Leclerc92 a écrit :Il n'en va pas de même à mon sens de tabagisme qui a toujours désigné la même chose en rapport avec le tabac et qui est donc bien un dérivé de tabac même s'il utilise comme consonne d'articulation le "g" qu'il a emprunté tout naturellement à tabagie. On sait que pour d'autres mots dérivés de tabac, comme tabatière, on a utilisé un "t" pour l'articulation du suffixe.
Et c'est curieux. Pourquoi n'avons-nous pas tabacière comme gibecière ?
Et d'où vient la cafetière alors qu'aucune langue n'utilise de consonne en fin de "café", "coffee", "kofe", "kawa", etc ?
Ce t n'est pas prothétique puisque nous avons "théière" (et "caféier").
Le chocolat a déjà son t final en nahuatl vu que -tl est un article.
(Le correcteur d'orthographe refuse "nahua" alors que "nahuatl" signifie "le nahua.")
Yeva Agetuya a écrit :Et c'est curieux. Pourquoi n'avons-nous pas tabacière comme gibecière ?
On lit dans le Robert DHLF, à l'entrée TABAC : TABATIÈRE n. f. (1666), réfection de tabaquière (1650) dérivé plus régulier, sert à désigner la blague à tabac. Mais la raison de cette « réfection » n'est pas donnée.
Le second "t" de tabatière est un "t" épenthétique ajouté pour la dérivation après l'amuïssement du "c" de tabac, le même que dans les dérivés chapeauter, panneauter, poireauter, terreauter, dépiauter, boyauter, noyauter, tuyauter, pianoter. L'épenthèse consonantique en français
À noter qu'on rencontre parfois l'adjectif tabagière : l'industrie tabagière.
Très intéressé par la notion d'épenthèse, bien que le mot m'ait été inconnu jusqu'alors, je dois avouer avoir été un peu rebuté l'autre jour, après avoir cliqué sur le lien que vous fournissez ci-dessus, Leclerc92, par la complexité et la masse de la thèse à laquelle il donne accès. Je m'étais promis d'y revenir.
Depuis très longtemps j'étais frappé de constater que des mots comme chambre, chanvre, sembler, pondre... avaient pour étymons (latins) camera, cannabis, similare, ponere... où je ne voyais pas le b, la séquence vr ou le d présents en français. Mais en même temps je trouvais ces évolutions naturelles, sans être capable d'expliquer en quoi elles l'étaient. Je lis sur Wikipédia (article Épenthèse):
En Gaule [...] le mot camera, prononcé /kamera/ en latin classique, s'affaiblit en /kamra/, mettant ainsi en présence les deux consonnes /m/ et /r/. Une consonne de transition /b/ est naturellement prononcée par les locuteurs (il est en effet très difficile, en français, de prononcer à haute voix un mot tel que camra sans qu'un /b/ apparaisse entre /m/ et /r/). La consonne épenthétique /b/ emprunte au /m/ qui précède son point d'articulation bilabial et son mode d'articulation occlusif, et au /r/ qui suit le fait de ne pas être une nasale (sinon, on resterait sur /m/ qui est nasal et labial) et d'être sonore (sinon, l'épenthèse serait un /p/ qui est sourd et labial).
Bon, le passage concernant le « /r/ qui suit le fait de ne pas être une nasale [...] et d'être sonore » me laisse un peu sceptique, mais j'ai l'impression de m'instruire !
Surtout je me dis que, si dans « poireauter », « terreauter »... on est encore en présence d'épenthèses, il ne s'agit pas exactement du même phénomène : le t de poireauter ne résulte pas de l'amuïssement d'une voyelle, comme pour camera devenant camra, et n'apparaît pas à l'intérieur du mot d'origine.
Je me demande donc si le simple amateur de la langue française que je suis ne doit pas s'en tenir à la définition du Robert en six volumes :
ÉPENTHÈSE (é-pan-tèz') n. f. (1675 ; lat. gramm. epenthesis, mot grec., « action de surajouter »). Apparition à l'intérieur d'un mot d'un phonème non étymologique. L'épenthèse se produit pour adoucir des articulations que la langue n'a pas l'habitude de prononcer. L'épenthèse de l'r dans chanvre.
Dernière modification par André (G., R.) le jeu. 20 avr. 2017, 15:59, modifié 1 fois.
En Gaule [...] le mot camera, prononcé /kamera/ en latin classique, s'affaiblit en /kamra/, mettant ainsi en présence les deux consonnes /m/ et /r/. Une consonne de transition /b/ est naturellement prononcée par les locuteurs (il est en effet très difficile, en français, de prononcer à haute voix un mot tel que camra sans qu'un /b/ apparaisse entre /m/ et /r/). La consonne épenthétique /b/ emprunte au /m/ qui précède son point d'articulation bilabial et son mode d'articulation occlusif, et au /r/ qui suit le fait de ne pas être une nasale (sinon, on resterait sur /m/ qui est nasal et labial) et d'être sonore (sinon, l'épenthèse serait un /p/ qui est sourd et labial).
Il n'est pas sans intérêt de remarquer qu'un phénomène similaire tend à se produire en gallois. La prononciation du mot Cymru (Pays de Galles) fait souvent entendre un b entre m et r, et le nom du comté le Cumbria (nord-ouest de l'Angleterre) est justement d'origine galloise.
Autre exemple très usité en français : vendredi, de Veneris dies, le jour de Vénus, et par le même mécanisme Port-µVendres, issus de Portus Veneris.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
Merci, JAA. Je connaissais l'étymologie de « vendredi », mais j'ignorais que Port-Vendres était le port de Vénus ! Je comprends mieux l'expression « un port de déesse » !
Merci, Islwyn. Je vois que le français ne possède pas ce [ɨ] ! Ouille, ouille, ouille !
En tout cas, l'essentiel est d'accentuer la première syllabe :
k-EUHM-ri
Que l'on s'intéresse ici à la prononciation de la « langue de Dieu » est très réconfortant.
J'ai connaissance de cette étymologie de « midinette » depuis assez longtemps ; il semble que la plupart des dictionnaires la confirment.
Pour « pantalon », personne ou presque ne conteste, je crois, que cela vienne du nom du personnage de la Commedia dell'arte, Pantalone en italien.