Un choix hasardeux
- Jacques-André-Albert
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Un choix hasardeux
Entendu ce matin dans la bouche d'un chroniqueur de la télévision : « choisi par hasard ». Il me semble qu'il faut dire choisir au hasard.
Dans la première locution, je comprends que le fait même de choisir est accidentel. Dans la seconde, le choix est volontaire, mais on laisse faire le hasard.
Malheureusement, de nombreux professionnels de la parole ne maîtrisent pas suffisamment la langue pour s'exprimer avec rigueur.
Dans la première locution, je comprends que le fait même de choisir est accidentel. Dans la seconde, le choix est volontaire, mais on laisse faire le hasard.
Malheureusement, de nombreux professionnels de la parole ne maîtrisent pas suffisamment la langue pour s'exprimer avec rigueur.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
(Montaigne - Essais, I, 24)
Sélectionner et choisir sont synonymes et laissent tous deux entendre qu'il existe des critères de choix qui limitent donc le hasard.
Selon le CNRTL:
Selon le CNRTL:
- choisir : Prendre quelqu'un ou quelque chose de préférence à un(e) autre en raison de ses qualités, de ses mérites, ou de l'estime qu'on en a.
- sélectionner : Choisir, retenir au sein d'un ensemble, ceux de ses éléments possédant des caractéristiques déterminées.
- Jacques-André-Albert
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C'est vrai : « choisir au hasard » est un abus de langage, puisque le choix (ou la sélection) se fait stricto sensu pour une raison déterminée.
Mais « choisir par hasard » est encore plus incongru.
Mais « choisir par hasard » est encore plus incongru.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
(Montaigne - Essais, I, 24)
Je dois dire que je ne partage pas votre sévérité pour "choisir au hasard" qui me paraît non seulement très défendable mais très utilisé même dans la belle langue classique. Je crois qu'il faut éviter des frilosités excessives qui risquent de transformer la langue en chose morte.
S'en remettre au sort est un moyen de choisir, comme le reconnaissait déjà le sévère Nicole :
Et souvent il vaut mieux choisir au hasard dans ces choses à peu près indifférentes, que de s'amuser à penser et à discerner celles qui sont les plus agréables à Dieu.
https://books.google.fr/books?id=DOR4z2DalOcC&pg=PA103
ou François de Sales :
Le second moyen est le sort, c'est-à-dire, de choisir au hasard, comme l'on choisit les saints du mois dans les communautés. Ce qui se peut faire mettant des billets où soient écrits séparément les noms de plusieurs vertus, et, après l'invocation du nom de Dieu, prendre le premier qui se rencontrera et le recevoir comme de la main du Saint-Esprit qui nous l'envoie et nous le donne.
https://books.google.fr/books?id=JDRXtL ... &q&f=false
S'en remettre au sort est un moyen de choisir, comme le reconnaissait déjà le sévère Nicole :
Et souvent il vaut mieux choisir au hasard dans ces choses à peu près indifférentes, que de s'amuser à penser et à discerner celles qui sont les plus agréables à Dieu.
https://books.google.fr/books?id=DOR4z2DalOcC&pg=PA103
ou François de Sales :
Le second moyen est le sort, c'est-à-dire, de choisir au hasard, comme l'on choisit les saints du mois dans les communautés. Ce qui se peut faire mettant des billets où soient écrits séparément les noms de plusieurs vertus, et, après l'invocation du nom de Dieu, prendre le premier qui se rencontrera et le recevoir comme de la main du Saint-Esprit qui nous l'envoie et nous le donne.
https://books.google.fr/books?id=JDRXtL ... &q&f=false
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Je vois aussi une antinomie dans « choisir au hasard ». Il me semble que « choisir », lorsque le sujet de ce verbe est une personne, suppose que cette dernière décide en fonction de sa préférence ou de certaines obligations qui lui sont propres, qu'elle sélectionne, qu'elle opte pour quelque chose ou quelqu'un, qu'elle tranche... Pour moi, si elle laisse jouer le hasard, elle ne choisit pas : la tournure « c'est le sort qui en a décidé » ne va-t-elle pas dans ce sens ? Je me demande si « j'ai été choisi au hasard » n'a pas entraîné fautivement « j'ai choisi au hasard ».
Pour moi, choisir implique un processus de choix, que celui-ci résulte de préférences conscientes nettes qui facilitent le choix, ou au contraire d'un défaut de préférences qui fait qu'on s'en remet délibérément à un processus aléatoire (Am stram gram, pic et pic et colegram !).
Prendre n'indique que l'action mais rien de ses critères.
Donc prendre au hasard est un processus très court qui implique qu'on prend la première chose qui se présente, tandis que choisir au hasard, comme dans l'exemple de François de Sales, exige une certaine préparation pour recevoir les consignes du hasard.
Mais je ne suis pas sûr que ces distinctions soient toujours observées.
Prendre n'indique que l'action mais rien de ses critères.
Donc prendre au hasard est un processus très court qui implique qu'on prend la première chose qui se présente, tandis que choisir au hasard, comme dans l'exemple de François de Sales, exige une certaine préparation pour recevoir les consignes du hasard.
Mais je ne suis pas sûr que ces distinctions soient toujours observées.
- Perkele
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Ce n'est pas faux.Leclerc92 a écrit :Pour moi, choisir implique un processus de choix, que celui-ci résulte de préférences conscientes nettes qui facilitent le choix, ou au contraire d'un défaut de préférences qui fait qu'on s'en remet délibérément à un processus aléatoire (Am stram gram, pic et pic et colegram !).
Prendre n'indique que l'action mais rien de ses critères.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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C'est aussi ce que je pense. Mais les critères me semblent fournis par l'expression « au hasard ».Leclerc92 a écrit :Prendre n'indique que l'action mais rien de ses critères.
Je crois par ailleurs que la littérature procure à peu près tout ce qu'on souhaite y trouver. Il est heureux que nous puissions nous référer aux grands auteurs (dont je ne sais guère si NICOLE et FRANÇOIS DE SALES font partie), mais nous savons d'une part que nul n'est parfait et d'autre part que la langue évolue. En outre, je vois mal comment on se prépare à « recevoir les consignes du hasard » et en quoi cette préparation justifie l'emploi du verbe choisir.
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FRANÇOIS DE SALES, je crois, considère que le choix de la vertu est fait par Dieu pour le chrétien sincère : « Ce qui semble hasard pour nous ne l'est nullement dans l'ordre de la Providence ».
Petite précision : le titre que vous avez proposé pour ce fil, JAA, Un choix hasardeux, demande peut-être qu'on l'exclue des considérations ci-dessus, du fait que l'adjectif qu'il comporte signifie plutôt « risqué », « aventureux »... Donc aucune antinomie là-dedans. Si l'on choisit trop vite, on fait un choix hasardeux, mais on choisit.
Petite précision : le titre que vous avez proposé pour ce fil, JAA, Un choix hasardeux, demande peut-être qu'on l'exclue des considérations ci-dessus, du fait que l'adjectif qu'il comporte signifie plutôt « risqué », « aventureux »... Donc aucune antinomie là-dedans. Si l'on choisit trop vite, on fait un choix hasardeux, mais on choisit.