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Pour les sujets qui ne concernent pas les autres catégories, ou en impliquent plus d’une
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GB-91
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Message par GB-91 »

Islwyn a écrit :
valiente a écrit :L'erreur est particulièrement choquante lorsque "lequel" suit presque immédiatement le mot auquel il se rapporte.
Et là, en principe, un simple « qui » suffirait. Nos hommes politiques ne bafouilleraient-ils que des inepties ?
Je pense que nous devons faire la part de l’émotion.

Lorsque je corrigeais les débats de l’Assemblée nationale ou du Sénat, nous recevions le texte brut de décoffrage tapé par les sténotypistes, avec des énormités, des redites, des tics verbaux comme « s’pas » pour n’est-ce pas, ou des phrases inachevées. Nous n’avions pas pour mission de réécrire les textes mais de les rendre comestibles sans trahir leur auteur lequel se relisait après nous et constatait quelles corrections nous avions apportées à sa prose.

Lors des visites annuelles qu’ils nous rendaient dans les ateliers, ces parlementaires venaient nous donner l’occasion de mettre un visage sur un nom. Dans leur très grande majorité, ils se montraient reconnaissants, nous remerciaient pour avoir repris leur français oral. On en parlait librement. Tous étaient unanimes pour dire que l’émotion ressentie à la tribune fait parfois oublier un accord ou la concordance des temps au cours d’un exposé dans lequel notes écrites et improvisations se mêlent, le tout dans un cadre et une ambiance où la sérénité fait grandement défaut.

Nous qui ne sommes pas parlementaires, souvenons-nous des belles phrases bien préparées mais qui nous font défaut lors de l’assemblée générale de la copropriété ou lors d’une « prise de bec » avec un quidam du genre « Moi-on-m’la-fait-pas ».
André (G., R.)
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DRÔLES DE FUTURS

Message par André (G., R.) »

Titre dans un journal de ce samedi 30 mars 2013 : « Les guerres de Bush vont coûter 4 000 à 6 000 milliards ».

Extrait d’une biographie de Georges POMPIDOU : « Son père fut militant de la SFIO, ce qui conduira Georges Pompidou à épouser les thèses socialistes dans sa jeunesse. »

En voyant le titre de journal, tout à l’heure, il m’a semblé une seconde qu’une douzaine des années les plus récentes s’était volatilisée. Je suis à peu près certain que les guerres d’Irak et d’Afghanistan ont causé des dépenses dès les premières opérations militaires. Ni le futur proche ici présent, si je puis dire, ni le futur simple (coûteront) ne me semblent convenir. En scrutant l’avenir, le journaliste imagine la fin de ces guerres, puis le bilan financier qu’on en fera. N’était-ce pas une occasion parfaite d’emploi du futur antérieur ? « Les guerres de Bush auront coûté… »

La presse écrite abuse a contrario du futur simple : trop souvent, à mon goût, on a recours à ce temps quand on relate une suite d’évènements passés, comme dans l’exemple ci-dessus, où je cherche quels inconvénients il y aurait eu à écrire « conduisit », dans la logique de « fut ». Bien sûr la prise de position de G. POMPIDOU est postérieure au militantisme de son père et on peut souhaiter en rendre compte : est-ce que, pour marquer cette postériorité dans le passé, le passé simple « fut » ne devrait pas entraîner des imparfaits comme « allait » ou « devait » suivis du verbe basique à l'infinitif ? « Son père fut militant de la SFIO, ce qui allait (devait) conduire Georges Pompidou à épouser les thèses socialistes dans sa jeunesse. »
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Jacques
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Message par Jacques »

Je suis d'accord pour les deux. Pour Pompidou je ne sais pas si c'est vraiment fautif, la concordance des temps c'est souvent la quadrature du cercle, mais à coup sûr ce mariage du passé simple et du futur n'est pas ce qu'il y a de plus élégant. Les effets de style doivent être maniés avec précaution.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Jacques-André-Albert
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Re: DRÔLES DE FUTURS

Message par Jacques-André-Albert »

André (Georges, Raymond) a écrit :Titre dans un journal de ce samedi 30 mars 2013 : « Les guerres de Bush vont coûter 4 000 à 6 000 milliards ».

Extrait d’une biographie de Georges POMPIDOU : « Son père fut militant de la SFIO, ce qui conduira Georges Pompidou à épouser les thèses socialistes dans sa jeunesse. »... Ni le futur proche ici présent, si je puis dire, ni le futur simple (coûteront) ne me semblent convenir. En scrutant l’avenir, le journaliste imagine la fin de ces guerres, puis le bilan financier qu’on en fera. N’était-ce pas une occasion parfaite d’emploi du futur antérieur ? « Les guerres de Bush auront coûté… »
Tout dépend du contexte : si c'est c'est inséré dans un récit qui se situe au moment de l'entrée en guerre, le futur proche ne me choque pas ; mais dans un titre de journal, qui est censé présenter l'actualité, c'est pour le moins bizarre
André (Georges, Raymond) a écrit :La presse écrite abuse a contrario du futur simple : trop souvent, à mon goût, on a recours à ce temps quand on relate une suite d’évènements passés, comme dans l’exemple ci-dessus, où je cherche quels inconvénients il y aurait eu à écrire « conduisit », dans la logique de « fut ». Bien sûr la prise de position de G. POMPIDOU est postérieure au militantisme de son père et on peut souhaiter en rendre compte : est-ce que, pour marquer cette postériorité dans le passé, le passé simple « fut » ne devrait pas entraîner des imparfaits comme « allait » ou « devait » suivis du verbe basique à l'infinitif ? « Son père fut militant de la SFIO, ce qui allait (devait) conduire Georges Pompidou à épouser les thèses socialistes dans sa jeunesse. »
À la première lecture, je n'ai pas été surpris de ce futur, mais votre formulation me semble préférable.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
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Anne
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Message par Anne »

André, je suis d'accord avec vous pour les deux cas, et je partage votre indignation, ce futur dont on abuse m'agace moi aussi.
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Jacques
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Message par Jacques »

Anne a écrit :André, je suis d'accord avec vous pour les deux cas, et je partage votre indignation, ce futur dont on abuse m'agace moi aussi.
Il y a aussi une autre chose qui m'agace, c'est que le mot futur, sous l'influence de l'anglais, a pris à tort la place de l'avenir. Nous n'avons plus d'avenir, nous n'avons qu'un futur. Or ce terme, en français, n'a qu'une valeur grammaticale de conjugaison. On voit même assez souvent l'expression anglaise in the future transposée littéralement : dans le futur remplace désormais à l'avenir.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Anglicisme typique et typiquement inutile !
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Jacques a écrit :Il y a aussi une autre chose qui m'agace, c'est que le mot futur, sous l'influence de l'anglais, a pris à tort la place de l'avenir. Nous n'avons plus d'avenir, nous n'avons qu'un futur. Or ce terme, en français, n'a qu'une valeur grammaticale de conjugaison. On voit même assez souvent l'expression anglaise in the future transposée littéralement : dans le futur remplace désormais à l'avenir.
Votre remarque m'étonne, Jacques. L'Académie donne bien ce sens au nom futur : « Temps, époque qui doit succéder au moment présent ; avenir. »
Le TLFI nous offre des citations de Gide, Barrès, Barbusse et Goncourt, qui emploient futur au sens d'avenir.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

J'ai trouvé deux ouvrages anciens où le mot futur est employé au sens de temps à venir : l'un de 1654, le second de 1743. Il y en a certainement d'autres.
Le second est le dictionnaire universel français et latin, et on y trouve cette définition du mot futur :
Le temps futur. Personne ne peut répondre du futur. Il n'y a que Dieu seul à qui le futur soit présent.
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Jacques
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Message par Jacques »

Je reprends les arguments de Jacques Capelovici. Ce que je comprends, c'est que le futur est un terme plutôt littéraire et de sens très général, nommant une situation ultérieure. L'avenir, ce sont les évènements qui se dérouleront après le moment présent.
Littré explique : FUTUR, AVENIR. Le futur est ce qui sera ; l'avenir est ce qui adviendra.
L'Académie définit l'avenir comme « le temps futur ».
Pour Robert l'avenir est le temps à venir. Le futur, partie du temps qui vient après le moment présent.
Partout, il y a des définitions distinctes pour les deux. Littré signale cependant que l'usage confond souvent les deux.
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Brazilian dude
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Message par Brazilian dude »

Cet usage de futurum existait déjà en latin.

in futuro - dans l'avenir
lex in post futurum loqui videbatur - la loi paraissait viser l'avenir

C'est la même chose avec futuro en portugais/espagnol/italien.
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Jacques
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Message par Jacques »

Je ne ferai plus confiance à Capelo, il m'a plusieurs fois induit en erreur.
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shokin
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Message par shokin »

Oui, en latin, futurus, a, um est le participe futur du verbe esse, bien que ce dernier n'ait pas de supin. Et les participes (passé, présent, futur) peuvent déjà devenir des adjectifs.

Scio consulem imperatorem futurum esse. Je sais que le consul deviendra empereur.
Sacerdos de futura pace nuntiat. Le prêtre annonce la paix à venir.


On emploie aussi en allemand das Futur pour désigner les temps grammaticaux : le Futur I et le Futur II de la langue allemande correspondent respectivement au futur simple et au futur antérieur de la langue française. Pour désigner l'avenir, on peut aussi utiliser das Futur, mais on préfèrera die Zukunft.
Nous sommes libres. Wir sind frei. We are free. Somos libres. Siamo liberi.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Malgré les preuves d’emploi ancien du mot « futur » dans le sens « avenir », je tends fort à penser que l’anglais provoque pour le moins un regain de l’expression « dans le futur » au détriment de « à l’avenir » !
En allemand le mot « das Futur » est plus rare que « das Futurum », vers lequel le dictionnaire Wahrig dirige le lecteur qui s’enquiert du premier.
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Jacques
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Message par Jacques »

Je trouve au moins quelqu'un pour se rallier à mes propos.
Ce ne sont pas le latin, l’allemand, le portugais et l’italien qui donneront une réponse à la question que j’ai soulevée : y a-t-il une différence entre avenir et futur ? Nous ne vivons pas en Italie, en Allemagne, au Portugal ou au Brésil, ni dans la Rome antique. Nous vivons en Belgique, en Suisse ou en France au XXIe siècle et notre langue est le français.
Et la réponse, d’après les définitions de Littré et de Robert, est OUI il y a une différence. D’après eux, le futur est une situation dans une époque postérieure à la nôtre, et l’avenir c’est ce qui est à venir, ce qui se passera après le temps présent, étymologiquement ce qui adviendra.
Littré dit : le futur est ce qui sera ; l'avenir est ce qui adviendra. Donc le futur est un état et l’avenir une évolution, une série de faits qui mènent au futur.
Et vos citations, JAA, parlent bien du futur comme temps à venir : un temps, une époque qui existera plus tard. Pas une suite d'évènements.
Je veux bien admettre que Capelo m’ait mis sur une mauvaise voie avec sa tirade sur l’anglomanie, bien qu'il n'ait pas entièrement tort (voir ci-dessus ce que dit André) mais il nous reste un concept plus ou moins philosophique qui incite à ne pas prendre l’un pour l’autre.
Et force nous est de constater que le mot avenir a disparu du vocabulaire au profit du seul futur.
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