S'enquérir de faire qqc

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Klausinski
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S'enquérir de faire qqc

Message par Klausinski »

S'enquérir de qqc ou de qqn, c'est chercher à obtenir un renseignement sur la chose ou la personne. Mais je rencontre l'expression fautive : s'enquérir de + inf. Par exemple : il s' est enquis de révéler cette information à son supérieur. Je me demande d'où peut bien venir cette faute, qui, même si elle est rare, peut se trouver dans des textes d'une bonne tenue générale (on peut rechercher sur Google, avec un s ou un t à la fin du participe : "enquis de trouver", "enquis de faire", etc.). Existe-t-il un mot qui convienne ici et qui ressemble à enquérir ? Je mettrais « il s'est chargé », « il s'est permis », « il s'est mis en tête de ».
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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Perkele
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Message par Perkele »

C'est une énorme faute sémantique étant donné que "s'enquérir", c'est "s'informer".

'Il s'est informé de révéler" est absurde.

Je ne l'ai pour ma part jamais rencontré.

Serait-ce pour dire "il s'est entêté" ? ou "il s'est empressé" ? ou encore "il s'est employé" ? "il s'est soucié" (dans le sens de "Il s'est inquiété") ?
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Une erreur étrange que je ne crois pas avoir rencontrée avant aujourd'hui.
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Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

Je me demande si l'expression "s'enquérir de + inf." est toujours fautive. On rencontre facilement, au moins depuis le XIXe siècle, l'expression "il s'est enquis de savoir ...", signifiant "il a cherché à savoir, il a interrogé pour savoir, il s'est préoccupé de savoir...".
Voici trois exemples :
Il s'est enquis de savoir pourquoi la Commission générale du budget ne l'avait pas consentie. En voici le motif, et la Chambre sentira que le même motif doit la lui faire rejeter...
Personne ne s'est enquis de savoir comment je me portais vraiment, si j'arrivais moi aussi à tenir debout.
Il a examiné mes yeux et ma gorge, s'est enquis de savoir si j'avais vomi.
Cette expression me paraît correcte ou du moins admise par l'usage.
Voici un autre exemple, ancien, un peu plus délicat peut-être à admettre :
Aussi cet article n'en est pas à la première application, et jamais, notamment lors d'un rappel à l'ordre qui a été prononcé dans la discussion de l'adresse à l'ouverture de la dernière session, jamais on ne s'est enquis de faire constater, par une sorte de procès-verbal, l'heure à laquelle la séance doit être reprise.
Ici, le sens est : "jamais on n'a cherché à faire constater, jamais on ne s'est préoccupé de faire constater."
On voit que pointe déjà, derrière le sens original de "interroger", le sens dérivé de "se préoccuper".
N'est-ce pas ce sens qui, par un nouveau glissement, a pu conduire à votre exemple :"il s'est enquis de révéler cette information à son supérieur" = "il s'est préoccupé de révéler cette information à son supérieur" ?
Évidemment, ce glissement ultime est fautif, puisqu'on perd la notion essentielle d'interrogation.
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Perkele
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Message par Perkele »

Dans les exemple que vous donnez, Leclerc92, je comprends plutôt "Il a enquêté pour savoir".

Et dans "jamais on ne s'est enquis de faire constater[...] l'heure à laquelle la séance doit être reprise" je comprends :"jamais on a cherché à faire constater..."

À l'exemple de "Comme nous voulions arriver de bonne heure à Brest, nous nous enquîmes d'un guide (Flaub., Champs et grèves,1848, p. 329) = "Nous avons interrogé autour de nous pour trouver un guide"

Mais votre judicieuse intervention me fait douter. Devrait-on comprendre dans l'exemple de Klauss : "Il a cherché à faire savoir à son supérieur..." ? :roll:
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Manni-Gédéon
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Message par Manni-Gédéon »

Moi non plus, je n'avais jamais rencontré cet emploi de s'enquérir.
À ma connaissance, aucun dictionnaire ne le mentionne.
Dans certains dictionnaires, on trouve s'enquérir si... comme seule tournure où s'enquérir de n'est pas suivi d'un nom.

S'enquérir de savoir est un pléonasme, puisque s'enquérir, c'est chercher à savoir.
Dans les exemples de Klausinski, je dirais que c'est une impropriété.
L'erreur ne devient pas vérité parce qu'elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient pas erreur parce que nul ne la voit.
Gandhi, La Jeune Inde
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Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

Dans la langue ancienne, on pouvait construire directement "s'enquérir comment..., s'enquérir pourquoi..., s'enquérir si...", etc. Ces constructions simples et claires sont devenues rares, sauf peut-être "s'enquérir si" qui résiste mieux que les autres.
C'est je crois pour éviter d'employer des tournures désuètes que se sont développées les tournures "s'enquérir de savoir comment..., s'enquérir de savoir pourquoi..., s'enquérir de savoir si...".
C'est par un phénomène analogue qu'on emploie couramment "je me pose la question de savoir si/comment/pourquoi" tout aussi pléonastique, puisque si l'on se pose la question, c'est qu'on cherche à savoir. Du reste, ces formules sont parfois critiquées pour cette raison, qui s'ajoute à leur lourdeur. Mais force est de constater que tout le monde ou presque les utilise, y compris bien sûr sur ce forum. Il me paraîtrait délicat de ne pas en accepter l'usage.
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Perkele
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Message par Perkele »

Leclerc92 a écrit : C'est par un phénomène analogue qu'on emploie couramment "je me pose la question de savoir si/comment/pourquoi" tout aussi pléonastique, puisque si l'on se pose la question, c'est qu'on cherche à savoir.
Très juste.
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Ah oui ! On lit parfois : « il s'est posé la question de savoir si… ». La tournure est difficilement supportable, puisqu'on peut écrire bien plus simplement : il s'est demandé si. En revanche, cette même tournure est utile quand le mot question ne fait pas partie d'une locution synonyme de « se demander » : La question de savoir s'il fallait faire frire ou fricasser le mousse fut longuement débattue.
Je vous remercie de vos réponses. On dirait bien qu'il n'existe pas d'expression ressemblant à « s'enquérir de ». Je devais me tromper en pensant que l'erreur venait d'une confusion (telle que celle qui fait écrire « couteau effilé » au lieu de « couteau affilé »).
Leclerc92, vos recherches sont toujours fructueuses. Votre proposition d'explication est sans doute la bonne. On se serait d'abord enquis si telle personne allait bien, puis on s'est enquis de savoir si… avant de s'enquérir de faire telle ou telle chose.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Je dois admettre après vous avoir lus avoir également rencontré « s'enquérir de savoir ».
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