Le tréma

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Jacques
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Message par Jacques »

Il est étonnant de constater à quel point les langues ont chacune des spécificités, des caractéristiques propres.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Le mot allemand "der Umlaut" signifie l'inflexion vocalique, la métaphonie, le son vocalique infléchi : c'est d'abord et essentiellement un terme de phonétique, composé de "der Laut", le son, le phonème, et de la particule "um", qui indique une transformation. En un deuxième stade on l'a utilisé en typographie pour désigner le signe placé au-dessus de la voyelle concernée par cette métaphonie. Ce signe, double petit trait vertical, est la trace d'un ancien E gothique et ne devrait pas être confondu graphiquement avec le tréma. Malheureusement de nos jours ce dernier le remplace généralement.
Aucune raison de franciser "Umlaut", comme le faisaient jadis les enseignants de l'allemand : il me semble correctement traduit par "inflexion".
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Jacques
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Message par Jacques »

Merci de ces précisions. Il y a donc bien une confusion graphique.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Un stylo à la main, je fais encore la différence entre le tréma français (das Trema [die Tremata au pluriel] !) et l’inflexion allemande (der Umlaut, sans pluriel).
Cette dernière vient donc d’un ancien E, elle est portée aussi bien par des voyelles brèves que par des voyelles longues. Dans les mots croisés allemands, et parfois en d’autres circonstances, l’E est conservé (LAENDER pour Länder). Et un nom aussi connu que celui de Goethe, que personne n’oserait écrire « Göthe », rappelle à tous ce qu’il en fut jadis.
L’E d’inflexion revient par ailleurs à la mode en informatique, dominée par l’anglais qui ignore tout signe au-dessus d’une lettre : de même qu’en français les voyelles accentuées perdent leurs accents aigu, grave ou circonflexe dans les adresses de courriels, l’inflexion allemande ne peut y être prise en compte. Dans une telle adresse M. Müller écrit son nom MUELLER.
Votre démonstration, Manni-Gédéon, concernant la différence entre "megőrülni" et "megörülni" est spectaculaire !
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Jacques
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Message par Jacques »

Ce qui est vrai pour l'allemand l'est aussi pour les langues scandinaves : le suédois ö, le norvégien et le danois ø par exemple remplacent l'ancienne orthographe oe qui correspond au son .
Nous avons bien un principe similaire en français, où l'accent circonflexe se substitue à un S (fenestre = fenêtre).
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
jarnicoton
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Message par jarnicoton »

Moi, j'écris : trëma.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Une petite curiosité linguistique en rapport avec le tréma. En région nantaise, en Vendée et dans d'autres contrées, un mot désignant une terre grasse et humide fournissant des herbages pour le bétail (Larousse) est fréquemment utilisé en topographie : la noue. Certains hameaux s'appellent simplement "La Noue" ou "La Noue" suivi, par exemple, d'un nom de famille. Mais on trouve aussi facilement, prononcé de la même manière, "La Noë". Le mot est-il répandu sur l'ensemble des territoires francophones ? Sous quelle graphie ? Larousse ne le qualifie pas de régionalisme.
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Jacques
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Message par Jacques »

La Noue est un nom connu, je suis content d'apprendre d'où il vient. Pour le reste, je n'ai pas de réponse.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Perkele
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Message par Perkele »

Je connais des lieux dits "Le Gras" ; "Le Haut-Gras" ; un village vosgien nommé Viviers-le-Gras. Je me demande si ce n'est pas un équivalent de La Noue.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

« Noue remonte, par l'intermédiaire d'un latin médiéval nauda, attesté au IXè siècle, à un gaulois *(s)nauda... se retrouve ... en plusieurs régions de France comme nom de "ruisseaux dormants" qui arrosent des terrains de pâturage ou de marécage... Des localités on reçu leur nom de la proximité avec des terres de noues (marécages ou pâturages), essentiellement dans la moitié nord de la France. »
(in Les noms d'origine gauloise, la Gaule des activités économiques, Jacques Lacroix, éditions Errance)
Pour ce qui est de l'emploi du mot noue, il faudrait consulter l'Atlas linguistique de la France, mais il n'est pas à ma disposition.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Merci, JAA.
Apparemment, donc, la graphie avec tréma "noë" serait une particularité de la région nantaise.
Un peu en contradiction avec l'ouvrage de J. Lacroix, je ne me souviens pas avoir vu le mot lorsque j'habitais dans la Sarthe, en Nord-Loire donc (mais ma mémoire est peut-être en cause), tandis que je suis certain de sa présence pour le moins dans un département du Sud-Loire, la Vendée.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

En complément, une carte des noms de lieux issus de nauda.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Merci beaucoup ! On ne peut sans doute trouver que difficilement un meilleur bilan de notre échange.
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