Adjectifs substantivés
- Jacques
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- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Adjectifs substantivés
Il me revient des souvenirs assez lointains, à propos des deux livres écrits par J.C., bien connnu des téléspectateurs de FR3. Je ne les ai plus, mais je repense à deux choses qui m’avaient frappé, et auxquelles j’avais adhéré sans réfléchir, confiant dans ses compétences que je considérais comme meilleures que les miennes.
Il fustigeait avec la dernière énergie l’emploi d’imaginaire en fonction de substantif : l’imaginaire collectif, notre imaginaire, etc. Pour lui c’était du détournement d’adjectif qui donnait dans le barbarisme. Le mot s’est implanté dans l’usage et, à bien considérer les faits, je me demande pourquoi on le mettrait à l’index. L’imagination, c’est autre chose : la faculté d’inventer des images ou des faits qui n’existent pas. L’imaginaire, c’est le monde non réel que notre imagination est capable de créer.
Il condamnait de même avec la plus grande vigueur l’utilisation, en substantif encore, de l’adjectif scientifique. Il y voyait encore un langage dévoyé. Pour lui on ne pouvait pas dire autre chose que les hommes de science. Sur ce modèle est également apparu plus tard le terme les politiques, qui l’aurait sans doute mis au bord de l’apoplexie s’il avait eu cours à l’époque. Il me semble que le fait est assez courant d’utiliser des adjectifs comme des substantifs, pour certains de façon occasionnelle, très passagère, et pour d’autres avec une fréquence qui les fait entrer au dictionnaire. On dira bien le sublime, le beau, le pratique, le sensuel et mille autres encore.
Qu’en pensez-vous ?
Il fustigeait avec la dernière énergie l’emploi d’imaginaire en fonction de substantif : l’imaginaire collectif, notre imaginaire, etc. Pour lui c’était du détournement d’adjectif qui donnait dans le barbarisme. Le mot s’est implanté dans l’usage et, à bien considérer les faits, je me demande pourquoi on le mettrait à l’index. L’imagination, c’est autre chose : la faculté d’inventer des images ou des faits qui n’existent pas. L’imaginaire, c’est le monde non réel que notre imagination est capable de créer.
Il condamnait de même avec la plus grande vigueur l’utilisation, en substantif encore, de l’adjectif scientifique. Il y voyait encore un langage dévoyé. Pour lui on ne pouvait pas dire autre chose que les hommes de science. Sur ce modèle est également apparu plus tard le terme les politiques, qui l’aurait sans doute mis au bord de l’apoplexie s’il avait eu cours à l’époque. Il me semble que le fait est assez courant d’utiliser des adjectifs comme des substantifs, pour certains de façon occasionnelle, très passagère, et pour d’autres avec une fréquence qui les fait entrer au dictionnaire. On dira bien le sublime, le beau, le pratique, le sensuel et mille autres encore.
Qu’en pensez-vous ?
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Il me semble aussi que cette "transformation" arrive souvent au fil du temps : des participes passés et des participes présents qui deviennent des adjectifs ; des adjectifs qui deviennent des substantifs.
On connaît entre autres le titre Le savant et le politique, de Max Weber, avec cette substantivation.
Il y a même des adverbes qui sont devenus des substantifs (ou est-ce l'inverse ?) : bien et mal ; fais le bien, fais-le mal.
Même question avec les "pronoms-substantifs" rien, personne et tout. Un rien, c'est déjà tout. Personne ne le niera en personne.
Tout cela me rapppelle le neutre pluriel latin traduit, en français, souvent par le substantif masculin singulier :
- verba : les paroles => la parole
- parva : les petites choses
- legenda : les choses qui doivent être lues => ce qui doit être lu
- omnia : toutes les choses => tout (pronom indéfini)
Tout comme les verbes n'en étant pas :
Errare humanum est. Se tromper est humain.
On connaît entre autres le titre Le savant et le politique, de Max Weber, avec cette substantivation.
Il y a même des adverbes qui sont devenus des substantifs (ou est-ce l'inverse ?) : bien et mal ; fais le bien, fais-le mal.
Même question avec les "pronoms-substantifs" rien, personne et tout. Un rien, c'est déjà tout. Personne ne le niera en personne.
Tout cela me rapppelle le neutre pluriel latin traduit, en français, souvent par le substantif masculin singulier :
- verba : les paroles => la parole
- parva : les petites choses
- legenda : les choses qui doivent être lues => ce qui doit être lu
- omnia : toutes les choses => tout (pronom indéfini)
Tout comme les verbes n'en étant pas :
Errare humanum est. Se tromper est humain.
Nous sommes libres. Wir sind frei. We are free. Somos libres. Siamo liberi.
- Jacques
- Messages : 14475
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Errare humanum est se traduit habituellement par l'erreur est humaine.
Pour bien c 'est l'adverbe qui est devenu adjectif et nom commun. Pour mal c'est l'adjectif qui s'est substantivé, donc même cas que ceux évoqués au début.
Pour bien c 'est l'adverbe qui est devenu adjectif et nom commun. Pour mal c'est l'adjectif qui s'est substantivé, donc même cas que ceux évoqués au début.
Dernière modification par Jacques le lun. 29 juil. 2013, 20:42, modifié 1 fois.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Sur quels critères notre langue substantive-t-elle les adjectifs ?
Que pensez-vous de la phrase « Quand un ivre veut monter sur un vélo », que je viens de trouver en commentaire d'une vidéo ? (mots mis en gras par moi) Bien entendu, on pense à un ivrogne, mais un ivrogne peut ne pas être ivre. J'aurais parlé d'un homme ivre, sans avoir véritablement d'arguments pour condamner « un ivre », qui me gêne tout de même.
Certains adjectifs substantivés ont des emplois concrets (La belle était naïve, Ce vieux beau fait pitié), d'autres relèvent de l'abstraction : « le beau » est souvent synonyme de « la beauté », « le vrai » est proche de « la vérité »...
Un adjectif précédé d'un article, mais non suivi d'un nom, n'est pas forcément substantivé. Dans la phrase qui suit, on a en gras deux épithètes de substantifs sous-entendus (dont on fait l'ellipse) : J'ai deux voitures, j'utilise la vieille plus rarement que la neuve.
Que pensez-vous de la phrase « Quand un ivre veut monter sur un vélo », que je viens de trouver en commentaire d'une vidéo ? (mots mis en gras par moi) Bien entendu, on pense à un ivrogne, mais un ivrogne peut ne pas être ivre. J'aurais parlé d'un homme ivre, sans avoir véritablement d'arguments pour condamner « un ivre », qui me gêne tout de même.
Certains adjectifs substantivés ont des emplois concrets (La belle était naïve, Ce vieux beau fait pitié), d'autres relèvent de l'abstraction : « le beau » est souvent synonyme de « la beauté », « le vrai » est proche de « la vérité »...
Un adjectif précédé d'un article, mais non suivi d'un nom, n'est pas forcément substantivé. Dans la phrase qui suit, on a en gras deux épithètes de substantifs sous-entendus (dont on fait l'ellipse) : J'ai deux voitures, j'utilise la vieille plus rarement que la neuve.
- Yeva Agetuya
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La substantivation d' « affamé » semble acquise depuis longtemps, tandis qu'« enivré » ne figure pas dans les dictionnaires communs en tant que nom. Par ailleurs ces deux mots, quand bien même leur fonctionnement est identique à celui de l'adjectif qualificatif, sont des participes substantivés. D'ailleurs, « un enivré » me gêne à peu près autant qu'« un ivre »... sans que je sache mieux me justifier !
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Effectivement. Et les dictionnaires entérinent l'usage. J'ai sans doute tort de chercher d'autres critères. Je pense aux tournures « une allumée de la pub », « des allumés d'informatique »..., dont le participe substantivé figure dans le Larousse au moins depuis 1996. Je me demande d'ailleurs si la langue actuelle ne substantive pas plus facilement des participes que des adjectifs qualificatifs.Yeva Agetuya a écrit :Ce doit être une question d'habitude de l'emploi.
Et ma gêne à propos d'« un ivre » vient simplement de ce que cela ne se dit généralement pas.
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
:D
Non, je découvre ce mot, à la fois adjectif et nom, ainsi que vous le dites, Claude, et dont on voit ici qu'il est en fait de la famille d'« ivre ». Par ailleurs je trouve intéressantes sous ce lien les explications concernant l'évolution de la voyelle initiale E vers IM.Perkele a écrit :Avez-vous pensé à "imbriaque" ?
L'italien avait aussi, et a conservé au moins dans certaines régions, imbriacato.
http://lyricstranslate.com/fr/me-so-mbr ... -ivre.htmlMe so' 'mbriacato de 'na donna
quanto è bbono l'odore della gonna
quanto è bbono l'odore der mare
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