure puis en tapant Alt-Entrée.

C'est d'ailleurs pareil en plus simple dans Word: Alt-Entrée.
Dernière modification par Hippocampe le mar. 25 déc. 2012, 11:53, modifié 1 fois.
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Ce message est à garder précieusement. Il semble que vous faites le tour de la question.
Je crois avoir aussi entendu dire que la plupart de ces coupures s'expliquent par le souci qu'il n'y ait pas d'ambiguïté quant à la prononciation de la première partie du mot. La coupure « c'est-à -dire », par exemple, permet de bien faire la liaison. Couper entre des lettres doubles a le même avantage, en plus de présenter une symétrie et d'être donc plus agréable à l'œil. Mais en voyant certains de vos exemples, je me demande si cette justification se tient vraiment. Les coupures « mail-lage » ou « trans-action » sont ambiguës. On pourrait prononcer la première partie « mèl » ou « trance ». Savez-vous si l'argument de la prononciation est ou n'est pas fantaisiste ?
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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Message par GB-91 »

Klausinski a écrit :Ce message est à garder précieusement. Il semble que vous faites le tour de la question.
Je crois avoir aussi entendu dire que la plupart de ces coupures s'expliquent par le souci qu'il n'y ait pas d'ambiguïté quant à la prononciation de la première partie du mot. La coupure « c'est-à -dire », par exemple, permet de bien faire la liaison. Couper entre des lettres doubles a le même avantage, en plus de présenter une symétrie et d'être donc plus agréable à l'œil. Mais en voyant certains de vos exemples, je me demande si cette justification se tient vraiment. Les coupures « mail-lage » ou « trans-action » sont ambiguës. On pourrait prononcer la première partie « mèl » ou « trance ». Savez-vous si l'argument de la prononciation est ou n'est pas fantaisiste ?
Je m’en tiens à la prononciation « mentale » et non pas « orale ». Il me semble évident que s’il s’agit d’un texte appelé à être lu par exemple à la tribune ou même en classe, j’éviterai les coupures au moment de la composition afin d’en rendre la lecture orale plus claire. Mais là, il s’agit essentiellement de l’écrit et, cette fois encore, c’est la jugeote qui aide à prendre une décision.
En choisissant « mail-lage » pour exemple, je n’ai pas du tout pensé aux z’i-mêles que l’on échange à l’aide d’Outlook Express. Et j’ai retenu trans-action parce qu’il est donné en exemple dans le code typo.
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Klausinski
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Message par Klausinski »

J'ai du mal à distinguer la prononciation orale de la prononciation mentale. Quand je lis un texte en silence, les sons résonnent malgré tout dans mon esprit. Vous semblez confirmer que l'argument n'est pas fantaisiste ; dans ce cas, les coupures permises devraient, ce me semble, évoluer avec la langue, et, puisque nous avons à présent mails et transsexuels, il nous faudrait éviter mail- et trans-.
Qu'en est-il des coupures après « cul » ou « con », sont-elles également proscrites au nom de la pudeur ? À moins justement qu'on ne les évite pour éviter une mauvaise prononciation (car le cul de cul-terreux n'est pas celui culture et le con de condisciple, pas celui de connaître).
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Jacques
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Message par Jacques »

Autant que je puisse le constater, dans Word la justification interdit les coupures, les espaces sont calculés pour éviter la césure en fin de ligne, alors que ce n'est pas le cas avec Quark Xpress, le logiciel des imprimeurs : même en justification, il aboutit à des coupures pas toujours très heureuses, et dans ce cas je fais comme vous l'expliquez, j'essaye de modifier mon texte en choisissant mes mots pour tomber juste.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Hippocampe
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Message par Hippocampe »

Vous pouvez imposer une coupure la où vous voulez.
Ai lieu d'écrire anticonstitutionnellement, vous écrivez
anti-constitutionnellement
vous cliquez entre le - et le c puis vous faites Alt-Entrée.
Word n'éprouvera plus le besoin de mettre une coupure quelque part au petit bonheur la chance.
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Jacques
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Message par Jacques »

Hippocampe a écrit :Vous pouvez imposer une coupure la où vous voulez.
Ai lieu d'écrire anticonstitutionnellement, vous écrivez
anti-constitutionnellement
vous cliquez entre le - et le c puis vous faites Alt-Entrée.
Word n'éprouvera plus le besoin de mettre une coupure quelque part au petit bonheur la chance.
Comme je l'ai expliqué, je n'ai pas de coupures hasardeuses avec Word, et même pas de coupures du tout. Je m'étonne que certains d'entre vous puissent en avoir : la justification interdit les césures en fin de lignes.
La seule coupure qui se produit est celle des mots à trait d'union ; par exemple, on peut avoir peut- en bout de ligne, et être au début de la suivante. Il suffit de supprimer le trait d'union, puis d'insérer un trait d'union insécable, et le mot composé entier se retrouve au début de la ligne suivante.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Message par GB-91 »

Klausinski a écrit :J'ai du mal à distinguer la prononciation orale de la prononciation mentale. Quand je lis un texte en silence, les sons résonnent malgré tout dans mon esprit. Vous semblez confirmer que l'argument n'est pas fantaisiste ; dans ce cas, les coupures permises devraient, ce me semble, évoluer avec la langue, et, puisque nous avons à présent mails et transsexuels, il nous faudrait éviter mail- et trans-.
Qu'en est-il des coupures après « cul » ou « con », sont-elles également proscrites au nom de la pudeur ? À moins justement qu'on ne les évite pour éviter une mauvaise prononciation (car le cul de cul-terreux n'est pas celui culture et le con de condisciple, pas celui de connaître).
La prononciation orale se pratique lorsqu’on a un interlocuteur, ce qui conduit à opérer les liaisons et les nuances du langage parlé : « avant-t’hier, les zoiseaux z’étaient t’apeurés, ils z’ont t’appris à leurs dépens les risques z’encourus en présence du chat ». Dans la prononciation mentale, en plus des liaisons, j’ajoute intérieurement (parfois à voix basse) les pièges, les accords, les obligations : « avant-hier, les oiseaux étaient apeurés (é-s), ils ont appris à leurs dépens (pluriel) les risques encourus (u-s) en présence du chat ».

Cul et con sont des gros mots. Qu’il s’agisse de cul-ture ou de con-disciple, de cul-de-jatte ou de con-seilleur, je ne voudrais pas vous cul-pabiliser de manière con-sensuelle, disons pour faire simple qu’il est préférable de chercher à couper après la deuxième syllabe, manière élégante d’éluder à moindres risques.
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Je vous remercie de ces précisions, GB-91.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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