ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS AUX ÉTATS-UNIS

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André (G., R.)
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ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS AUX ÉTATS-UNIS

Message par André (G., R.) »

L’épouse américaine de mon fils est professeure de français à l’université d’Elon (Caroline du Nord) et publie une enquête de Newsweek montrant, si j’ai bien compris, que les enseignements, bizarrement groupés, du français, de l’allemand et du latin sont tout à fait en vogue aux États-Unis. Comme beaucoup d'autres, je me dis parfois, à constater combien notre langue peut être populaire ailleurs que dans les pays francophones, que son envahissement par l’anglais tient au moins autant à notre snobisme, à notre suivisme, à certaines formes de lâcheté et de paresse qu’à la volonté des Anglo-américains de coloniser linguistiquement le monde.

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Jacques
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Message par Jacques »

C'est bien l'explication généralement avancée : ce ne sont pas les Anglais ou les Américains qui cherchent à nous envahir avec leur langue, ce sont les francophones eux-mêmes qui l'introduisent chez nous.
Excusez-moi, je ne veux pas vous infliger une vexation, mais est-ce par distraction que vous écrivez professeure ?
L'Académie ne reconnaît que cinq mots en -eur qui fassent leur féminin en -eure : majeur, mineur, inférieur, supérieure, prieur.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Oui, c'est bien volontairement que j'écris "professeure" et je voudrais faire deux remarques.
J'avais indiqué ma position favorable à la féminisation des épicènes masculins en -eur dans l'une de mes premières interventions, en février dernier si ma mémoire est bonne, mais le fil concerné m'échappe aujourd'hui : je suis ici logique avec moi-même et je sais bien que l'Académie n'accepte pas (encore ?) cela. Nous avions alors parlé de nos cousins québécois et suisses, qui ont franchi le pas. J'avais ajouté que je n'en fais pas un casus belli !
Vous ne me vexez aucunement si vous relevez une erreur que je commets, je souhaite au contraire qu'il en soit ainsi le cas échéant !
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Jacques
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Message par Jacques »

Je suis très respectueux de la liberté d'opinion d'autrui, donc de la liberté de choix, et j'ai toujours des scrupules, ma plus grande crainte étant de vexer. Je ne me rappelais pas que nous ayons discuté de l'affaire, je tâcherai de me rappeler quelle est votre position à ce sujet. Quel dommage que Cyrano ne fréquente plus le forum, lui qui était favorable aux néologismes. J'aurais aimé savoir s'il penchait aussi vers cette tendance.
Il y a quand même une réserve : vous suivez les prescriptions de l'Office québécois de la langue française mais un point qui me chagrine, c'est qu'il préconise aussi la féminisation en -eure des mots qui finissent par -teur, et là c'est une faute ; on ne dit pas une instituteure, une agriculteure mais institutrice, agricultrice. Et quand il recommande amateure au lieu d'amatrice comme nous commençons à le dire en Europe, je pense qu'il y a dérapage.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Comment ne pas vous approuver ? Pour des mots comme « agriculteur », je ne suis (évidemment !) pas d’accord avec l’Office québécois et je me demande bien qui a eu cette idée saugrenue. Il faut par ailleurs remarquer que des mots comme « instituteur », « amateur » et « agriculteur » ne sont pas épicènes : leur féminin existe depuis toujours.
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Jacques
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Message par Jacques »

Pour amateur, ce sont je crois Jean-Jacques Rousseau et saint François qui ont les premiers utilisé le féminin amatrice, mais ils furent probablement les seuls car ce féminin pourtant bien régulier n'a pas pris. L'Académie le donne toujours comme mot masculin (et donc sans féminin).
En Europe francophone, on voit donc resurgir amatrice, le phénomène étant récent. Il n'y a pas de raison de le rejeter, il est parfaitement formé selon la règle. C'est pourquoi cet amateure québécois m'irrite, car il se trouve des francophones européens, en tout cas des Français, pour l'utiliser contre toute logique grammaticale.
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shokin
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Message par shokin »

Jacques a écrit :L'Académie ne reconnaît que cinq mots en -eur qui fassent leur féminin en -eure : majeur, mineur, inférieur, supérieure, prieur.
Et les suivants ?

intérieur, extérieur, postérieur, antérieur
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Jacques
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Message par Jacques »

Nous parlons de noms de fonctions. Vous donnez des adjectifs. Le seul de votre liste qui s'emploie comme substantif est postérieur de genre masculin, sans féminin ; et ce n'est pas un nom de fonction. En revanche on peut dire une majeure, une mineure, une supérieure, une inférieure, une prieure.
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shokin
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Message par shokin »

Ah ! j'avais pensé que vous parliez de mots. Le malentendu est levé.
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Jacques
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Message par Jacques »

shokin a écrit :Ah ! j'avais pensé que vous parliez de mots. Le malentendu est levé.
C'est toujours cela de gagné. Mais les noms de fonction sont des mots. J'ai mal choisi le terme. J'aurais dû donner une autre dénomination pour éviter la confusion.
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Re: ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS AUX ÉTATS-UNIS

Message par GB-91 »

André (Georges, Raymond) a écrit :L’épouse américaine de mon fils est professeure de français à l’université d’Elon (Caroline du Nord) et publie une enquête de Newsweek montrant, si j’ai bien compris, que les enseignements, bizarrement groupés, du français, de l’allemand et du latin sont tout à fait en vogue aux États-Unis. Comme beaucoup d'autres, je me dis parfois, à constater combien notre langue peut être populaire ailleurs que dans les pays francophones, que son envahissement par l’anglais tient au moins autant à notre snobisme, à notre suivisme, à certaines formes de lâcheté et de paresse qu’à la volonté des Anglo-américains de coloniser linguistiquement le monde.

Un repère :
Dans les années quarante, peu de temps après la Libération, on a vu apparaître dans les kiosques un mensuel au format de poche appelé Selection du Reader’s Digest qu’on appelait d’ailleurs « le Reader’s Digest » alors qu’aujourd’hui on dit « Sélection » et le mot a gagné un accent.
Deux ou trois ans plus tard, un scientifique nommé André Labarthe se posait en concurrent en publiant Constellation dont le numéro un donnait le ton dans son éditorial. Je n’ai plus les termes en mémoire mais j’ai le souvenir que Labarthe dénonçait l’envahissement par l’Oncle Sam de l’Europe affaiblie, redevable et honteuse. Notamment l’envahissement par la langue. Car le Reader’s Digest était publié dans toutes les langues d’Europe occidentale. Il fallait faire entrer dans les têtes les modes de vie américains, amener les citoyens européens à raisonner comme les Américains. Labarthe allumait donc un contre-feu.
Labarthe a été accusé d’être communiste, ce qu’il n’était pas. Mais il bénéficiait du soutien de la presse de gauche et des critiques engagés derrière des journaux comme Combat ou Les Nouvelles littéraires.
La revue Constellation a connu de belles heures avant de tomber dans l’oubli, à la fin des années soixante.
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Jacques
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Message par Jacques »

J'étais encore enfant à l'époque, au seuil de l'adolescence, et je m'en souviens très bien. Sans trop savoir pourquoi j'avais une préférence pour Constellation, dont le sous-titre était, je crois, Le monde vu en français.
J'y sentais quelque chose qui le rendait différent de Sélection et qui attirait ma sympathie. Je pense, à la lumière de ce que vous dites, que je le sentais plus familier et typiquement français.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Lorsque j’avais entre huit et douze ans, peut-être, mon père ramenait parfois le Reader’s Digest de son lieu de travail. C’était pour moi quelque chose d’exotique que j’aimais bien feuilleter, j’étais attiré par certains sujets faciles, je ne comprenais guère qu’il s’agissait de condensés de livres, encore moins qu’une langue, et une culture un peu différente de la mienne, toutes deux possiblement envahissantes, s’y frayaient un chemin vers le lecteur francophone.
Il me semble avoir entendu parler à l’époque de Constellation, j’en ai peut-être même eu un exemplaire en mains, mais vous m’apprenez que cette revue était publiée pour allumer un contre-feu au Reader’s Digest.
GB-91
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Message par GB-91 »

André (Georges, Raymond) a écrit :Lorsque j’avais entre huit et douze ans, peut-être, mon père ramenait parfois le Reader’s Digest de son lieu de travail. C’était pour moi quelque chose d’exotique que j’aimais bien feuilleter, j’étais attiré par certains sujets faciles, je ne comprenais guère qu’il s’agissait de condensés de livres, encore moins qu’une langue, et une culture un peu différente de la mienne, toutes deux possiblement envahissantes, s’y frayaient un chemin vers le lecteur francophone.
Il me semble avoir entendu parler à l’époque de Constellation, j’en ai peut-être même eu un exemplaire en mains, mais vous m’apprenez que cette revue était publiée pour allumer un contre-feu au Reader’s Digest.
Le sous-titre était clair, il annonçait la couleur sans ambiguïté.
A cette époque, les esprits étaient agités, la presse – quotidienne ou périodique – était davantage engagée qu’aujourd’hui. La jeunesse était elle aussi davantage engagée. Labarthe faisait partie des « phares », il s’était montré comme une sorte de trublion, un idéaliste rempli de fougue, suivi dans ses conférences par une foule de jeunes pleins d’espoir. Jugé marginal par le PC avec lequel il avait flirté, il a soutenu les théories abondancistes et préconisé « l’impôt au compteur » pour une répartition des richesses plus équitable. Il avait en outre le talent d’anticiper au regard des faits de société, ses émissions de radio en font foi.
Anecdote : en 1948, j’étais actif aux Auberges de Jeunesse, Labarthe et venu animer un débat sur le thème de la société future. Lucide, il disait et répétait que tout ce qu’il développait ne pourrait se réaliser sans une réelle prise de conscience de la société dans son entier.
Je persiste et signe, Constellation était bien un élément de contre-culture du Reader’s Digest.
Hippocampe
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Message par Hippocampe »

Je préfère "professeure" comme André.

À partir du moment où on féminise et compte tenu du fait que "eur" se transforme facilement en "eure", pourquoi se limiter à certaines fonctions.
Seuls des puristes peuvent suivre des règles disant oui pour "prieure" et non pour "professeure". Le Français est bien assez compliqué comme cela.
Ou alors on fabrique une génération de francophones, en tout cas de ceux de France, qui ne saura jamais comment féminiser.

L'histoire tourmentée de notre langue nous a légué plein d'exceptions que je respecte (en me disant parfois que ç'aurait été plus simple si...) et que j'applique même avec un certain plaisir.

Mais ça va bien... la féminisation massive des noms de fonctions se fait en ce moment. N'ajoutons pas une pile d'exceptions à la pile présente déjà haute. Surtout qu'une moitié des jeunots de France ne sont pas très enclins à tenir compte des subtilités de leur langue. Ils ont déjà du mal à conjuguer le verbe "chanter" et écrivent au hasard "ses", "ces", "sais", "sait" ou "c'est", ne figeons pas des exceptions que seul un Français sur mille appliquera.
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