Préparer à l'avance
- Klausinski
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Préparer à l'avance
Je relis un texte où il est question d'une secrétaire qui colle des étiquettes qu'elle ne prépare pas sur le moment, mais qu'elle a préparées auparavant, je ne sais exactement quand. Il est donc écrit qu'elle colle telles et telles étiquettes préparées à l'avance. L'expression me gêne, car on sait que « préparer à l'avance » est un effroyable pléonasme, mais, dans ce contexte, la tournure n'est-elle pas admissible ? En effet, on veut faire comprendre que les étiquettes ne sont pas préparées sur le moment. Cette dernière expression n'est-elle pas elle-même un oxymore ? Peut-être devrait-on alors écrire « réalisées sur le moment », « réalisées à l'avance ». Qu'en pensez-vous ?
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
(Kafka, cité par Mauriac)
- Jacques
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Je ressens aussi une incertitude. Il ne fait pas de doute que prévenir ou prévoir d'avance sont clairement pléonastiques. Mais le verbe préparer, s'il contient bien le préfixe pré, a des sens qui ne le placent pas sémantiquement dans l'action faite avant, magré les faits :
– 1. Rendre, par diverses opérations, certaines choses ou substances propres à l'usage auquel on les destine. Préparer des peaux, des étoffes. Préparer un mur avant de le peindre.
– 2. Apprêter, disposer, tenir prêt. Préparer une chambre pour les invités. Préparer la table pour le dîner.
– 3. Prendre les dispositions, mettre en œuvre les moyens nécessaires à l'accomplissement d'une entreprise ou d'un évènement ; travailler à la réussite d'un projet, à la réalisation du but que l'on poursuit. Préparer un spectacle. Travailler à la réalisation, à la rédaction, à la mise en forme d'un ouvrage de l'esprit.
Ces définitions nous rapprochent davantage de l'idée de mettre en condition, en forme, et surtout d'apprêter ; le pléonasme n'est donc pas franc.
Nous pouvons écarter l'idée d'oxymore, qui est une fausse contradiction opposant apparemment deux termes de sens contraires, mais pas dans la réalité car l'un des deux est pris au sens figuré. Je réchauffe celui-ci qui est de mon invention : un parent éloigné qui habite à côté de chez moi. L'éloignement n'est pas physique, ne concerne pas la distance, mais le lien de parenté. Ou encore : Cette bonne est vraiment méchante ; bonne n'est pas le contraire de mauvaise mais l'abréviation de bonne (apte) à tout faire comme on le disait jadis.
En conclusion, je ne parraine pas le préparé (agencé, aménagé, apprêté) d'avance, par prudence, mais je ne le rejette pas comme indiscutablement fautif.
Évidemment c'est une réponse de Normand, mais je ne suis pas spécialiste et ne détiens pas la vérité absolue.
– 1. Rendre, par diverses opérations, certaines choses ou substances propres à l'usage auquel on les destine. Préparer des peaux, des étoffes. Préparer un mur avant de le peindre.
– 2. Apprêter, disposer, tenir prêt. Préparer une chambre pour les invités. Préparer la table pour le dîner.
– 3. Prendre les dispositions, mettre en œuvre les moyens nécessaires à l'accomplissement d'une entreprise ou d'un évènement ; travailler à la réussite d'un projet, à la réalisation du but que l'on poursuit. Préparer un spectacle. Travailler à la réalisation, à la rédaction, à la mise en forme d'un ouvrage de l'esprit.
Ces définitions nous rapprochent davantage de l'idée de mettre en condition, en forme, et surtout d'apprêter ; le pléonasme n'est donc pas franc.
Nous pouvons écarter l'idée d'oxymore, qui est une fausse contradiction opposant apparemment deux termes de sens contraires, mais pas dans la réalité car l'un des deux est pris au sens figuré. Je réchauffe celui-ci qui est de mon invention : un parent éloigné qui habite à côté de chez moi. L'éloignement n'est pas physique, ne concerne pas la distance, mais le lien de parenté. Ou encore : Cette bonne est vraiment méchante ; bonne n'est pas le contraire de mauvaise mais l'abréviation de bonne (apte) à tout faire comme on le disait jadis.
En conclusion, je ne parraine pas le préparé (agencé, aménagé, apprêté) d'avance, par prudence, mais je ne le rejette pas comme indiscutablement fautif.
Évidemment c'est une réponse de Normand, mais je ne suis pas spécialiste et ne détiens pas la vérité absolue.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Klausinski
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Votre réponse, toute normande que vous la trouvez, me satisfait pleinement. Elle confirme mon impression. Dans certaines de ses acceptions, le verbe « préparer » peut s'accompagner de la précision « à l'avance », car la chose préparée pourrait très bien l'être au dernier moment.
Charles Trenet a fait une chanson pleine de ces faux oxymores dont vous parlez :
Pourquoi dit-on « Qu'elle est grande, cette petite » ?
Pourquoi le saumon
A-t-il le goût de la truite ?
Pourquoi cette bonne est mauvaise
Et ces bas sont hauts ?
N'y pensez pas, n'y pensez pas, n'y pensez pas trop.
Charles Trenet a fait une chanson pleine de ces faux oxymores dont vous parlez :
Pourquoi dit-on « Qu'elle est grande, cette petite » ?
Pourquoi le saumon
A-t-il le goût de la truite ?
Pourquoi cette bonne est mauvaise
Et ces bas sont hauts ?
N'y pensez pas, n'y pensez pas, n'y pensez pas trop.
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(Kafka, cité par Mauriac)
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- Jacques
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Oui, vous avez mis le doigt sur l'oxymore, fausse antinomie bien illustrée par Trenet. Il était un de ces hommes de spectacle qui savent si bien jouer avec les mots. Rappelons-nous, entre autres,
Ah qu'il est beau le débit de lait
Ah qu'il est laid le débit de l'eau
Débit de lait si beau débit de l'eau si laid
S'il est un débit beau c'est bien le beau débit de lait
Ah qu'il est beau le débit de lait
Ah qu'il est laid le débit de l'eau
Débit de lait si beau débit de l'eau si laid
S'il est un débit beau c'est bien le beau débit de lait
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Re: Préparer à l'avance
1- Elle colle des étiquettes préparées par elle.Klausinski a écrit :une secrétaire qui colle des étiquettes qu'elle ne prépare pas sur le moment, mais qu'elle a préparées auparavant, je ne sais exactement quand. Il est donc écrit qu'elle colle telles et telles étiquettes préparées à l'avance.
2- Elle colle des étiquettes qu'elle a préparées.
3- Elle colle des étiquettes (qu'elle a) préparées auparavant.
4- Elle colle des étiquettes (qu'elle a) préparées à l'avance.
5- Elle colle des étiquettes (qu'elle a) préparées quelques instants auparavant.
6- Elle colle des étiquettes (qu'elle a) préparées un peu à l'avance.
Il m'arrive aussi, malgré le pléonasme, de dire préparer à l'avance. Mais les phrases 1 et 2 n'expriment-elles pas l'idée souhaitée ? Peuvent-elles signifier que les étiquettes sont préparées au moment du collage ? Je ne le crois pas. Les phrases 3 et 4, si elles comportent la partie entre parenthèses, n'amplifient-elles pas le pléonasme par l'utilisation du passé composé ? Aux numéros 5 et 6 le renseignement apporté par quelques instants et un peu me paraît changer la donne.
- Jacques
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Bonne démonstration. Il s'agit en fait, pour éviter le pléonasme, de définir clairement le sens qu'on donne au verbe préparer, si on entend par là mettre en condition, donner la forme propice au travail qu'on envisage, nous ne sommes plus dans l'idée primordiale de "fait à l'avance".
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Klausinski
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- Localisation : Aude
Ces propositions permettent d'y voir clair. Pour moi, dans les phrases 1 et 2, les étiquettes peuvent avoir été préparées quelques instants auparavant. Or, dans le texte que je relisais, il fallait insister sur le fait que la secrétaire s'était avancée dans son travail en préparant les étiquettes un certain temps à l'avance. Les tournures 3 et 4 seraient pléonastiques dans un autre contexte. Les phrases 5 et 6 sont tout à fait correctes, à mon sens. Comme vous le faites remarquer, la précision temporelle ôte tout caractère de redondance.
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(Kafka, cité par Mauriac)
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- Jacques
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- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Il m'est venu une idée, vous la prendrez pour ce qu'elle vaut.
Je me demande si on ne diminuerait pas le risque d'effet pléonastique en parlant d'étiquettes préparées en avance, plutôt qu'à l'avance, car je pense que c'est cette dernière formule qui crée la répétition désagréable. Je reviens toujours à cette conviction qu'on doit faire ressortir l'emploi de préparer dans ce sens de mettre en condition, en état, apprêter. Et en avance montre bien qu'on s'y est pris plus tôt que prévu, qu'on a voulu se donner une marge temporelle.
Je me demande si on ne diminuerait pas le risque d'effet pléonastique en parlant d'étiquettes préparées en avance, plutôt qu'à l'avance, car je pense que c'est cette dernière formule qui crée la répétition désagréable. Je reviens toujours à cette conviction qu'on doit faire ressortir l'emploi de préparer dans ce sens de mettre en condition, en état, apprêter. Et en avance montre bien qu'on s'y est pris plus tôt que prévu, qu'on a voulu se donner une marge temporelle.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Je reviens sur la proposition de Claude que j'aurais pour ma part tounée presque de la même façon en disant :
Elle colle les étiquettes qu'elle avait déjà préparées.
Je ne sais pas pourquoi mais je trouve cet énoncé plus fluide. Force est de reconnaître que Claude a quand même fait l'essentiel du travail ...
Elle colle les étiquettes qu'elle avait déjà préparées.
Je ne sais pas pourquoi mais je trouve cet énoncé plus fluide. Force est de reconnaître que Claude a quand même fait l'essentiel du travail ...